Cette situation est indigne de notre pays

Autant pour l’Angleterre, je ne crois pas que les montants sociaux puissent être un frein à l’embauche, autant je ne partage pas le même avis pour la France.

Il m’est arrivé, à de multiples reprises, d’entendre la phrase « pourquoi j’irais bosser, alors que je gagne plus à rester à la maison ? ». De plus, des reportages ont déjà montré des personnes licenciées faire le tour du monde en bateau en profitant d’allocations chômage à près de 5000 Euros par mois.

Bref, je pense que, souvent, on va trop loin dans le montant des prestations sociales et dans leurs natures : ne vaudrait-il pas mieux mettre l’argent dans la formation plutôt que dans les allocations ?

En attendant notre pays a des emplois non-pourvus car il existe des gens qui préfèrent rester chez eux à gagner plus, plutôt que d’aller travailler en gagnant moins.

Au contraire de ce que laisse entendre l’article, la faute ne réside pas uniquement sur une formation qui ne serait pas à la hauteur ou à un manque de communication de l’entreprise. Il va falloir aussi se dire que les prestations sociales peuvent être un frein à l’embauche.

Il va falloir que nos politiques s’attèlent à ce problème car il n’est pas viable sur le long terme.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 25 Juin 2015

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Patron cherche salarié, désespérément
La France connaît un chômage de masse, comme devaient le confirmer les chiffres publiés mercredi 24 juin. Et pourtant, près de 350 000 emplois ne sont pas pourvus
Pas évident de trouver des gens pour m’aider ! Pour les week-ends, je prends des extras, mais beaucoup ne reviennent pas une seconde fois…  » Jeune patron d’un bar parisien, Matthieu ne pensait pas rencontrer tant de problèmes pour embaucher. Quelques mois après avoir repris son premier établissement, il découvre les difficultés de la vie de chef d’entreprise.  » Aujourd’hui, je fais tout, de la comptabilité aux cocktails en passant par le ménage… « , déplore le quadragénaire, qui aurait pourtant les moyens de recruter un salarié à temps partiel.

C’est loin d’être un cas isolé. Les chiffres des demandeurs d’emploi pour mai, publiés mercredi 24 juin, devaient le confirmer. A l’heure du chômage de masse, où 5,6 millions de Français pointent chez Pôle emploi, dont plus de 3,5 millions sans aucune activité, de nombreuses entreprises ont du mal à pourvoir les postes vacants.

En septembre 2014, François Rebsamen, le ministre du travail, avait évoqué  » 350 000 emplois non pourvus  » – un chiffre proche des 368 262 offres présentes sur le site Internet de Pôle emploi. Mais cette déclaration, lancée dans le contexte d’une initiative pour durcir le contrôle des chômeurs, avait fait polémique. Peu après, Pôle emploi mettait en garde contre une  » vision statique  » des offres non pourvues, soulignant qu’il s’agit d’un flux constant de propositions déposées et retirées, selon que le recrutement se fait finalement en interne, que les contours du poste évoluent, ou que le candidat trouve un emploi par un autre canal…

Parcours du combattant
Le Medef, qui recense depuis trois ans les besoins des entreprises dans son enquête  » Tendance emploi compétence  » évalue, pour sa part, à 330 000 le nombre d’ » abandons de recrutements  » en 2014. L’organisation patronale a lancé, l’an passé, une campagne de publicité intitulée  » Beau travail « , pour valoriser une centaine de métiers  » en tension « , de l’expert en cybersécurité au plombier, en passant par l’infirmier.

 » Il est très difficile d’obtenir une information statistique fiable. Les offres de Pôle emploi surévaluent sans doute la réalité, car certaines, déjà pourvues, restent quelque temps en ligne. Mais elles la sous-évaluent aussi : de nombreux employeurs passent par d’autres canaux « , estime l’économiste Marc Ferracci, chercheur au Crest-Ensae.

Au reste,  » les chiffres évoluent avec la conjoncture « ,indique-t-on au Medef. Les embauches jugées difficiles devraient être moins nombreuses cette année, selon l’enquête annuelle de Pôle emploi sur les besoins en main-d’œuvre.  » Leur part s’établit à 32,4 % – des recrutements – , soit 10 points de moins qu’en 2012 « , lit-on dans l’étude.

Pour justifier ce parcours du combattant, les patrons pointent d’abord les lacunes de la formation à la française.  » La grande majorité des chefs d’entreprise interrogés évoque l’inadéquation entre le poste proposé et les compétences des postulants « , précise-t-on au Medef.  » En France, la formation professionnelle est complexe d’utilisation et pas assez financée « , abonde M. Ferracci.

Une difficulté flagrante dans les métiers techniques. Anne-Charlotte Fredenucci dirige Anjou Electronique, une PME familiale qui fabrique des ensembles câblés, comme les commandes de vol du Rafale.  » Il n’y a pas de formation au câblage en France. En 2014, nous avons embauché huit personnes après que Pôle emploi leur a payé une formation de trois mois, à laquelle nous avons ajouté six mois chez nous « , indique-t-elle.

Les métiers du social sont aussi particulièrement touchés.  » La moitié de mon personnel doit avoir un diplôme d’auxiliaire de puériculture ou (pour l’encadrement) d’éducateur de jeunes enfants. Or, la région Ile-de-France a bloqué l’ouverture de nouvelles écoles au motif que trop de gens formés à Paris repartent ensuite exercer en province « , dit Sylvain Forestier, patron de La Maison bleue, qui gère des crèches pour les entreprises et les mairies.

Les professionnels de métiers qui ont le vent en poupe, comme les commerciaux ou les informaticiens, sont aussi très courtisés.  » Quand nous voulons recruter des développeurs, nous devons les “draguer” rien que pour qu’ils acceptent de nous rencontrer, témoigne Frédéric Durand, patron de Diabolocom, un petit éditeur d’applications logicielles. Jusqu’à récemment, les carrières techniques étaient moins valorisées que le marketing ou la gestion de projet. Alors qu’aux Etats-Unis, les stars, ce sont les développeurs. « 

C’est le grand défaut du système de formation hexagonal.  » En France, on a tout misé sur l’intellectuel. L’apprentissage et le travail manuel ne sont pas reconnus « , regrette un baron de la métallurgie. Un décalage résumé par M. Ferracci avec cet exemple : lors de l’épreuve de français de l’examen du CAP, on demande aux élèves de… commenter un poème en vers.  » Certes, il ne faut pas négliger les matières générales. Mais il faudrait les adapter au cursus « , déplore le chercheur, qui rappelle que l’inadéquation de la formation des apprentis aux besoins de leur métier est la cause de près de la moitié des ruptures de contrat d’apprentissage en Ile-de-France.

 » Ce n’est pas que les gens ne veulent pas prendre le boulot. C’est que nous n’arrivons pas à les attirer dans la bonne formation. Il faut pouvoir évaluer celles-ci à l’aune de l’employabilité de ceux qui en sortent « , souligne un patron.  » En France, on croit encore que quand on travaille avec ses mains, c’est qu’on n’a pas assez de tête pour faire autre chose « , peste Mme Fredenucci.

Autres freins au recrutement : le défaut de mobilité géographique, en lien avec les rigidités du marché du logement, et le manque d’attractivité de certains métiers.  » Quand les postes ne demandent pas beaucoup de technicité ou de formation, comme la restauration, ce sont les conditions de travail qui rebutent « , observe Pierre Cogniaux-Cagnon, patron d’Aceos, société spécialisée dans les achats groupés pour les PME.

Les petites entreprises, elles, rencontrent des difficultés spécifiques de visibilité et d’attractivité.  » Beaucoup d’ingénieurs ont en tête l’image de la PME à papa, peu dynamique, où l’international est un gros mot. Quand on leur montre la réalité, ils apprécient l’absence de hiérarchie et la vitalité de ces sociétés. Elles correspondent parfois plus à leurs valeurs que les multinationales qui font bien sur la carte de visite « , raconte Séverine Toussaint, qui a animé durant trois ans le club PME de l’Ecole centrale, avant de fonder ZIA, un cabinet de conseil d’accompagnement des PME à l’export. C’est tout le défi des Petits Poucets de l’économie :  » Il faut faire du sur-mesure, avoir une politique de recrutement attirante, se démarquer « , conseille Mme Toussaint.

Car les emplois non pourvus ne sont pas uniquement un problème de candidats.  » Les difficultés à recruter viennent aussi de défauts de communication. Les patrons de PME sont souvent trop introvertis ; ils ont du mal à aller voir à l’extérieur. Surtout, ils n’ont pas assez de temps à y consacrer « ,constate Christian Janson, patron de Sedepa, un petit équipementier automobile des Yvelines.

 » Décalage entre offre et demande « 
Le facteur humain joue aussi.  » Une petite société comme la nôtre – trente salariés – a besoin de gens polyvalents, qui mettent les mains dans le cambouis. C’est de plus en plus difficile à trouver, notamment chez les cadres. Nous passons donc par un cabinet de recrutement spécialisé dans les PME, qui comprend mieux nos problématiques « , explique Pierre Kuchly, à la tête d’ERA-SIB, une entreprise de robinetterie industrielle du Val-d’Oise. Du côté de Pôle emploi, les choses s’organisent : 4 000 conseillers vont se consacrer d’ici à cet été à l’accompagnement des entreprises dans leur recrutement, notamment les TPE-PME.

Cependant, à en croire les économistes, un certain volant de postes non pourvus est inévitable.  » On retrouve ce décalage dans tous les pays. Il est lié au fait que le marché ne s’ajuste pas parfaitement entre l’offre et la demande « , explique M. Ferracci.  » Même avec une croissance quasi nulle ces trois dernières années, on a eu 23 millions de contrats signés – dont 86 % à durée déterminée – chaque année. Il y a donc des emplois qui se créent « , indique Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Selon Pôle emploi, seules 6 % des offres n’aboutiraient pas faute de candidat adéquat. Un chiffre qui tombe à 3 % si on y ajoute les entreprises ayant trouvé un salarié en moins de deux mois.  » On ne réduira pas ce chiffre à zéro, mais on peut le faire baisser en jouant sur les incitations à la mobilité, en améliorant la formation professionnelle et en allouant davantage de moyens à l’accompagnement des chômeurs « , selon M. Ferracci.

Audrey Tonnelier


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