Cet article peut mieux faire pour lutter contre la crise du porc !

Dans le fond, l’auteur de cet article a raison : il faudrait que les gens changent leurs habitudes alimentaires pour leur bien être mais aussi pour le bien être des éleveurs. Las, je doute profondément de la méthode. Le Français étant frondeur et râleur par nature, il déteste qu’on lui dise ce qu’il faut qu’il fasse. Il a trop tendance à rechercher les avantages à court terme pour se dire qu’il faut qu’il mette un trait sur sa consommation de viande.

Dès lors, que faire ? Je pense que la solution est politique. Il faut que les politiques imposent une qualité minimum en matière de viande. Cette imposition conduira à l’interdiction de production indigne d’être dans nos étals, comme ces jambons sous cellophanes dont les analyses biologiques indiquent que la couenne est reconstituée, et que des tranches révèlent des traces ADN de 3 animaux différents !

En clair, notre jambon est trop souvent un jambon reconstitué, gonflé à l’eau dont les qualités nutritionnelles sont plus que moyennes. Il conviendrait donc d’interdire la vente de tels produits pour se reporter vers de la viande de qualité.

Les effets de cette politique seraient immédiats : à la hausse des prix de la viande, qui verrait payer les éleveurs à la hauteur de leur travail, les consommateurs freineraient leur consommation de viande en améliorant leur santé et tout le monde serait content !

Bien entendu, ce qui est valable pour le porc pourrait être appliqué au boeuf ou au lait…

Y’a plus qu’à 😉

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 5 Septembre 2015

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Changeons notre chaîne alimentaire pour résoudre la crise de l’élevage
C’est la société tout entière qui doit revoir son approche de l’élevage et remettre en question ses habitudes alimentaires pour sauver les éleveurs
L’élevage français est en crise, les prix de la viande de porc ou du lait ne permettent pas d’assurer un juste revenu aux éleveurs. Comble du désarroi, nos voisins allemands ou espagnols parviennent à produire de la viande de porc à des prix encore plus bas que les éleveurs français, et emportent ainsi de nouvelles parts de marché. Inutile de s’étonner d’une telle situation, puisqu’on a transformé l’élevage en industrie, en créant de toutes pièces des usines à lait, à volailles ou à porc et chacun sait qu’en matière d’industrie, ce sont les entreprises les plus compétitives qui gagnent. Et comment défendre les productions françaises, si l’usine à porc bretonne a exactement les mêmes caractéristiques que sa sœur allemande.

Xavier Beulin, le président de la FNSEA a la solution. Il demande 3 milliards de financement pour développer des infrastructures analogues à celles de nos voisins et souhaite des allégements de charges sociales et de contraintes environnementales. De cette manière, la concurrence sera de plus en plus exacerbée et les élevages devront franchir un pas supplémentaire dans l’industrialisation, la spécialisation et la diminution des coûts de production.

Pour un nouveau paradigme
Au final, pourquoi ne pas délocaliser les usines animales au Brésil ou ailleurs, comme cela a déjà été fait pour les volailles. Toute cette évolution est, bien sûr, monstrueuse sur le plan du respect du vivant, totalement inadaptée sur le plan écologique, absurde sur le plan économique et social et même inefficace sur le plan nutritionnel.

Finalement, l’étendue des dérives des élevages industriels dans le monde est le reflet d’une crise profonde de civilisation que l’humanité devra résoudre pour clarifier ses rapports avec la nature, affirmer son respect du vivant et développer des modes alimentaires durables et équitables. C’est d’un changement de paradigme dont nous avons besoin. Quels traitements devons-nous accorder aux animaux ? Quelle juste place accorder à l’avenir à l’élevage après des millénaires de coévolution avec les populations humaines ? Comment intégrer l’élevage dans une démarche globale d’agroécologie ? De quelles proportions de calories d’origine animale avons-nous réellement besoin ?

La première question à résoudre est celle du respect des animaux, de leur comportement au-delà du soi-disant bien-être animal, un concept largement manipulé pour justifier l’enfermement des animaux délivrés des risques et des aléas naturels. Le comportement de chaque espèce ou race animales est parfaitement connu, celui de la vache de brouter l’herbe des prés ou le foin récolté, celui de la poule de gratter et picorer, du cochon d’utiliser son groin pour consommer feuilles, tiges et racines, et de se vautrer dans la boue pour se rafraîchir.

Le seul contrat domestique qui puisse être recevable entre l’éleveur et ses animaux serait que les conditions d’élevage soient compatibles avec le comportement global de l’espèce. Seulement, une conduite d’élevage la plus naturelle possible entraîne des contraintes considérables. Il est bien plus facile d’élever des porcs sur caillebotis qu’en plein air, de développer des élevages de chèvres hors sol que de conduire au pâturage ces animaux capricieux, de regrouper dans des usines à lait un nombre très élevé de vaches autour d’un robot de traite plutôt que de déplacer un troupeau entier. Les conditions contre nature des élevages industriels ont été en vain souvent montrées et dénoncées et justifiées par la prétendue nécessité nutritionnelle de fournir à chaque consommateur des quantités suffisamment élevées de produits animaux, à l’instar de ce slogan ministériel abusif des trois produits laitiers par jour, inefficace pour améliorer la santé osseuse.

En fait, du point de vue nutritionnel, nos besoins quantitatifs en protéines animales sont très faibles. De nouvelles conduites d’élevage, exemplaires sur le plan du respect du comportement animal, redonneraient un sens au métier d’éleveur et leur permettraient bien plus sûrement de gagner leur vie par la valorisation de leur production. Les prix de la viande et du lait doubleraient certainement, mais, d’un autre côté, sur le plan de la santé publique, il serait souhaitable de consommer deux fois moins de produits animaux. L’équation économique serait ainsi inchangée pour un bénéfice social et écologique considérable.

Il est bien connu que les régimes alimentaires de type occidental sont bien trop riches en calories d’origine animale – qui représentent près du tiers de l’énergie ingérée. Cette consommation élevée de produits animaux pose en effet des problèmes de santé publique, en particulier via les graisses animales. Aussi pourrions-nous diminuer leur consommation de moitié : 15 % des calories en produits animaux équivalent encore à une consommation d’un yaourt, d’un œuf et de 100 g de viande par jour, ce qui peut suffire au plus grand nombre !

Inutile de rentrer dans le débat végétarien, une modération très sensible de la consommation de produits animaux serait déjà une solution raisonnable sur le plan nutritionnel et culturel, qui permettrait enfin une conduite plus écologique de l’élevage. Encore faudrait-il que les pouvoirs publics donnent un signal fort aux citoyens pour parvenir à réduire de moitié en vingt ans le niveau de consommation actuel des calories d’origine animale – ils ont plutôt tendance à faire l’inverse – en expliquant les bénéfices et les enjeux d’une telle évolution, à l’instar des objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

un autre discours nutritionnel
Seule une perception plus juste de nos besoins pourrait contribuer à donner une place plus juste à l’élevage dans la chaîne alimentaire. Enfin délivrés de contraintes quantitatives insoutenables, des élevages plus nombreux et mieux répartis sur le territoire pourraient aider au développement d’une agroécologie nouvelle, tout en valorisant des espaces ou des productions agricoles.

Voilà, en tant que citoyens nous sommes responsables par nos choix alimentaires de l’évolution des élevages avec des conséquences écologiques et socio-économiques majeures. Les agriculteurs et les éleveurs devraient également prendre conscience de la complexité du problème et afficher la volonté ferme de le résoudre, plutôt que de chercher à produire toujours plus.

Quant au discours politique, il est terriblement absent, comment pourrait-on parler juste à propos de climat ou d’écologie, tout en ayant une approche aussi conventionnelle et désuète en matière d’alimentation humaine pour satisfaire les lobbys. C’est à la société tout entière de remettre en question son approche de l’élevage et de ses habitudes alimentaires. Cela prendra du temps !

Par Christian Rémésy


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