Il faut reconstruire la pyramide de la police et de la gendarmerie

La pyramide hiérarchique au sein de la police et de la gendarmerie doit être revue. On ne doit pas avoir autant d’encadrants que d’hommes du rang. De fait, la revalorisation salariale ne doit pas aller forcément vers la montée en grade. On ne peut pas utiliser la montée en grade pour augmenter le salaire : la montée en grade implique des responsabilités d’encadrement.

Même si le salaire est augmenté, un bon homme du rang doit voir son travail valorisé sans passer pour autant par des responsabilités d’encadrant.

Le grade doit être lié à des responsabilités d’encadrement, non de salaire. A ce titre, il doit être surveillé pour garder une pyramide. La valorisation des hommes, elle, peut passer par un autre chemin, pas uniquement vu au niveau du grade.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 22 Avril 2015

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Trop de gradés dans la police et la gendarmerie
Dans un référé, la Cour des comptes juge la gestion des carrières des forces de l’ordre  » coûteuse « 

La Cour des comptes épingle à nouveau les forces de l’ordre. Dans un référé rendu public lundi 20 avril, elle critique la gestion des carrières des policiers et des gendarmes. Début mars, elle avait déjà mis en cause les forces de l’ordre perdues, selon elle, dans leurs rivalités et incapables de travailler entre services.

Cette fois, la haute juridiction s’est penchée sur deux réformes  » majeures  » mises en œuvre entre 2004 et 2012 pour accélérer le déroulement de carrière des policiers et des gendarmes. Elle estime que ces réformes ont été  » coûteuses  » et ont  » manqué d’une vision stratégique « ,et dénonce  » une gestion par à-coups des ressources humaines « .

En 2013 déjà, un rapport de l’Inspection générale de l’administration portant sur ce sujet avait constaté que  » ses résultats sont impossibles à mesurer en matière d’efficacité de l’action policière « . De la même façon, les magistrats soulignent que la gendarmerie a augmenté le nombre de ses officiers  » pour s’aligner sur les grades de la police, sans réflexion suffisante sur ses besoins fonctionnels « .

Selon la Cour, les réformes portant sur les carrières ont entraîné un surcoût annuel d’environ 503 millions d’euros dans la police et 169 millions dans la gendarmerie. Elle souligne avoir déjà rappelé à l’ordre le ministère de l’intérieur en 2013 sur ces sujets, l’avertissant sur la  » hausse accélérée des dépenses  » liées à ces réformes.

Car, à force d’accorder des promotions pour acheter la paix sociale, police et gendarmerie ressemblent à des armées mexicaines. Dans la police, le corps des officiers compte trois fois plus de capitaines que de lieutenants. Et, au sein du corps des gardiens de la paix, la pyramide des grades est certes conforme à l’objectif fixé,  » mais la pertinence de cet objectif n’est pas établie  » note le référé, qui estime qu’ » en moyenne, il y aurait désormais un encadrant pour un encadré « .

Désorganisation des services

Dans la gendarmerie, la pyramide s’est déformée au sein de chaque corps  » au profit des catégories les plus élevées et les plus coûteuses  » : ainsi, la proportion des colonels et des lieutenants-colonels parmi les officiers est passée de 13 % en 2009 à 18 % en 2013.

Cette accélération des promotions de grade conduit à désorganiser les services. Certains gradés ou officiers  » se retrouvent à encadrer leurs collègues d’hier alors même que leurs attributions hiérarchiques ne sont pas clairement définies « .

L’âge moyen d’accès aux grades de commandant et de major, grades les plus élevés respectivement pour les officiers et les gardiens de la paix, est inférieur à 47 ans.  » Cette situation limite les perspectives de carrière (…) pour de nombreux policiers arrivés, près de dix ans avant leur retraite, au sommet de leur corps « , relève la Cour des comptes.

L’interruption de ces avancements accélérés provoque désormais des tensions. Dans la police, les taux de promotion dans le corps des gradés et gardiens ont été divisés au moins par deux en 2013. D’après la Cour des comptes,  » ces perspectives réduites sont d’autant plus problématiques que près de 30 % des gardiens de la paix disposent des qualifications nécessaires pour prétendre au grade de brigadier « . Dans la gendarmerie, les avancements ont également été réduits de plus de 50 % pour les sous-officiers en 2013, et même de 70 % pour les adjudants.

Ce constat accablant dressé, les magistrats préconisent  » de mettre en œuvre (…) une stratégie de gestion des carrières qui rééquilibre la pyramide des corps et évite les à-coups déjà observés « . La Cour a adressé le 3 février son référé au ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, qui disposait de deux mois pour répondre aux critiques, remarques et propositions formulées, mais n’a pas répondu dans les temps.  » Le courrier du ministre est parti hier – lundi 20 avril – « , indiquait-on mardi matin Place Beauvau.

Dans sa réponse au précédent référé de la Cour des comptes sur les enquêtes judiciaires menées par la police et la gendarmerie, Bernard Cazeneuve avait jugé  » excessif  » le  » tableau particulièrement sombre  » brossé par la Cour.

L’association professionnelle des militaires et de la gendarmerie, Gend XXI, a fait savoir qu’il  » partage globalement le constat des erreurs stratégiques  » dressé par la Cour des comptes. Pour cette association créée début janvier, la multiplication des postes d’officiers et de hauts gradés  » a conduit à une dévalorisation des fonctions exercées par les moins gradés  » et pénaliserait aujourd’hui  » les jeunes générations de gendarmes « .

Matthieu Suc


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