Où l’on arrive à démontrer l’incompétence de nos politiques

Cet article est très intéressant à double titre. D’abord, car il dit que notre droit est la cause du manque de compétitivité de notre pays. Mais il arrive aussi à démontrer l’incompétence de nos politiques car leur formation est, en France, essentiellement juridique !

Une pierre deux coups donc pour un article qui pose de réelles et véritables questions sur les raisons du marasme économique dans lequel est enfermée la France !

Cet article dit que notre pays est dans un repli sur soi général dû, avant tout, à une rigidité juridique qui l’immobilise.

On montre aussi, que, en plus d’une médiocrité juridique, qui brime notre pays, on est aussi dans une médiocrité économique : mais comment pourrait-il en être autrement quand nos dirigeants n’ont aucune formation en la matière ?

La formation de nos dirigeants doit donc changer : en plus de réorienter les matières juridiques, les matières économiques doivent aussi leur être inculqués !

Beaucoup de boulot donc en perspective afin de rendre compétents les tocards qui nous servent de dirigeants !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 11 mars 2016

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Le droit, les rentiers ou l’innovation

Faut-il prendre pour exemple le psychodrame de l’avant-projet de loi El Khomri sur le travail ou le tumulte provoqué par l’arrivée de l’entreprise Uber sur le marché français du taxi ? L’actualité la plus brûlante livre presque chaque jour l’occasion de démontrer combien nos règles de droit sont au cœur des tensions sociales et des enjeux politiques d’aujourd’hui.

Le droit n’est pas une discipline abstraite ou désincarnée, mais le reflet d’un état d’esprit, d’une culture et de grands choix collectifs. Mais, si notre droit a fait école dans le monde à l’époque napoléonienne, il tient désormais du chef-d’œuvre en péril : vieilli, anachronique, en déphasage complet avec le monde agile d’aujourd’hui.

Pis : il condamne l’innovation, ce carburant d’une période de mutations intenses. Telle est la thèse développée par trois juristes, membres de Droit et Croissance, un laboratoire de recherche indépendant créé en 2002, dont l’ambition est de réconcilier leur discipline avec l’efficacité économique.

Dans une note de la Fondation pour l’innovation politique –  » Un droit pour l’innovation et la croissance  » –, Sophie Vermeille, Mathieu Kohmann et Mathieu Luinaud dressent un état des lieux accablant de ce qu’ils appellent, avec le Prix Nobel d’économie 1993, Douglass North, les  » institutions « , dans notre pays : c’est-à-dire l’ensemble des lois, des règles écrites ou informelles, ainsi que les instruments créés pour en contrôler leur bonne application. Ce corpus et ces régulations  » n’ont guère évolué depuis la fin de la seconde guerre mondiale et empêchent la France de franchir la frontière technologique atteinte par ses acteurs économiques « .

En clair, la France a des atouts multiples, la créativité de ses ingénieurs, la puissance de ses scientifiques, la qualité de sa recherche fondamentale de pointe, mais elle peine à  » transformer le fruit de cette recherche en application industrielle créatrice de croissance « . Sa balance technologique est positive, mais sa balance commerciale ne cesse de se dégrader. Et, chaque année, la France recule dans le classement des pays de l’Union européenne en matière d’innovation. Au 12e rang en 2015, elle appartient désormais au groupe des  » suiveurs « , quand les premiers réussissent, eux, à développer les  » innovations radicales « , celles qui construisent le monde de demain. Si de lentes évolutions ont, certes, vu le jour ces vingt dernières années, les  » institutions  » françaises ne sont toujours pas en phase avec  » les nécessités d’une économie moderne tributaire de sa capacité à innover « . La France court derrière  » une innovation de rattrapage « .

un héritage monarchique
A qui la faute ? A un héritage monarchique, sans doute, qui fait que la politique a toujours tenu, d’une main très serrée, l’économique. Quand l’économie de marché et la liberté d’entreprendre ont été gravées dans le marbre constitutionnel dans de nombreux pays, elles ont été, et sont toujours, reléguées et mises sous surveillance, avec dédain, dans notre tradition nationale.

Aux juristes français, ensuite. Les auteurs balaient devant leur porte et soulignent la responsabilité historique de leur profession dans cet immobilisme : à l’inverse des juristes de nombreux pays, nos spécialistes ont continué, depuis le XIXe siècle,  » à construire leur droit de manière autonome et abstraite, multipliant les typologies et les qualifications juridiques déconnectées des réalités économiques « . De la belle ouvrage, assurément, mais davantage faite pour les livres que pour la vie réelle. Ailleurs, la science économique a été appelée à la rescousse, dans un esprit d’ouverture et d’interdisciplinarité. Pas en France.

Troisième accusé, le jeu trouble de l’Etat, cette propension nationale à vouloir toujours préserver la rente. Si le droit du travail et la fiscalité sont deux domaines importants pour accompagner les mutations économiques, les auteurs y ajoutent le droit des faillites :  » En faisant le choix politique de préserver l’emploi à court terme et de le maintenir à tout prix plutôt que de se soucier de la pérennité globale d’une activité économique, le droit français des faillites maintient sous perfusion grand nombre d’entreprises non viables, ou surendettées.  » Meilleur ami des rentes,  » l’Etat décourage et fragilise les nouveaux entrants, qui disposent, pourtant, d’un fort potentiel d’innovation « . Les fondateurs français de la start-up de transport entre particuliers Heetch en savent quelque chose !

Que faire ? Ouvrir la discipline, réformer  » les institutions françaises « , simplifier les règles, inventer une  » flexibilité du droit « , repenser le rôle de l’Etat, s’appuyer sur l’Europe, aussi, pour mieux défendre nos brevets… La tâche est vertigineuse et ne rend guère très optimistes nos trois auteurs :  » Il est sans doute déjà trop tard pour que la France bénéficie pleinement de la présente vague d’innovations numériques.  » C’est la prochaine vague qu’il faut maintenant viser. A condition que notre droit… innove !

par vincent giret


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