Où est passé l’effet bénéfique de la réforme des universités ?

On nous disait que la réforme des Universités de Madame Valérie Pécresse, sous l’ère Sarkozy, avait été une réussite : j’ai comme l’impression que tout le monde n’est pas au courant de cette réussite, en tout cas certainement pas l’université d’Amiens !

Manques de moyens, de personnels, font que la formation se détériore année après année ce qui est un comble pour une réforme qui se disait exemplaire !

Cependant, tout le monde n’est pas perdant : les enseignants ne sont là que 3 jours et demi, histoire de rallonger leurs week-ends !

A-t-on fait la réforme réellement pour les étudiants ? On est en droit de se poser des questions surtout quand on participe au budget de l’Etat par ses impôts et son statut de contribuable de base !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 25 Septembre 2015

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Les amphis bondés de l’université d’Amiens
L’établissement doit accueillir 28 000 étudiants, soit 5 000 de plus qu’en 2010
Lorsque Fabrice Wallois entre dans l’amphi A pour donner son cours de physiologie aux étudiants de première année de médecine, l’ambiance est chaude. Une dizaine de redoublants – les  » carrés  » – viennent d’entonner quelques chants de salle de garde, avant de défier la masse de  » bizuths  » qui les entourent :  » Les bizuths, c’est des pédés ! « , à quoi ceux-ci rétorquent  » Les carrés, c’est des pédés !  » Imperturbable, Fabrice Wallois descend l’amphi, répond à la question d’un appariteur, tandis que l’assistance hurle – en vain –  » un bisou ! un bisou ! « … Mais les 600 étudiants se calment vite : ils savent que la compétition est sans pitié en médecine. Et plus encore cette année qu’en 2014 : la faculté de médecine de l’université Picardie – Jules-Verne (UPJV) d’Amiens bat un nouveau record d’inscrits.

Tout comme d’autres filières.  » En cinq ans, nous sommes passés de 23 000 à 28 000 étudiants, assure Michel Brazier, président de l’université. Et cette année, nous avons 20 % de néo-bacheliers de plus.  » En santé, la hausse des effectifs est de 36 % en un an. En droit, elle est de 18 %.  » C’est structurel, indique la doyenne de droit, Aurore Chaigneau. Depuis 2004, nous avons gagné 67 % d’étudiants.  » L’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE), enfin, accueillait 716 étudiants en 2012 ; ils seront 1 600 cette année.

 » Notre région a besoin de cadres, rappelle M. Brazier, et il faut les former sur place. Nous sommes donc contents d’accueillir ces jeunes. Sous les casquettes en arrière, il y a des intelligences à découvrir…  » Les étudiants de l’UPJV sont, plus qu’ailleurs, issus de familles défavorisées. Ils baignent dans une culture qui ne les pousse guère à s’exiler ou à tenter le supérieur. Il faut croire que les temps changent. Reste que  » la moitié des étudiants de licence sont boursiers, constate M. Brazier. Un tiers est salarié. Nous accueillons également davantage de jeunes handicapés. Tous auront souvent besoin de quatre ou cinq ans pour faire leur licence, contre trois auparavant. « 

Partout, on pousse les murs
Leur réussite implique un accompagnement attentif. Mais  » nous n’avons bénéficié d’aucun emploi supplémentaire à la fac de médecine depuis dix ans, déplore Gabriel Choukroun, le doyen. Les 5 000 “emplois Fioraso” – 1 000 emplois par an de 2012 à 2017, promis par l’ex-ministre de l’enseignement supérieur – , je ne sais pas où ils sont passés… « . En droit, où les étudiants sont passés de 1 500 à 2 500 en dix ans, l’équipe n’a progressé que de 51 à 56 permanents.

 » Nous faisons avec les moyens du bord, soupire Aurore Chaigneau. Mais, il y a dix ans, j’avais un enseignant pour 30 étudiants, contre 1 pour 43 aujourd’hui. Les TD – travaux dirigés – se font à 45, alors que la limite est à 25. Et c’est le seul moment d’échange pour les première année… La qualité de l’enseignement en pâtit. On optimise l’organisation, mais là, nous sommes à saturation complète. « 

En médecine, les étudiants en première année commune d’études de santé (Paces) sont toujours plus nombreux. Mais le nombre de places en deuxième année, lui, ne varie pas : 382. Installée dans l’amphi de M. Wallois, Alexandra Lefebvre, 18 ans, ne se fait pas d’illusion :  » Plus les étudiants arrivent, plus la sélection augmente. Beaucoup d’entre nous vont virer. Pour aller où ?  » Et la sélection se jouera  » au quart de point « , ajoute Doryan Leborgne, même âge, quelques rangs plus haut :  » Il y aura beaucoup d’étudiants proches du résultat, mais qui ne seront pas pris. Ça fait de la déception. « 

A l’ESPE, la directrice Nathalie Catellani dit avoir perdu un cinquième de ses enseignants en quelques années. Elle a décidé de ne plus assurer le suivi des stages des étudiants en première année de master.  » Ah bon ? On n’était pas au courant !, s’indigne, dans le hall, une étudiante qui souhaite conserver l’anonymat. On est encore lâchés. Ça ne change pas… « 

Partout on cherche des mètres carrés, on pousse les murs et on ajoute des chaises dans les amphis. La fac de droit a demandé à celle de sciences d’héberger ses étudiants. Le cours de M. Wallois est filmé, ce qui permet à plusieurs centaines d’autres étudiants de le suivre à distance. Mais la fac de médecine, pourtant toute neuve, est déjà proche de sa capacité maximale. Et les baby boomers de l’an 2000 n’ont pas encore passé le bac…

 » Ça va coincer « 
Beaucoup repose sur la bonne volonté des personnels. Mais  » on ne pourra pas leur demander, année après année, de faire des efforts, prévient M. Brazier. Il me manque 300 enseignants et autant de personnels techniques et administratifs. Mon budget est de 198 millions d’euros. Il m’en faudrait 250 à 300 ! L’Etat fixe l’objectif d’atteindre 60 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur. Très bien. Est-il prêt à nous en donner les moyens ? « 

En attendant, estime la doyenne de droit, il faudra en passer par la sélection, dès la première année.  » Tout le monde est d’accord en droit, même les étudiants, assure Aurore Chaigneau. Les contraintes sont trop fortes… La première année de droit est devenue une sorte de réservoir et les professeurs en sont réduits à voir qui va tenir jusqu’en juin. Ils n’ont plus de plaisir à enseigner avec de tels effectifs… « 

S’il reconnaît que  » ça va coincer très prochainement « , Sébastien Delescluse, président de la Fédération des associations étudiantes picardes (FAEP-FAGE), rejette l’idée.  » La majorité des cours est concentrée sur trois jours et demi pour arranger les enseignants, constate-il. Nous pourrions commencer par étaler l’enseignement du lundi matin au vendredi soir. Mais il faudra bien sûr plus de moyens, ici comme ailleurs. En attendant, on a l’espoir que les choses s’améliorent un peu avec la citadelle. « 

La citadelle, c’est l’ancienne caserne, nouveau campus de centre-ville où une partie de l’université s’installera à la rentrée 2016. Ce qui apportera un peu d’oxygène. Mais, dans le même temps, de combien augmentera le nombre d’étudiants ?

Benoît Floc’h

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