Quand la Russie fait tout pour faire croire à son innocence… sans arriver à convaincre

Ce qui me frappe dans cette histoire, c’est que la Russie emploie tous les arguments possibles et imaginables pour tenter de démontrer qu’elle n’est pas responsable du crash de l’avion MH17.

Las, ses tentatives se trouvent vaines car les arguments contraires sont pour le moins solides.

Il est particulièrement acquis que le crash a eu comme cause principale la rencontre de l’appareil avec un missile sol-air de type BUK-M1. Le problème c’est que les Russes ont affirmé à de multiples reprises que la cause était due à des avions de chasse ukrainiens. La version du missile BUK-M1 est avalisée car des chefs séparatistes disposent de cette arme. Pire, un chef rebelle indique avoir abattu un avion ukrainien au lieu où l’on a retrouvé l’épave de l’avion civil.

Les médias Russes, dont on connait l’indépendance, devant toutes les preuves de l’utilisation d’un missile BUK, ont alors changé de version pour affirmer que la partie Ukrainienne disposait de ces missiles. Ce changement de version alors que l’on avait incriminé des chasseurs Ukrainiens à la base, est pour le moins douteuse car pourquoi changer de version si on n’a rien à se reprocher ?

Pire un lanceur Russe est retrouvé en Ukraine alors que les Russes ont toujours affirmé ne pas y avoir envoyé troupes et matériels : nouveau mensonge…

Face à ces preuves, les Russes changent à nouveau de version : ils disent que le lanceur appartient à la partie Ukrainienne en soutenant dans le même temps que des avions Ukrainiens se cachaient derrière des avions civils pour échapper aux missiles BUK : il faudrait savoir ! Les BUK sont Russes ou Ukrainiens ? Les Ukrainiens se planquent-ils derrière des avions civils ou les dégomment-ils ?

Bref, on assiste à une communication très diffuse et très confuse se contredisant elle-même allant jusqu’à inventer des témoignages n’existant pas…

La Russie voudrait démontrer son entière responsabilité dans cette histoire, elle ne s’y prendrait pas autrement que d’essayer de démontrer son innocence de façon aussi incompétente…

L’avantage c’est que, maintenant, la vérité on la connait…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 17 juillet 2015

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Ukraine : l’enquête impossible sur le crash du MH17
Un an après la destruction en vol du Bœing de la Malaysia Airlines, qui a fait 298 morts dans l’est de l’Ukraine, Kiev et Moscou se rejettent la responsabilité de la catastrophe, et les considérations géopolitiques entravent le travail des enquêteurs
Le 17 juillet 2014, un Bœing 777 de la Malaysia Airlines était abattu dans le ciel ukrainien. A bord de ce vol MH17 qui reliait Amsterdam à Kuala Lumpur, se trouvaient 298 passagers et membres d’équipage. Leurs corps sont retrouvés éparpillés sur des kilomètres à la ronde dans les mornes plaines du Donbass, une zone sous le contrôle des rebelles séparatistes pro-russes en lutte contre Kiev.

Le monde met enfin un mot sur les actions en cours depuis déjà plusieurs mois dans l’est de l’Ukraine : guerre. Cet événement dramatique, qui fait suite à des combats déjà sanglants, pousse les capitales occidentales à élever, une dizaine de jours plus tard, le niveau de leurs sanctions économiques contre la Russie qui soutient activement la rébellion.

Une enquête, difficile, commence, sur fond de tensions entre la Russie et l’Europe. Mais un an après la catastrophe, le dossier du MH17, qui fait l’objet d’une intense bataille médiatique et diplomatique, n’est toujours pas bouclé. Moscou et Kiev, cette dernière étant soutenue par les capitales occidentales, s’accusent mutuellement d’avoir abattu l’appareil.

Aucun message de détresse

Rapidement, un groupe de pays (Australie, Malaisie, Belgique, Pays-Bas, Ukraine) s’est formé pour mener une enquête afin d’établir les circonstances et les responsabilités de ce drame. Sa direction est assurée par les Pays-Bas, dont 193 ressortissants se trouvaient à bord du MH17. En septembre 2014, un rapport intermédiaire a écarté la piste d’une erreur technique ou humaine. Selon ce document, le Bœing 777-200 a été touché, ce 17 juillet à 16 h 20, heure de Kiev,  » par un grand nombre d’objets de haute énergie « , ce qui semble correspondre à l’effet de l’explosion d’un missile sol-air de type BUK-M1, qui se disloque juste devant sa cible. Le rapport note aussi qu’aucun autre appareil n’était présent au moment du drame dans un rayon de 30 km et qu’aucun message de détresse n’a été émis, ce qui semble disqualifier la thèse plusieurs fois avancée par la partie russe d’une attaque menée par un ou des avions de chasse ukrainiens.

Une première version du rapport final, attendue pour le mois d’octobre, a été transmise début juillet 2015 aux pays participants. Sans dévoiler son contenu, la Russie a fait part de ses critiques et dit espérer que ses remarques seront intégrées au rapport final.

Plusieurs éléments semblent indiquer que les enquêteurs ont avancé dans leurs recherches par rapport à leurs conclusions de septembre 2014. Six mois plus tard, fin mars, les autorités néerlandaises ont en effet lancé un appel à d’éventuels témoins du transport et du lancement d’un missile BUK. Ils mettent notamment en avant des enregistrements de conversations téléphoniques attribuées à des chefs séparatistes dans lesquelles il est question d’un tel système de missiles. Peu après, le parquet néerlandais indiquait avoir identifié des  » personnes d’intérêt « , pas encore qualifiées de suspects. Le 13 juillet, l’Australie, la Belgique, la Malaisie, les Pays-Bas et l’Ukraine demandaient officiellement au Conseil de sécurité des Nations unies de créer un tribunal pénal international. Moscou, qui a la possibilité de mettre son veto à ce projet, l’a d’ores et déjà qualifié d’ » inopportun et contre-productif « .

Les conclusions  » officielles  » sont donc encore maigres. En marge de commémorations à Kuala Lumpur, le 11 juillet 2015, le premier ministre malaisien expliquait pourtant avoir une  » image claire  » des événements. De nombreux journalistes et collectifs d’enquêteurs ont apporté des éléments permettant de combler les trous et de se faire une image des responsabilités dans la catastrophe.

De mai à juillet 2014, les séparatistes ont abattu pas moins de sept appareils militaires ukrainiens, avions ou hélicoptères. Ceux-ci volaient à une altitude inférieure aux 10 000 mètres du Bœing, et le MH17 n’a pas pu être abattu par les systèmes de missiles portatifs utilisés jusque-là, mais ce fait rappelle que la rébellion avait fait de la lutte pour les airs un enjeu. Le 17 juillet 2014, à l’heure précise où le MH17 se désintègre, le chef militaire des rebelles indique sur les réseaux sociaux que son armée a abattu un avion militaire ukrainien AN-26,  » au-dessus de Torez « , là où seront retrouvés les débris du Bœing. Le message sera par la suite effacé, mais les médias russes ont eu le temps de reprendre l’information. Dans les semaines précédentes, ces mêmes médias avaient indiqué que la rébellion disposait de systèmes de missiles BUK, supposément capturés à l’armée ukrainienne.

Jerœn Akkermans, journaliste de la télévision néerlandaise RTL, a fait expertiser par un laboratoire indépendant des débris rapportés des lieux du crash, établissant qu’il s’agissait bien de fragments de missile BUK. D’autres ont recueilli, dans une zone entre les villes de Snijné et de Torez, encore aujourd’hui contrôlée par les séparatistes, les témoignages d’habitants affirmant avoir observé ce 17 juillet 2014 le tir d’un missile sol-air, et aperçu un lanceur BUK dans la zone.

Le collectif d’enquêteurs Bellingcat, spécialisé dans l’étude des réseaux sociaux et qui a gagné sa crédibilité autant sur le théâtre ukrainien que sur celui de la Syrie, a retrouvé des photos plus anciennes du lanceur appartenant à la 53e brigade russe de défense antiaérienne, stationnée dans la ville de Koursk, et dont les numéros d’identification correspondent à ceux visibles sur le lanceur repéré dans le Donbass.

 » Responsabilité partielle « 
Le seul mystère qui semble subsister est celui de l’identité des opérateurs du BUK, un système perfectionné dont le maniement demande maîtrise et expérience. S’agissait-il de rebelles du Donbass ? De soldats de l’armée russe, à l’époque impliquée dans les combats ? Les preuves, dans ce domaine, font défaut.

Correct ! V, un site d’investigation allemand, a affirmé avoir retrouvé la trace de la feuille de décharge de l’armée russe de trois soldats de la 53e brigade de Koursk. Cette technique – faire démissionner les soldats avant de les envoyer en Ukraine – a été utilisée par Moscou. D’autres membres de cette brigade ont posté sur les réseaux sociaux des photos prouvant leur présence en Ukraine.

La présence dans la zone Torez-Snijné de nombreux chars est également attestée. Selon la doctrine militaire russe, et selon plusieurs experts – non russes – interrogés par Correct ! V, les unités de tanks ne se déplacent qu’avec la couverture de lanceurs BUK, sans lesquels ils constituent une proie facile pour les avions de chasse ennemis.

Dans son enquête très fouillée, le collectif conclut aussi à la  » responsabilité partielle  » de la partie ukrainienne, qui aurait eu pour habitude de profiter de la présence des avions civils pour faire voler ses appareils militaires et ainsi les  » dissimuler  » aux systèmes de défense antiaériens. Il incrimine également les pays européens, qui, en ne prenant pas la mesure des événements dans l’est de l’Ukraine, n’ont pas appliqué les mesures adéquates, comme l’interdiction du survol par leurs compagnies aériennes des zones de combat.

A 0 h 40, dans la nuit du 17 au 18 juillet 2014, la première réaction du président russe, Vladimir Poutine, entouré de membres du gouvernement, est filmée au Kremlin au cours de ce qui devait être une réunion consacrée aux questions économiques.  » A plusieurs reprises, nous avons demandé aux parties – belligérantes – d’arrêter leurs agressions et de négocier. On peut être sûr que si, le 28 juin, les opérations militaires à l’est de l’Ukraine n’avaient pas recommencé, cette tragédie n’aurait pas eu lieu « , déclare, la mine grave, le chef de l’Etat russe. Le ton est donné. La responsabilité du drame est imputée aux forces ukrainiennes.

Sans attendre, les médias russes tels que Russia Today et LifeNews, proches du pouvoir, ont déjà incriminé l’aviation ukrainienne. Le 21 juillet, le chef des opérations de l’état-major des forces aériennes russes, le général Andreï Kartapolov, affirme disposer de  » données vidéo  » et de  » photos satellitaires  » qui montrent, selon lui, qu’un avion militaire ukrainien SU-25 se trouvait ce soir-là dans la trajectoire du vol de la Malaysian Airlines –  » ceci est prouvé par des vidéos reçues du centre de surveillance de Rostov-sur-le-Don  » – et qu’un tel appareil  » peut atteindre une altitude de 10 000 mètres avec des missiles air-air pouvant tirer jusqu’à 12 kilomètres « . Le gradé évoque aussi l’hypothèse d’un tir de missile BUK, mais en l’attribuant à la partie ukrainienne, qui aurait acheminé le lanceur dans la région de Zorochtchenské, qu’elle était censée contrôler.

La thèse du SU-25 ukrainien sera sans cesse relayée par les médias russes. Des photos, grossièrement truquées, seront même exhibées par la chaîne de télévision Perviy Kanal le 14 novembre suivant. Le témoignage d’un contrôleur aérien espagnol basé à Kiev sera aussi avancé – mais l’homme n’existe pas.

Mais très vite, la Russie a donc aussi admis l’hypothèse d’un tir de BUK, qu’elle est la seule à fabriquer. Le pouvoir a cependant toujours nié farouchement avoir fourni le  » moindre équipement  » aux séparatistes pro-russes du Donbass. Et, tandis que les condamnations pleuvent, cette ligne, qui finit par s’imposer à Moscou, sera tenue pendant des mois.

 » Pardonne-nous, Hollande « 
Il faut attendre le 5 mai pour que le journal indépendant Novaïa Gazeta – qui avait titré en gros caractères le 21 juillet 2014, quatre jours après le drame, sur sa  » une  » :  » Pardonne-nous, Hollande  » –, publie plusieurs pages de texte, photos et graphiques présentées comme un document confidentiel des ingénieurs militaires russes destiné aux enquêteurs des Pays-Bas. Son contenu est conforme à la position défensive adoptée par Moscou. Le missile BUK y est identifié sous son nom de série, 9M38M1. Et, conformément à la ligne officielle, le missile aurait été tiré à partir de la région de Zorochtchenské, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Donetsk.

Quelques jours plus tard, le 2 juin, le fabricant d’armes russe Almaz-Anteï sort à son tour du silence. Lors d’une conférence de presse organisée à Moscou, le responsable du consortium, Mikhaïl Malichevski, soutient lui aussi que le tir provient d’un BUK 9M38M1  » équipé d’une ogive 9H314M « , depuis la région de Zorochtchenské. L’entreprise russe, placée sur la liste des sanctions européennes, se dit formelle : ce type de missiles n’est plus fabriqué en Russie depuis 1999, et les derniers construits  » ont tous été livrés à l’étranger « .

Selon le directeur général, Yann Novikov, les ogives désormais utilisées en Russie sont de type 9M317M, et  » l’armée ukrainienne disposait en 2005 de près de 1 000 missiles semblables à celui qui a abattu le MH17 « . Le lendemain, Vladimir Markine, porte-parole du Comité d’enquête russe, le bras judiciaire du Kremlin, assure sur la télévision promilitaire Zvezda disposer du témoignage d’un mécanicien de l’armée de l’air ukrainienne selon lequel le 17 juillet 2014,  » dans l’après-midi, un SU-25 a décollé pour une mission de combat  » avec à son bord  » le capitaine Volochine  » qui aurait déclaré à son retour de mission :  » L’avion s’est retrouvé au mauvais moment au mauvais endroit.  » M. Markine cite le nom de ce témoin ukrainien réfugié en Russie  » soumis au détecteur de mensonges « , Evgueni Vladimirovitch Agapov.

Cette version, Moscou n’en démord pas. Le 5 juin, le ministre des affaires étrangères néerlandais, Bert Kœnders, qui se rend discrètement à Moscou rencontrer son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour, selon ses termes,  » évoquer la catastrophe du MH17 et la nécessité de poursuivre les responsables « , en fait les frais.  » Ce ne sont pas des discussions faciles, parce que nous sommes en désaccord sur de nombreux points « , commente à la sortie le ministre néerlandais désappointé. Les médias russes ne donneront aucun écho à cette visite.

Isabelle Mandraud et Benoît Vitkine (à paris)


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