Même en matière d’immobilier, il existe de fausses bonnes idées…

Très clairement, la décision de Margaret Thatcher en 1980 d’avoir instauré le « droit à acheter » a été une bêtise. Quand on brade des logements, on devient moins riche et quand on devient moins riche, on ne peut plus financer des mesures sociales d’aide au logement. L’aide au logement doit être focalisée sur la location. En effet, tous les habitants pauvres ne restent pas nécessairement pauvres toute leur vie. Aider les pauvres au départ, pour arrêter de les aider quand ils sont devenus moins pauvres, vaut mieux que de leur donner un beau cadeau sur l’argent du contribuable.

Même en matière d’immobilier, il faut se méfier du populisme, de la démagogie et des fausses bonnes idées, car, à force de dépenser l’argent à faire de beaux cadeaux, il n’en reste plus du tout pour ne serait-ce qu’aider partiellement les futurs pauvres…

Il faut donc focaliser les aides sur un accès au logement en locatif dans un premier temps car l’aide à l’accession est trop chère et ne permet pas d’aider autant de monde. De plus, l’aide pour l’accession à la propriété peut créer des effets d’aubaine plus que malsains car ne pouvant être donnés à tous.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 30 Avril 2015

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Royaume-Uni : le blues de la  » génération location « 
A une semaine des législatives, les candidats débattent du sujet qui intéresse tous les électeurs : comment se loger à un prix décent ? Dans ce pays obsédé par l’immobilier, le taux de propriétaires recule

Outre-Manche, le logement est enfin un sujet de la campagne électorale. A une semaine du scrutin législatif du 7 mai, et alors qu’un dernier débat télévisé entre les candidats est organisé jeudi 30 avril, la question qui brûle les lèvres d’une large partie de la population – comment se loger à un prix décent ? – est enfin abordée. Le premier ministre conservateur, David Cameron, et le leader travailliste, Ed Miliband, ont fait des propositions : vente à bas prix de logements sociaux pour le premier, exonération du droit de timbre pour les primo-accédants et encadrement des loyers pour le second.  » Des cautères sur une jambe de bois « , estime Christian Hilber, de la London School of Economics.

Le Royaume-Uni subit une crise généralisée du logement, aiguë à Londres et dans le sud-est de l’Angleterre. Dans ce pays obsédé par l’immobilier, où on ne peut être invité à un dîner sans que le sujet soit abordé, le taux de propriétaires baisse depuis dix ans. Il est passé de 70 % à 64 % de la population. Dans le Grand Londres, le prix moyen d’une propriété atteint 7,5 fois le revenu moyen, moitié plus qu’il y a quatre ans. Inabordable pour l’immense majorité de la population.

Tant et si bien que les plus jeunes sont désormais surnommés la  » génération location « . En 2001, 58 % des 25-34 ans possédaient leur logement ; ils sont aujourd’hui moins de 40 %. Ils subissent d’ailleurs l’envolée des loyers, qui repousse les classes moyennes vers des banlieues toujours plus lointaines.

 » Nettoyage social « 

Pour saisir l’ampleur du phénomène, il faut commencer par regarder vers le bas de l’échelle sociale. Sam Middleton, 21 ans, mère célibataire, son bonnet enfoncé sur ses longs cheveux roux, a tenu tête aux autorités locales et refusé le  » nettoyage social  » en cours.

L’histoire remonte à septembre 2013. Après avoir été pendant un an sans domicile fixe, Sam se retrouve enceinte. La mairie de Newham, dans l’est de Londres, lui trouve une place dans un foyer, appelé  » Focus E15 « , non loin du parc qui a reçu les Jeux olympiques en 2012. Des jeunes mères y habitent depuis deux ou trois ans. Mais bientôt, vingt-neuf d’entre elles reçoivent une lettre leur annonçant leur expulsion. La raison : du fait de coupes budgétaires, les aides sociales doivent être réduites. La mairie de Newham leur propose bien des appartements… mais à Manchester, à Birmingham ou à Hastings, à des centaines de kilomètres de leur quartier.

 » On a protesté mais on ne pensait pas qu’on nous écouterait « , se rappelle Sam. Contre toute attente, l’affaire passionne, surtout quand, en septembre 2014, les jeunes mères occupent deux semaines durant les appartements vacants du Carpenters Estate, des logements sociaux de Newham en bon état mais qui devaient être démolis. Toutes seront finalement relogées localement. Mais elles font figure d’exception : Newham compte 16 000 personnes en liste d’attente pour un logement social.

Ce sont trois décennies de politique du logement qui ont abouti à cette situation. Dans les années 1980, Margaret Thatcher lance la révolution, très populaire, du  » droit à acheter  » ( » right to buy « ), qui permet aux habitants de logements sociaux d’acheter leur appartement à un prix cassé. Le nombre de logements sociaux chute ; les municipalités n’ont jamais reconstruit autant qu’elles ont vendu. Aussi, les nouvelles constructions privées ont été limitées quand la population augmentait fortement. Les prix se sont envolés, surtout dans la capitale.

Pour compenser, l’Etat soutient financièrement des millions de Britanniques modestes qui louent. La facture a plus que triplé depuis 1989, à 35 milliards de livres (49 milliards d’euros) actuellement. Pendant les années d’austérité qui ont suivi la crise de 2008, le gouvernement de David Cameron a plafonné ces aides, pour le grand malheur des Londoniens, qui payent les loyers les plus chers.

Peu de logements sociaux, des prix astronomiques. La crise immobilière n’épargne personne. Janice Graham, 58 ans, est la mère de l’une des jeunes femmes mises à la porte de Focus E15. Son fils aîné – il a 36 ans – est revenu s’installer chez elle après son divorce. Il est postier et a un emploi fixe mais avec un enfant à charge ; il n’arrive pas à se loger à un prix abordable. Depuis cinq ans, il attend un logement social.  » Tous les vendredis et lundis, la mairie de Newham met sur son site les nouveaux appartements disponibles. La dernière fois, il y en avait six. Il a aussitôt posé sa candidature mais il était déjà 80e sur la liste d’attente « , témoigne Mme Graham.

Six déménagements en six ans

Un gros cran social au-dessus se trouve Brianna L’Hostis. A 29 ans, cette mère de deux jeunes enfants se décrit comme membre de la classe moyenne. Elle enseigne le catéchisme à mi-temps et son mari est ingénieur, en début de carrière.  » Ces six dernières années, j’ai déménagé six fois « , se souvient-elle.La raison ? Chaque année, les loyers augmentent violemment. Au Royaume-Uni, ils ne sont pas encadrés. M. Miliband propose de changer cela s’il est élu, en limitant la hausse des prix au niveau de l’inflation pour une période de trois ans.

Mme L’Hostis a pu trouver une maison avec trois chambres à un prix raisonnable, grâce à des connaissances. Mais le loyer de 1 150 livres par mois(1 600 euros) dévore près de la moitié des revenus du couple.  » On fait attention à tout. On n’a pas de voiture, on marche pour éviter les transports en commun… Les mois où il faut acheter des chaussures sont stressants.  » Elle a appris, à son grand soulagement, que son loyer ne va pas augmenter pour une deuxième année consécutive.

Son amie Lucia Hall, 33 ans, est tout en haut de la hiérarchie sociale de la  » génération location « . Elle aussi a deux enfants en bas âge. Entre son emploi dans une école privée à temps partiel et son mari enseignant, le foyer gagne 60 000 livres (85 000 euros) par an. Le double du revenu moyen d’un ménage britannique. Pourtant, ils logent chez les parents de Lucia.

 » On pourrait de justesse payer un loyer. Mais pour un appartement minuscule « , assureLucia. Si on louait, on ne pourrait jamais économiser pour payer l’avance nécessaire pour avoir un emprunt immobilier.  » Elle regarde la résidence de ses parents, une belle maison de six pièces à Ealing, un quartier bourgeois de l’ouest de Londres :  » Ça vaut 1,75 million de livres (2,5 millions d’euros). Ils l’ont achetée dix fois moins il y a vingt ans.  » Quand elle était petite, ça lui paraissait évident : elle aussi aurait une grande maison. Aujourd’hui, c’est un rêve inatteignable.

éric Albert

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