Il faut libéraliser le marché des audioprothèses

Cette situation n’est pas acceptable. Elle ne l’est pas car il y a des gens qui s’engraissent alors même que bon nombre de personnes ne peuvent être équipées.

Le ministère de la santé doit se saisir de ce dossier afin que cette situation honteuse cesse : les prix pratiqués doivent pouvoir faire vivre le professionnel, mais ne doivent pas être dissuasifs vis à vis des patients. Le pire, c’est que si une baisse des tarifs s’effectuait, les professionnels de santé ne gagneraient pas nécessairement moins d’argent, même s’il est sûr qu’ils travailleraient certainement plus…

Mais travailler plus pour un professionnel qui émarge à 6000 Euros bruts mensuels, n’est pas abusif, loin s’en faut.

L’UFC a encore effectué un bon travail en révélant cet abus, qui, quoiqu’on en dise, en est un…

En attendant, c’est le contribuable qui paie une fortune pour engraisser certains : il est temps de mettre fin à cette situation anormale…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 29 Septembre 2015

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Le  » marché verrouillé  » des audioprothèses
2,1 millions de malentendants ne seraient pas appareillés en raison de prix trop élevés, selon l’UFC-Que Choisir
Face aux prix trop élevés des prothèses auditives, 2,1 millions de Français malentendants renonceraient à s’équiper. Un chiffre choc avancé lundi 28 septembre par l’UFC-Que Choisir dans une étude consacrée au secteur des audioprothèses. Sur ce  » marché verrouillé « , un petit noyau de 3 100 professionnels bénéficient, selon l’association de consommateurs, d’une  » rente de rareté non justifiée et non justifiable  » qui leur permet de pratiquer des prix  » dissuasifs « . Alain Bazot, le président de l’UFC, parle même d’une situation  » problématique sur le plan économique et sanitaire  » face à laquelle le ministère de la santé se montre d’une  » passivité surprenante « .

Si l’UFC reconnaît qu’une partie du sous-équipement français s’explique par les réticences de certaines personnes malentendantes à admettre leur handicap,  » le principal frein est financier « . Le prix moyen d’un appareil auditif est de 1 550 euros, soit 3 100 euros pour équiper les deux oreilles, comme c’est en général le cas. Or la Sécurité sociale ne rembourse que 120 euros par appareil, et les mutuelles environ 330 euros, ce qui laisse 1 100 euros à la charge des patients par appareil, soit 2 200 euros pour les deux oreilles. Un reste à charge  » insupportable « , selon Alain Bazot.

Pour défendre leurs tarifs, les audioprothésistes mettent en avant tous les services qui accompagnent la vente. S’ils facturent 1 550 euros un appareil acheté en moyenne 327 euros au fabricant, c’est qu’ils ne sont pas de simples commerçants. Entre la vente, la phase d’adaptation des premiers mois, et le suivi sur toute la durée de vie de l’appareil, le prix inclut facilement 10 heures de travail pour une audioprothèse, 15 heures lorsque les deux oreilles sont équipées.

 » Une pénurie entretenue « 
 » Nous vendons aussi notre temps « , résume Luis Godinho, le président de l’Unsaf, le syndicat des audioprothésistes, pour qui les tarifs pratiqués en France  » ne sont pas plus élevés qu’ailleurs « .  » Nous sommes même dans la moyenne basse européenne « , dit-il, en rappelant que la profession a consenti des efforts financiers pour les bénéficiaires de la CMU.

S’ils apportent d’indéniables prestations, rien ne justifie que les audioprothésistes pratiquent des prix aussi élevés, estime l’UFC, qui les met sur le compte de deux anomalies. La première est le salaire des audioprothésistes. En moyenne, il dépasse 6 000 euros bruts par mois, soit deux à trois fois ce que touchent des professions assez comparables comme les infirmiers ou les kinés.  » C’est le résultat d’une pénurie savamment entretenue « , avance l’UFC, qui juge qu’il faudrait 7 150 professionnels là où il n’y en a que 3 091 aujourd’hui.

Deuxième anomalie : les entreprises d’audioprothèses dégagent une marge nette avant impôts évaluée entre 15 % et 18 % des ventes. Un bénéfice plus que confortable. A titre de comparaison, la marge nette des opticiens est en moyenne de 10 %, relève l’UFC. Une étude du cabinet Xerfi réalisée en 2014 donnait cependant des chiffres moins exceptionnels, avec une marge d’exploitation un peu inférieure à 10 %.

Comment faire en sorte qu’une plus grande part des Français qui en ont besoin puisse être appareillée ? Chez les audioprothésistes, on plaide naturellement pour une meilleure prise en charge par l’Assurance-maladie et les mutuelles.  » Le tarif de remboursement par la Sécu de 120 euros n’a pas été revalorisé depuis 1986 « , regrette Luis Godinho. Le président de l’Unsaf rappelle qu’en Allemagne,  » la prise en charge par la sécurité sociale est sept fois supérieure à celle en France « .

Alors que  » les comptes sociaux sont en difficulté « , l’UFC-Que Choisir préconise de faire d’abord baisser les salaires et les prix dans cette branche, notamment en mettant fin à la  » pénurie  » d’audioprothésistes, et en renforçant la concurrence. En juillet, un arrêté ministériel a introduit un numerus clausus pour les études qui mènent à cette profession : pas plus de 199 élèves par an. L’association réclame un relèvement rapide et durable de ce plafond.  » Nous ne sommes pas dans un système de blocage, la progression du nombre d’audioprothésistes est parallèle à la progression du nombre de personnes appareillées « , se défend Eric Bizaguet, le délégué général du collège national d’audioprothèse (CNA), la société savante de la profession.

Deuxième proposition de l’UFC : dissocier l’achat de l’appareillage et celui des prestations. La vente en un bloc se traduit par un prix de départ plus élevé, et le paiement par avance de prestations qui ne sont parfois pas effectuées, souligne l’association de consommateurs. La toute récente loi Macron a ouvert la voie à une telle dissociation. Encore faut-il que l’Assurance-maladie modifie ses règles de remboursement.  » Cela permettrait de faire émerger la vérité des prix « , plaide l’UFC.  » Des gens se spécialiseront dans ce qu’il y a de plus rémunérateur, c’est-à-dire l’adaptation initiale plutôt que le suivi « , prévient-on à l’Unsaf, où le rapport de l’UFC est globalement jugé  » biaisé  » et  » à charge « .

L’UFC milite enfin pour davantage de transparence au sein de la filière. A éplucher les déclarations d’intérêts auxquelles sont désormais astreints les médecins, l’UFC a découvert que les fabricants et distributeurs d’audioprothèses octroient aux spécialistes ORL des cadeaux et autres avantages en nature non négligeables pour promouvoir leurs produits. Environ 1,5 million d’euros en 2014. Certains médecins reçoivent des milliers, voire des dizaines de milliers d’euros par an.  » De quoi laisser planer le doute sur la parfaite loyauté des médecins vis-à-vis de leurs patients lorsqu’ils les orientent vers un audioprothésiste « , estime l’étude.

François Béguin, et Denis Cosnard


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