Et si « temps partiel » et « surtravail » étaient liés ?

Je pense que lorsqu’un pays est à la peine économiquement, on a deux défauts antagonistes qui peuvent apparaître :

– Le temps partiel. Cela est dû au fait que l’employeur n’a pas les moyens d’embaucher une personne à plein temps si la charge de travail n’est pas suffisante pour lui offrir. Le coût du travail est tel dans notre pays, que l’on ne peut se payer le luxe de payer une personne 35h si sa charge évaluée n’est que de 34h. Il sera dès lors beaucoup plus rentable de lui offrir un contrat de 30h et de « tirer » sur les heures supplémentaires.

– Le surtravail. Il est une conséquence évidente, lui aussi, du coût du travail. De la même manière que le temps partiel, si on évalue le besoin à 60h, on ne prendra pas deux employés à 2x30h mais un seul à 1x60h : CQFD !

Dès lors, on constate que ces deux composantes qui ont l’air antagonistes ne forment que les deux faces économiques d’une même pièce où le coût du travail brime l’intégrité économique de tout un pays !

Il faut ajouter à ces maux typiquement Français, une culture anglo-saxonne loin d’être exempte de reproches ! Cette culture du travail excessif freine l’économie car ce n’est pas parce qu’une personne passe sa vie au boulot qu’elle le fait à productivité constante, et loin s’en faut !

Le stress, le harcèlement, sont des cancers de la productivité ! Ainsi, au même titre que le coût du travail doit être abaissé, la protection du salarié doit être aussi abaissée de manière à mettre de l’huile dans les rouages de l’embauche ! Dans le même temps, les entreprises doivent prendre conscience que trop de travail tue le travail en nuisant à la productivité.

D’un point de vue général, il n’y a pas de recettes toutes faites : tout est question d’équilibre, de pragmatisme et de logique.

Il faut rappeler qu’un patron embauche car il a un besoin. Le salarié travaille car il a un salaire. Quand un patron tire trop sur la corde, il nuit à la productivité du salarié, mais aussi à la sienne ! Et il faut aussi que nos politiques comprennent qu’un patron que l’on essore comme une éponge met la clé sous la porte et fait mourir son entreprise !

Les politiques ont une grande part de responsabilités dans le marasme économique de la France car ils ne connaissent strictement rien au monde économique.

Le renouveau économique de notre pays passera par un renouvellement politique, in fine, par recruter des politiques qui ont une autre formation que purement juridique… Ils devront, entre autres, comprendre que la multiplication des « indépendants » n’est pas une bonne chose car elle ne remplit pas son rôle de productivié réalisée dans un cadre calme et serein (retraite ? assurance maladie ?).

Comme nos politiques ont tendance à se focaliser sur la mode, j’ai bien peur que l’ubérisation de l’économie soit poussée, ce, dans le désintérêt de la majorité des salariés. Plus que jamais la clé est dans les mains de nos politiques, qui n’ont aucune compétence en la matière. Je suis donc pessimiste.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 9 janvier 2016

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Temps partiel pour les uns,  » surtravail  » pour les autres
Le 31 décembre 2015 ont été publiés les décrets sur la pénibilité au travail. Malgré les législations en vigueur, plus de 10 % des salariés des pays développés travaillent plus de 50 heures par semaine
Se tuer à la tâche  » est une expression à prendre au pied de la lettre. Combien de personnes meurent-elles annuellement d’un excès de travail ? Selon des sources journalistiques et académiques, ce chiffre atteindrait 600 000 en Chine (Bloomberg le 30 juin 2014, citant le quotidien chinois China Youth Daily), 70 000 aux Etats-Unis ( » The Relationship Between Workplace Stressors and Mortality and Health Costs in the United States « , Jœl Goh, Harvard Business School, Jeffrey Pfeffer et Stefanos A. Zenios, Stanford University, Management Science, 13 mars 2015), 20 000 au Japon (groupe audiovisuel ABC Australia le 20 juillet 2015).

Cette question ne concerne pas que les trois premières puissances mondiales. Dans la version 2015 de son Better Life Index, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) mesure la proportion de salariés qui  » travaillent un très grand nombre d’heures « , c’est-à-dire plus de 50 heures par semaine, donc plus que les 48 heures autorisées par la première convention de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui date de 1919.

On observe que 12,5 % des salariés de l’OCDE franchissent allègrement le seuil fixé il y a près d’un siècle. En pointe, les pays asiatiques et certains pays anglo-saxons. Le Japon compte officiellement 22 % de salariés qui travaillent plus de 50 heures. Il est talonné par la Corée avec un taux de 19 %. Les héritiers de l’éthique protestante font un tir groupé, avec l’Australie à 14 %, la Nouvelle-Zélande à 14 %, la Grande-Bretagne à 13 % et les Etats-Unis à 11 %. Mais, au jeu de celui qui travaille le plus, deux nations surclassent toutes les autres : la Turquie et le Mexique, avec des proportions de respectivement 41 % et 29 %. Avec un pourcentage de 8 %, le sort des salariés français pourrait paraître relativement enviable, si leur situation n’était pas en contradiction flagrante avec la durée maximale hebdomadaire légalement autorisée, qui est de 48 heures.

normes et performance
A ce panorama international, il faudrait ajouter les heures supplémentaires invisibles dans les statistiques car non déclarées et les congés payés non pris. L’agence de presse nationale chinoise Xinhua rapportait en septembre 2015 que 72 % des salariés chinois n’auraient pu prendre, au cours des trois dernières années, aucun des jours de congés payés auxquels ils avaient droit ! Et, aux Etats-Unis, les salariés ne prendraient en moyenne que la moitié de leurs deux semaines de congés payés, selon un sondage de Harris Interactive pour Glassdoor, publié le 13 novembre 2013.

On observe ainsi un découplage croissant entre les usages et la loi qui, dans la majeure partie du monde, prescrit une semaine de 40 heures et des temps de repos. Quel que soit le pays, le législateur s’avère impuissant à réduire le temps de travail de nombreux salariés, qui préfèrent renoncer à revendiquer leurs droits pour se conformer aux normes en vigueur dans leur entreprise, pour répondre aux exigences de performance auxquelles ils sont soumis, ou tout simplement pour faire face à leurs dépenses contraintes.

Cette réalité du non-respect de la réglementation est masquée par la diminution de la statistique du nombre annuel d’heures travaillées observée dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE. Car cette diminution moyenne dissimule en réalité une bifurcation, avec d’un côté une montée en puissance du travail à temps partiel, notamment féminin, et de l’autre, une multiplication des heures excessives, particulièrement chez les cadres etles knowledge workers (les professions intellectuelles).

Pour les travailleurs indépendants, cette bifurcation entre sous-travail et surtravail est encore plus marquée. Selon une enquête approfondie menée par trois chercheurs de l’OIT ( » Working Time Around the World « , 2007), 45 % des hommes (et 25 % des femmes) qui sont à leur compte en France travaillent plus de 60 heures par semaine, alors que 24 % des femmes (et 5 % des hommes) travaillent moins de 34 heures. En moyenne, hommes et femmes confondus, ce sont 39 % des travailleurs indépendants qui ont une activité de plus de 60 heures par semaine, ce qui fait de la France la  » championne  » des pays industrialisés dans cette catégorie. Elle devance la Corée qui affiche un taux de 34 %, mais aussi la Grande-Bretagne (21 %), le Canada (20 %), le Japon (18 %) et les Etats-Unis (15 %).

L’avenir nous réserve-t-il des jours meilleurs ? On peut en douter, si la tendance à l’ » ubérisation  » de l’économie venait à se confirmer. Cette ubérisation se traduit par le succès de l’autœntrepreneuriat, dans lequel, grâce aux progrès de la technologie et de la désintermédiation, les travailleurs à leur compte ont remplacé leurs anciens patrons par des clients qui les évaluent sur des sites publics. Cette progression du travail indépendant ne fera qu’accentuer dans le futur le découplage entre la législation sur la durée du travail et le nombre d’heures  » volontairement  » consenties. Cette combinaison inédite d’assujettissement et de liberté constitue un des paradoxes de notre ultramodernité : je travaille beaucoup parce que je le veux bien, mais aussi parce que je n’ai pas vraiment le choix, si je veux vivre décemment.

par Véronique Nguyen


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