Quand on a rémunéré pendant deux mois des experts à ne rien faire

Franchement, quand on voit que cette commission a travaillé pendant deux mois à pondre ce rapport aussi creux, on se dit que tous les moyens sont bons pour abuser du système et se faire payer à ne rien foutre !

A l’arrivée, un rapport qui est un résumé de notre Code du travail existant avec des prérogative dites ‘essentielles’ qui n’apportent aucune valeur ajoutée par rapport à l’existant.

Un rapport de plus à caler sous le buffet de grand-mère, et un rapport où on peut voir quelques éléments limites.

Par exemple, l’Article 31 est litigieux quand il dit : « Article 31. L’employeur assure l’égalité de rémunération entre les salariés pour un même travail ou un travail de valeur égale. ». En effet, c’est méconnaître que pour un même poste, la productivité n’est pas la même en fonction de l’expérience, in fine, de l’âge. La discrimination liée à l’âge n’est donc pas de mise, car il est évident qu’une personne plus expérimentée, in fine, plus âgée, ne fournira pas le même travail qu’un salarié plus jeune, à poste égal.

On est donc resté vague et creux dans ce rapport qui n’en est pas un et se contente, je le redis, de banalités et de lieux communs.

Le but était de donner du travail à une commission bien rémunérée pendant deux mois. Objectif rempli.

Quant à la révolution de notre Code du travail, il faudra repasser.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 26 janvier 2016

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PRÉSERVATION DU CDI, RÉAFFIRMATION D’UNE DURÉE NORMALE DU TRAVAIL… EN 61 ARTICLES, ROBERT BADINTER EXPOSE LES  » PRINCIPES ESSENTIELS  » DU FUTUR CODE DU TRAVAIL, DONT LA REFONTE DOIT ÊTRE ACHEVÉE D’ICI À 2018

Le respect des droits fondamentaux, première exigence du droit du travail

Monsieur le Premier Ministre,

La mission que vous avez bien voulu nous confier le 24 novembre 2015 était précise. Il s’agissait, écriviez-vous,  » de dégager les principes juridiques les plus importants à vos yeux  » en matière de droit du travail. (…)

L’énoncé des principes gagne à la concision. Aussi avons-nous écarté le recours à des commentaires qui auraient alourdi le texte sans être indispensables et auraient contraint leur interprétation future.

Le comité a travaillé à droit constant, c’est-à-dire en fondant son analyse sur les dispositions actuelles du droit du travail. Il ne s’est pas cru autorisé, à regret parfois, à proposer de nouvelles dispositions ou à formuler des suggestions. Il appartiendra à la commission de refondation du code du travail qui doit lui succéder d’y pourvoir, dans le respect des principes identifiés par le comité.

(…) Quant à la place de ces principes dans la législation du travail, les membres du comité considèrent unanimement qu’ils doivent figurer dans un chapitre autonome placé en tête du code du travail. Ils n’auront point à ce titre une valeur juridique supérieure aux autres dispositions. Mais, réunis ensemble sous forme de préambule, ils constitueront un système de références pour ceux qui auront pour mission d’interpréter les règles et de les appliquer.

Ainsi, ce corpus de principes éclairera tout le code du travail. Les juristes savent que le droit est matière vivante, soumise aux tensions et aux passions qui animent la société tout entière. Dans un monde en rapide transformation, les rapports de travail évoluent, suscitant une floraison de textes qui nuisent à l’intelligibilité de l’ensemble. Cette complexité croissante du droit du travail n’est pas nécessairement un facteur d’efficacité. Elle constitue parfois même une source de difficultés pour ceux auxquels ce droit s’adresse.

Je sais ne pas trahir la pensée des membres du comité en rappelant que ce qui constitue le cœur du droit du travail français, c’est la volonté d’assurer le respect des droits fondamentaux de la personne humaine au travail. Cette inspiration-là, cette dimension éthique trop souvent méconnue dans la société marchande née de la révolution industrielle, a été à l’origine de tout le grand mouvement de libération sociale des deux siècles écoulés. Pour nous, assurer à la femme et à l’homme au travail, aux salariés, à tous ceux qui participent à la création de richesse dans l’entreprise, le respect de leurs droits fondamentaux, et notamment de leur dignité, s’avère la première exigence du droit du travail aujourd’hui et demain. Cette exigence, elle s’inscrit dans nombre de principes que nous mettons en lumière. A l’heure des transformations profondes qu’engendrent dans la société contemporaine la révolution numérique et l’irrésistible mondialisation des échanges, il s’agit pour le législateur français d’encadrer, sans le contraindre, le droit du travail en le fondant sur des principes indiscutables. Tel est le défi que lancent les temps nouveaux à nos sociétés modernes, y compris à leurs juristes. En assurant ce qui constitue la marque, et je dirais la grandeur, des démocraties occidentales : le respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes humaines, y compris au travail, le législateur français aura répondu à cet impératif. Nous nous sommes pour notre modeste part efforcés d’y contribuer.

Principes essentiels du droit du travailLibertés et droits de la personne au travail
Article 1er. Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

Article 2. Toute personne a droit au respect de sa dignité dans le travail.

Article 3. Le secret de la vie privée est respecté et les données personnelles protégées dans toute relation de travail.

Article 4. Le principe d’égalité s’applique dans l’entreprise. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit y être respectée.

Article 5. Les discriminations sont interdites dans toute relation de travail.

Article 6. La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

Article 7. Le harcèlement moral ou sexuel est interdit et la victime protégée.

Article 8. Il est interdit d’employer un mineur de moins de seize ans, sauf exceptions prévues par la loi.

Article 9. La conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale est recherchée dans la relation de travail.

Article 10. L’employeur exerce son pouvoir de direction dans le respect des libertés et droits fondamentaux des salariés.

Formation, exécution et rupture du contrat de travail
Article 11. Chacun est libre d’exercer l’activité professionnelle de son choix.

Article 12. Le contrat de travail se forme et s’exécute de bonne foi. Il oblige les parties.

Article 13. Le contrat de travail est à durée indéterminée. Il ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas prévus par la loi.

Article 14. Le contrat de travail peut prévoir une période d’essai d’une durée raisonnable.

Article 15. Les procédures de recrutement ou d’évaluation ne peuvent avoir pour objet ou pour effet que d’apprécier les aptitudes professionnelles. Ces procédures respectent la dignité et la vie privée de la personne.

Article 16. Tout salarié est informé, lors de son embauche, des éléments essentiels de la relation de travail.

Article 17. La grossesse et la maternité ne peuvent entraîner des mesures spécifiques autres que celles requises par l’état de la femme.

La salariée a droit à un congé pendant la période précédant et suivant son accouchement.

Article 18. Un salarié ne peut être mis à disposition d’une autre entreprise dans un but lucratif, sauf dans les cas prévus par la loi.

Article 19. Le transfert d’entreprise emporte transfert des contrats de travail.

Article 20. Chacun doit pouvoir accéder à une formation professionnelle et en bénéficier tout au long de sa vie.

Article 21. L’employeur assure l’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi. Il concourt au maintien de sa capacité à exercer une activité professionnelle.

Article 22. Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée sans que le salarié ait été mis à même de faire connaître ses observations. Toute sanction disciplinaire doit être proportionnée à la faute.

Article 23. Les sanctions pécuniaires sont interdites.

Article 24. Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur, du salarié ou d’un commun accord.

Article 25. Le salarié peut librement mettre fin au contrat à durée indéterminée.

Article 26. Tout licenciement doit être justifié par un motif réel et sérieux.

Article 27. Aucun licenciement ne peut être prononcé sans que le salarié ait été mis à même, en personne ou par ses représentants, de faire connaître ses observations.

Article 28. Le licenciement pour motif économique ou pour inaptitude physique du salarié ne peut être prononcé sans que l’employeur se soit efforcé de reclasser l’intéressé, sauf dérogation prévue par la loi.

Article 29. Le licenciement est précédé d’un préavis d’une durée raisonnable. Il ouvre droit à une indemnité dans les conditions prévues par la loi.

Rémunération
Article 30. Tout salarié a droit à une rémunération lui assurant des conditions de vie dignes.

Un salaire minimum est fixé par la loi.

Article 31. L’employeur assure l’égalité de rémunération entre les salariés pour un même travail ou un travail de valeur égale.

Article 32. La rémunération du salarié lui est versée selon une périodicité régulière. Son paiement est garanti en cas d’insolvabilité de l’employeur dans les conditions prévues par la loi.

Temps de travail
Article 33. La durée normale du travail est fixée par la loi. Celle-ci détermine les conditions dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent retenir une durée différente. Tout salarié dont le temps de travail dépasse la durée normale a droit à une compensation.

Article 34. Les durées quotidienne et hebdomadaire de travail ne peuvent dépasser les limites fixées par la loi.

Article 35. Tout salarié a droit à un repos quotidien et à un repos hebdomadaire dont la durée minimale est fixée par la loi. Le repos hebdomadaire est donné le dimanche, sauf dérogation dans les conditions déterminées par la loi.

Article 36. Le travail de nuit n’est possible que dans les cas et dans les conditions fixés par la loi. Celle-ci prévoit les garanties nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Article 37. Les salariés à temps partiel bénéficient des mêmes droits dans l’entreprise que les autres salariés.

Article 38. Tout salarié a droit chaque année à des congés payés à la charge de l’employeur, dont la durée minimale est fixée par la loi.

Santé et sécurité au travail
Article 39. L’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés dans tous les domaines liés au travail. Il prend les mesures nécessaires pour prévenir les risques, informer et former les salariés.

Article 40. Le salarié placé dans une situation dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé alerte l’employeur et peut se retirer de cette situation dans les conditions fixées par la loi.

Article 41. Tout salarié peut accéder à un service de santé au travail dont les médecins bénéficient des garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Article 42. L’incapacité au travail médicalement constatée suspend l’exécution du contrat de travail.

Article 43. Tout salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie de garanties spécifiques.

Libertés et droits collectifs
Article 44. Les syndicats et associations professionnelles se constituent et s’organisent librement. Tout salarié peut librement adhérer au syndicat de son choix et défendre ses droits et intérêts par l’action syndicale. L’exercice du droit syndical est reconnu dans l’entreprise. Les syndicats peuvent y être représentés dans les conditions prévues par la loi.

Article 45. L’appartenance ou l’activité syndicale ne saurait être prise en considération par l’employeur pour arrêter ses décisions.

Article 46. L’exercice de certaines prérogatives peut être réservé par la loi aux syndicats et associations professionnelles reconnus représentatifs.

Article 47. Tout salarié participe, par l’intermédiaire de représentants élus, à la gestion de l’entreprise. Ces représentants assurent la défense des intérêts individuels et collectifs des salariés. Ils ont le droit d’être informés et consultés sur les décisions intéressant la marche générale de l’entreprise et les conditions de travail. Ils assurent la gestion des activités sociales et culturelles.

Article 48. Les salariés investis de fonctions représentatives par voie de désignation ou d’élection bénéficient, en cette qualité, d’un statut protecteur.

Article 49. Tout salarié peut défendre ses intérêts par l’exercice du droit de grève. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

Article 50. L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail ni donner lieu à aucune sanction, sauf faute lourde imputable au salarié.

Négociation collective et dialogue social
Article 51. Tout projet de réforme de la législation du travail envisagé par le gouvernement qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation.

Article 52. Les salariés participent, par la négociation entre les syndicats et les employeurs ou leurs organisations professionnelles, à la détermination collective des conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle, ainsi que des garanties sociales. Les négociations doivent être loyales.

Article 53. Les conditions de représentativité des parties signataires nécessaires à la validité de l’accord sont fixées par la loi.

Article 54. Une convention ou un accord collectif applicable dans l’entreprise régit la situation de l’ensemble des salariés compris dans son champ d’application. L’autorité publique peut rendre une convention ou un accord collectif applicable à des entreprises qui ne sont pas liées par lui.

Article 55. La loi détermine les conditions et limites dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent prévoir des normes différentes de celles résultant des lois et règlements ainsi que des conventions de portée plus large.

Article 56. En cas de conflit de normes, la plus favorable s’applique aux salariés si la loi n’en dispose pas autrement.

Article 57. Les clauses d’une convention ou d’un accord collectif s’appliquent aux contrats de travail. Les stipulations plus favorables du contrat de travail prévalent si la loi n’en dispose pas autrement.

Contrôle administratif et règlement des litiges
Article 58. L’inspection du travail veille à l’application du droit du travail dans des conditions protégeant ses membres de toute pression extérieure indue.

Article 59. Les litiges en matière de travail sont portés devant une juridiction composée de juges qualifiés dans le domaine du droit du travail.

Article 60. L’exercice, par le salarié, de son droit à saisir la justice ou à témoigner ne peut, sauf abus, donner lieu à sanction.

Article 61. Les syndicats peuvent agir ou intervenir devant toute juridiction pour la défense des intérêts collectifs de ceux qu’ils ont vocation à représenter.

Robert Badinter


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