Notre manque d’imagination juridique frôle l’incompétence et mène à une mise en danger de la vie d’autrui !

Franchement, ce n’est pas très malin de ne pas avoir effacé toutes les références démographiques de cette personne. Son nom apparaît, en effet, dans les documents accessibles à l’ensemble des parties civiles !

L’argument juridique fallacieux consistant à dire qu’il n’y a pas de protection des témoins comparable à celle qui existe pour les repentis est risible au possible ! Il n’y a qu’à dire que c’est une repenti est c’est réglé ! On aurait pu dire qu’elle avait fauté, en s’étant retrouvée avec des complices présumés, mais que sa faute ne donnait lieu qu’à une peine mineure, et qu’à ce titre, elle pouvait être considérée comme repentie ! Bref, là où il y a une volonté, il y a des solutions !

Le ministère de l’intérieur se cherche donc des excuses et ne cherche pas de solutions pour cette personne qui a véritablement agi dans l’intérêt général ! A ce titre, elle doit être protégée et doit pouvoir bénéficier de toutes les actions qui sont mises en place pour les repentis !

Il suffit donc d’engager une procédure à son encontre pour la faire changer de statut : de statut de témoin, elle passerait à repentie, et on pourrait engager les actions menant à protéger sa vie… C’est clair et c’est simple : y’ plus qu’à…

A tous nos prétendus gens brillants qui nous gouvernent, je rappelle que la Loi n’est jamais figée dans le marbre et qu’elle est là pour servir le citoyen et non l’inverse.

A bon entendeur, salut !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 6 février 2016

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Questions sur la protection d’un témoin-clé des attentats du 13 novembre
La jeune femme qui a signalé Abaaoud à la police dénonce les manquements dans sa prise en charge, qui n’est pour l’heure pas prévue par la loi
Trois mois après l’assaut du RAID, le 18 novembre, contre un appartement de Saint-Denis au cours duquel avaient trouvé la mort Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attentats du 13 novembre, son complice Chakib Akrouh et sa cousine Hasna Aït Boulahcen, le témoin qui avait permis de les localiser a décidé de s’exprimer dans la presse. Jeudi 4 février, la jeune femme, surnommée  » Sonia  » par les médias, a raconté au micro de RMC et BFM-TV ce qu’elle avait déjà spontanément expliqué aux enquêteurs.

Le 16 novembre, ce témoin-clé avait appelé le numéro  » 197 alerte attentat « , avant d’être entendue dans les locaux de la sous-direction antiterroriste (SDAT). La jeune femme avait déclaré que Hasna Aït Boulahcen avait reçu la veille un appel de Belgique lui demandant d’aider un  » frère « . Les deux femmes s’étaient rendues le soir même aux abords d’un buisson d’Aubervilliers, d’où avait surgi Abdelhamid Abaaoud. L’homme avait demandé à sa cousine de l’aider à trouver un hébergement afin de préparer de nouvelles attaques. Le témoignage de Sonia avait permis de localiser les terroristes.

A l’issue de sa déposition, la jeune femme a été exfiltrée par les services du ministère de l’intérieur : elle a été installée dans trois hôtels successifs avant d’être finalement logée dans un autre département. Mais son nom apparaît dans toute la procédure à laquelle ont accès l’ensemble des parties civiles, les mis en examen ainsi que certains médias, mettant sa sécurité en péril.  » Elle est clairement en danger « , souligne une source policière.

Si la jeune femme parle aujourd’hui à la presse, c’est parce qu’elle estime être insuffisamment soutenue et protégée par les services de l’Etat.  » On ne peut même pas dire que ma vie n’est plus du tout la même, je n’ai plus de vie. Je n’ai plus de vie sociale, je n’ai plus de travail, je n’ai plus d’amis, je n’ai plus de famille. On m’a coupée du reste du monde.  » Sonia, qui souhaiterait notamment un soutien financier, affirme n’avoir  » rien  » obtenu de la part des autorités.  » On se sent menacé, on se sent abandonné « , résume-t-elle sur BFM-TV et RMC.

Les policiers suspicieux
Pourquoi la jeune femme n’a-t-elle pas davantage été protégée par les autorités ?  » Il n’existe pas aujourd’hui en France de régime de protection des témoins comparable à ce qui existe pour les repentis « , explique-t-on au ministère de l’intérieur. La seule possibilité qui s’offre aujourd’hui est le témoignage sous X, prévu par l’article 706-58 du code de procédure pénale. Lors de son audition du 16 novembre, la jeune femme a pourtant témoigné sous sa véritable identité.

 » Le témoignage sous X est utilisé pour convaincre un témoin qui a peur de parler, généralement à sa demande. Sinon, tout le monde exigerait de témoigner sous X « , explique un responsable de la police nationale. Le témoignage de Sonia était spontané. Au regard de la gravité de la situation, les policiers auraient-ils dû protéger la jeune femme de leur propre initiative ?  » Lorsqu’elle appelle le numéro alerte attentat, elle est déjà parfaitement identifiable puisqu’elle est elle-même un personnage de son récit. Elle est la seule à pouvoir relater les faits dont elle a été témoin « , explique une source proche de l’enquête.

Il s’avère en outre que les policiers se sont, dans un premier temps, montrés particulièrement suspicieux à l’égard de son récit : la description qui leur est faite d’Abdelhamid Abaaoud surgissant hirsute d’un buisson après trois nuits dans la végétation leur semble peu crédible. Pire : ils redoutent un piège.

Une défiance qui les conduira à interpeller Sonia deux jours après son témoignage, le 18 novembre, jour de l’assaut du RAID, ce qui compromettait définitivement son anonymat. De nouveau entendue dans les locaux de la SDAT le 19 novembre, cette fois-ci sous le régime de la garde à vue, elle n’avait d’ailleurs pas caché son irritation :  » Je ne vous donne plus aucune confiance « , avait-elle lâché aux enquêteurs. Sa deuxième audition s’était conclue par cet échange :  » Avez-vous autre chose à ajouter ? – J’ai la trouille. « 

Condamnée depuis trois mois à vivre cloîtrée, la jeune femme a demandé à pouvoir bénéficier d’une identité d’emprunt pour refaire sa vie. Mais cette possibilité, réservée depuis un décret du 17 mars 2014 aux repentis et à leur famille, n’est là encore pas prévue par la législation française pour les simples témoins.  » Le système juridique est clairement défaillant sur ce point. On a fait avec les moyens du bord « , soupire une source policière.

Un premier versement financier
Hasard du calendrier, le projet de réforme du code de procédure pénale, présenté mercredi en conseil des ministres, prévoit justement de rattraper ce retard. L’article 6 institue  » un dispositif de protection des témoins exposés à des risques graves de représailles similaire à celui applicable aux repentis, permettant notamment l’octroi d’une identité d’emprunt « .

Interrogé jeudi matin sur Europe 1, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a défendu l’action de ses services tout en dénonçant la médiatisation de ce témoin :  » Contrairement à ceux qui parlent, j’ai une responsabilité. C’est de ne pas exposer la vie de cette personne. J’estime que nous faisons ce qu’il faut dans un contexte extrêmement compliqué.  » Tandis que ses services tentaient depuis plusieurs jours de dissuader RMC et BFM-TV de diffuser le témoignage de Sonia, la jeune fille a reçu, mardi, un premier versement financier.

En début d’après-midi, le parquet de Paris a annoncé par communiqué l’ouverture d’une enquête pour  » violation du secret de l’instruction, recel de violation du secret de l’instruction et mise en danger de la vie d’autrui  » visant RMC, BFM-TV et Le Point. Dans un article publié jeudi matin, un journaliste du Point écrivait notamment avoir frappé le 20 novembre  » à la porte du témoin numéro un qui a permis la neutralisation d’Abdelhamid Abaaoud « . Le parquet de Paris avait déjà ouvert le 27 novembre une enquête préliminaire après la diffusion d’extraits de l’audition de ce témoin par l’hebdomadaire Valeurs actuelles.

Soren Seelow

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