Quand la course aux dividendes assassine des entreprises

Il n’est pas normal que certains n’utilisent les entreprises que par pur intérêt financier personnel à court terme. Une entreprise, c’est comme un être vivant : pour prospérer, on doit lui donner du temps. On doit investir, travailler pour faire grandir l’activité et en faire une affaire rentable et profitable sur le long terme.

L’entreprise doit être pérenne et sa direction doit être menée sur le long terme en favorisant ses succès propres, et non le succès financier de ses actionnaires.

Quand l’actionnaire se sert directement sur la bête en la saignant de ses actifs, l’entreprise meurt et cesse d’être profitable : si on achète 100 poissons pour faire de l’élevage, il ne faut pas être devin pour constater que si on vend ces 100 poissons sur le marché le lendemain, l’activité de l’entreprise sera mise en péril.

A ce titre, il faut cesser d’embaucher de parfaits incompétents financiers à la tête des entreprises. Il faut privilégier l’embauche de spécialistes de l’activité afin de rendre l’entreprise pérenne.

La justice et nos politiques ont un rôle phare à jouer en ce sens : se servir sur la bête, ça s’appelle de l’abus de bien social. Il faut donc savoir condamner juridiquement et lourdement ce genre de pratiques afin de les éliminer car elles sont néfastes pour tout le monde, y compris pour les actionnaires qui n’auront plus rien une fois qu’ils se seront sucrés…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 10 Avril 2015

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Et, à la fin, c’est le salarié qui trinque

Oui, il arrive que la finance tue des emplois. L’appât du  » toujours plus de gains  » pour les capitaux investis a amené des entreprises à la faillite. Le cas des leveraged buy-out (LBO) est emblématique de ces dérives. Non que ce type d’opération financière d’acquisition d’entreprise financée par de la dette soit mauvais par essence ; la finance, permet aussi, grâce à la dette, d’obtenir les moyens d’investir et de développer les sociétés – certains LBO ont ainsi permis de belles aventures d’entreprise.

Le groupe Vivarte, qui possède les enseignes La Halle aux vêtements, La Halle aux chaussures, André, Kookaï ou Naf Naf, est au contraire l’exemple des dégâts que peut provoquer une finance à la gourmandise débridée. La facture aujourd’hui présentée aux salariés est plus qu’amère. Vivarte a annoncé, mardi 7 avril, un plan de 1 600 suppressions de postes, soit un salarié sur dix en France. Il est particulièrement douloureux à La Halle aux vêtements et à La Halle aux chaussures, où se concentre l’essentiel des réductions d’effectifs.

S’ajoute au drame social l’indécence de personnes qui vivent dans un autre monde. Le Parisien a révélé, jeudi 9 avril, que Marc Lelandais, le PDG du groupe remercié en octobre 2014, serait parti avec un chèque de 3,08 millions d’euros. L’ancien patron de Lancel, société où il n’avait manifestement pas fait d’étincelles, sera resté seulement deux ans en poste chez Vivarte. Il a démenti fermement le chiffre du Parisien, dénonçant un  » document erroné « .

On peut certainement ergoter sur les chiffres, mais la réalité ne devrait guère être éloignée de cette somme puisque, selon nos informations, la transaction négociée par les avocats de M. Lelandais comprenait, outre deux années de salaire, un bonus pour avoir bouclé la restructuration financière. Vivarte croulait sous 2,8 milliards d’euros de dette. C’est le fonds britannique Charterhouse qui faisait supporter par la  » bête  » la dette qu’il avait lui-même contractée pour la racheter. Il a fallu desserrer le nœud coulant. M. Lelandais y est parvenu. C’est à mettre à son actif.

Jetons de présence

C’est ainsi que les quatre fonds spécialisés dans le rachat de dettes décotées – Alcentra, Babson, GoldenTree et Oaktree – sont devenus actionnaires. Leurs représentants au conseil d’administration touchent chacun 250 000 euros de jetons de présence, au-dessus de la moyenne pratiquée dans le CAC 40. Ils se croient sans doute au  » board  » de Goldman Sachs à New York !

On pourrait continuer la litanie des financiers qui se sont littéralement enrichis sur le dos de Vivarte, dont le fonds Atticus avait pris le contrôle en 2000 avant de le céder au fonds PAI en 2004, puis à Charterhouse… A la fin, il ne reste plus grand-chose pour indemniser les salariés qui, pour nombre d’entre eux, se sont montrés plus fidèles à l’entreprise que ses propriétaires successifs.

Jean-Baptiste Jacquin

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