Il faut lier les diplômés aux besoins du marché du travail

Il ne sert à rien de vouloir produire des diplômés en masse, encore faut-il que le marché du travail soit capable de les absorber ! Ne pas mettre la charrue avant les boeufs, doit donc rester notre crédo : d’abord favoriser la pérennité de nos entreprises, ensuite axer notre formation pour continuer à leur fournir de la main d’oeuvre qualifiée.

Las, vouloir que 60% d’une classe d’âge soit diplômée du supérieur ne sert à rien si on n’a pas fait d’études sur ce qu’ont besoin les entreprises.

Le diplôme doit servir à avoir un emploi, pire, les études et les formations globales doivent servir à ce but !

Il vaut mieux avoir un titulaire d’un CAP employé, qu’un titulaire d’un Bac+5 au chômage : c’est une simple question de bon sens !

Mais le bon sens et l’intelligence échappent souvent à nos politiques qui, agissant souvent par populisme et démagogie, s’engagent dans une voie du ‘toujours plus’ quitte à être dans une position très éloignée de la réalité.

Vouloir former des diplômés, c’est bien, les faire bosser, c’est mieux : nos politiques seraient bien avisés de se remémorer ce simple fait !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 25 Septembre 2015

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Le diplôme moins protecteur qu’auparavant
Poursuivre des études supérieures ne garantit pas une entrée sans encombre sur le marché du travail
Faire des études, et après ? Une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) publiée jeudi 24 septembre rappelle que poursuivre des études supérieures ne garantit pas une entrée sans encombre sur le marché du travail. C’est même de moins en moins le cas. Ce rappel sonne comme un coup de semonce, alors que l’Etat vient de fixer de nouveaux objectifs éducatifs : le 17 septembre, le président de la République a souhaité que 60 % d’une classe d’âge soit diplômée du supérieur (contre 44 % aujourd’hui) d’ici à 2025.

La veille, son secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, se réjouissait de voir la France basculer plus vite que prévu dans la  » société de la connaissance  » en accueillant cette année 65 000 étudiants de plus à l’université.

Mais après ? En 2013, le Céreq a interrogé un échantillon des 369 000 jeunes sortis en 2010, avec ou sans diplôme, de l’enseignement supérieur. Entrés sur le marché du travail deux ans après le déclenchement de la crise économique de 2008, les diplômés du supérieur accusent trois ans plus tard un taux de chômage de 13 %. C’est 4 points de plus qu’en 2007 pour ceux qui étaient sortis en 2004.

En outre, comme dans l’enseignement scolaire, les origines sociales pèsent lourd sur les études. Plus on monte dans le cursus, plus les enfants de cadres sont nombreux. Ils sont 26 % parmi les diplômés de brevet de technicien supérieur (BTS, bac + 2), 51 % en master (bac + 5) et jusqu’à 67 % en doctorat (bac + 8). Et l’alternance, qui s’est beaucoup développée dans le supérieur, n’échappe pas à la règle. Jusqu’à bac + 4, il y a plus d’enfants de cadres parmi les alternants qu’à bac + 5, où les familles favorisées sont par ailleurs surreprésentées.

 » Surdiplomation artificielle « 
L’étude montre également qu’un jeune sur quatre n’a obtenu aucun diplôme. Les plans gouvernementaux adoptés par la droite puis par la gauche pour améliorer la réussite en licence n’y font rien. En revanche, l’impulsion gouvernementale à la poursuite d’études donne, elle, des résultats. En 2010, près d’un tiers des étudiants obtient un diplôme de niveau bac + 5 ou plus. Ils n’étaient qu’un quart quelques années plus tôt.

Pour les détracteurs de cette politique, c’est pure folie. Dans une note parue en juillet, la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), un cercle de réflexion libéral, dénonce  » une surdiplomation artificielle « .  » Le nombre de bac + 5 délivrés est deux à trois fois supérieur à ce que le marché du travail est en mesure d’absorber, écrit l’auteur, Julien Gonzalez. Les conséquences sont préoccupantes : frustration des jeunes diplômés et de leur famille, dévalorisation des diplômes, renchérissement du coût de l’enseignement supérieur, emplois moins qualifiés non pourvus…  » Les mises en garde de la sociologue Marie Duru-Bellat dans son livre L’inflation scolaire (Seuil, 2006), sont également connues.

Et pourtant, le diplôme demeure très protecteur. Si les diplômés de l’enseignement supérieur connaissent un taux de chômage de 13 % trois ans après, il est de 26 % pour ceux qui n’ont pas dépassé le secondaire, et de 50 % pour ceux qui sont sortis du système éducatif sans diplôme.

Par ailleurs, il existe de grandes différences au sein même du supérieur. La seule licence protège mal du chômage. Le master beaucoup mieux. A ce niveau, le taux de chômage tombe à 10 % et même à 4 % pour les écoles d’ingénieurs. Quant aux docteurs, seuls 6 % sont sans emploi.

Les auteurs de l’étude du Céreq, Julien Calmand, Boris Ménard et Virginie Mora, n’occultent pas la question de l’utilité de la hausse du niveau de diplôme.  » Entre les générations 2004 et 2010, la création d’emplois de cadres a été très forte, indique Boris Ménard. Il y a donc un potentiel, même si la capacité du marché de l’emploi à absorber ces diplômés est plus lente que l’élévation du niveau d’études. « 

Bertrand Martinot n’est pas inquiet. Economiste spécialiste de l’emploi, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, auteur de Pour en finir avec le chômage (Fayard, 2015), il confie n’avoir  » pas le moindre doute  » sur le fait que les jeunes qui poussent jusqu’à bac + 5 trouvent un emploi de cadre.  » Les systèmes économiques s’adaptent aux qualifications des personnes, dit-il. Si la France dispose de beaucoup de matière grise, elle développera des activités économiques de haut niveau : centres de recherches, technologies de pointe, finances, sièges sociaux… L’ajustement peut prendre du temps. Mais le chômage que connaissent ces jeunes est surtout dû à la crise de 2008. « 

Benoît Floc’h


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