Ces pratiques concurrentielles doivent cesser !

Tous les services de renseignements sont au service du citoyen ! A ce titre, la concurrence entre ces services ne doit pas avoir lieu ! Il faut travailler de concert et non pas l’un contre l’autre !

Il est quand même fâcheux et idiot que certains services se croient dans une cour d’école à chercher à tirer la couverture à soi et à faire plaisir ‘à la maîtresse’ !

‘La maîtresse’, c’est l’intérêt général et non pas le politicien ou le préfet !

La France n’a pas d’énergie à dépenser pour gérer les affaires d’égo à la place de gérer d’autres problématiques.

Je pense donc que le renseignement aurait tout intérêt à être regroupé dans une même entité avec un responsable unique. Quitte à créer des services opérationnels qui réfèrent aussitôt que possible à une même hiérarchie, histoire de limiter les problèmes d’égo et de concurrence malsaine.

Car, de la même manière que le mille-feuille administratif entraîne une gabegie entre état et collectivités locales, le mille-feuille des services entraîne aussi une même gabegie.

Il faut y mettre fin.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 9 Avril 2015

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Les rivalités minent les services de renseignement
Le rapport du syndicat Alliance, qui a interrogé les policiers de terrain, s’inquiète du manque de coordination

Le syndicat Alliance, majoritaire chez les gardiens de la paix et marqué à droite, dresse sur le terrain un état des lieux accablant quant aux moyens et aux rivalités des services de renseignement. Les différents services, sclérosés par les guerres de clocher, sont contraints de travailler avec des moyens qui confinent à l’amateurisme et avec un manque de coordination qui ne s’est en rien réduit au fil des différentes réformes.

Production syndicale, le rapport est certes discutable, mais a le mérite de faire remonter le témoignage des agents sur terrain que l’on entend guère derrière le discours officiel.

Il illustre en creux l’extrême précarité des conditions de travail des policiers. Ainsi leurs demandes témoignent d’une perte cruelle de savoir-faire. Ils réclament des cours universitaires  » sur l’islam, l’extrême droite, l’extrême gauche, les autonomes « , ou des formations professionnelles  » en filature « ,  » en gestion des sources « ,  » en recueil du renseignement  » : on est très loin de l’image de services à la pointe du renseignement. Des agents disent avoir besoin de perruquiers pour les filatures ; un major a recensé trois voitures pour seize fonctionnaires de son service ; un policier du Mans a sorti de sa poche 800 euros en quatre ans pour payer des cafés à ses sources.

Depuis 2008, le renseignement intérieur français est divisé en plusieurs entités, issues de la DST, la Direction de la surveillance du territoire, et de l’éclatement des RG, les renseignements généraux. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) lutte contre l’espionnage en France, la répression des actes terroristes ou portant atteinte à l’autorité de l’Etat, la surveillance des individus et groupes radicaux.

Le service central du renseignement territorial (RT) se charge du renseignement  » en milieu ouvert « , mouvements sociaux, violences urbaines mais également la lutte contre les mouvements sectaires et l’économie souterraine. Un schéma compliqué par la concurrence des gendarmes qui ont développé leur propre sous-direction de l’anticipation opérationnelle ainsi que par l’exception parisienne où la préfecture de police a conservé son propre service, la direction du renseignement (DRPP).

Sept ans après,  » la volonté d’une plus grande lisibilité du renseignement sur le territoire français est à l’évidence un flop « , constate le rapport Alliance. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir ce syndicat, ancré à droite, critiquer une réforme portée à l’époque par Nicolas Sarkozy.
 » Dysfonctionnements « 

 » La réforme était utile, pondère Jean-Claude Delage, le secrétaire général. Mais un temps considérable a été perdu. Aujourd’hui, il y a une tentation de donner plus de moyens, une parole gouvernementale qui vise à améliorer les choses. Mais la réalité, c’est que les dysfonctionnements demeurent. Les agents qui ne sont pas à la DGSI se sentent déconsidérés, ceux qui y sont, à force d’être critiqués, se sentent mal aimés. « 

Résultat : la guerre des services fait rage.  » Force est de constater que la communication entre services est extrêmement tendue et difficile « , assure d’emblée le rapport. C’est le moins qu’on puisse dire. Les agents du RT critiquent leurs homologues de la DGSI au sein des bureaux de liaison, créés au lendemain de l’affaire Merah afin de fluidifier les échanges d’information. La DGSI y préempte les dossiers les plus sensibles présentés par les RT, ce qui est normal. Mais ils tiquent quand la DGSI, après examen, estime que finalement le dossier n’est pas assez intéressant et le redonne aux collègues  » sans nous signifier pourquoi ni ce qui a été fait « , se plaignent les agents du renseignement territorial.

Les agents de la DGSI critiquent, eux, leurs petits camarades de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et de la brigade criminelle avec lesquels ils sont supposés mener les enquêtes judiciaires en matière de terrorisme. À en croire la DGSI, les deux services feraient de la  » rétention d’informations  » qui relèverait  » soit de la négligence, soit de la volonté d’être celui qui solutionnera l’affaire « . Les enquêteurs de la SDAT accusent, eux,  » la DGSI, les douanes, la gendarmerie, etc.  » de faire  » leur cuisine chacun de son côté  » pour s’attribuer  » tous les lauriers « …

Les gendarmes, aux  » méthodes intrusives au sein du renseignement « , font l’unanimité contre eux de l’ensemble des services de police. Un agent des RT dans l’ouest de la France raconte comment, selon lui, les militaires copient-collent  » sans vergogne  » les notes de son service  » en changeant le tampon, j’ai la preuve « , avant de les produire au préfet. Les policiers dénoncent  » la surenchère  » des gendarmes qui ont  » instauré une course aux résultats  » et produisent  » des notes contenant des informations brutes non vérifiées « .

Une vision qui n’est évidemment pas partagée par la hiérarchie policière. Dans un dossier très complet consacré à la lutte contre le terrorisme, le numéro de janvier du magazine La tribune du commissaire publie les contributions des chefs des services de renseignement. Une tribune  » fournie par la DGSI  » assure que l’action de la sécurité intérieure  » s’inscrit résolument dans le cadre de coopération de plus en plus étroit avec les services nationaux  » et vante  » un niveau d’échanges qui ne cesse d’ailleurs de croître depuis le début de l’année « . Le chef du service central du renseignement territorial loue, lui,  » des échanges de plus en plus fluides, rapides  » y compris avec la gendarmerie  » avec laquelle des liens étroits et des pratiques solides ont été établis « …

À la tête du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (majoritaire chez les officiers), seule organisation à s’être opposée en 2008 à la réforme du renseignement, Jean-Marc Bailleul s’accorde pour une fois avec Alliance :  » On multiplie des cellules de coordination afin de faciliter le partage de l’information, c’est bien la preuve qu’il existe une concurrence entre les services et qu’elle est néfaste à la collecte du renseignement. Quant aux moyens alloués, les policiers se forment sur le tas, payent de leurs poches… « 

Céline Berthon, secrétaire générale du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), relève que dans les services de renseignement  » si exigeants en temps et en hommes, désormais les nouveaux n’ont pas toujours suivi de formation avant de prendre leurs postes  » et voit dans les conditions de mise en œuvre de la réforme de 2008  » le péché originel « , ayant entraîné  » un passif extrêmement lourd  » entre les services.

Sur l’affaire Merah, l’Inspection générale de la police nationale constatait le 23 octobre 2012 que  » des marges de progression importantes existent en termes de confiance et de fluidité des échanges entre le renseignement intérieur et les autres services de police ou de gendarmerie « . Deux ans plus tard, rien n’a changé.

Matthieu Suc

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