Peut-on engager sciemment un tel risque industriel ?

L’EPR est un échec industriel. Il ne marche pas, continue à coûter énormément d’argent et n’est pas encore passé en production. A 24 milliards le risque, sur argent public en grande partie, on ne peut continuer à jouer à la roulette russe ad vitam aeternam. Si on échoue, avec 24 milliards, ça sera la ruine pour l’entreprise publique et les citoyens Français seront invités à éponger le risque.

Trop c’est trop. Il faut savoir, de temps en temps, reculer pour mieux sauter. Il faut savoir arrêter les frais à un moment donné et savoir avouer qu’on s’est trompé. Il faut se retirer du projet Hinkley Point pour en revenir aux fondamentaux : faire des centrales plus petites, éprouvées, de manière à regagner des parts de marché pouvant mener à engranger de l’argent pour engager des recherches pour construire un projet véritablement éprouvé.

L’industrie ne se nourrit pas de ‘Yakas’ : il faut éprouver les modèles avant de les vendre. Il y a trop d’inconnues dans l’EPR pour continuer aveuglément à produire sans se soucier de la pertinence économique du projet, mais aussi et surtout de la sécurité humaine qui en découle !

Il faut s’opposer au lancement immédiat de ce projet car le risque est trop important actuellement. Réfléchir et se poser doit être la priorité absolue en la matière et engager une étude indépendante en est la clé de voûte !

La survie économique est à ce prix. La sécurité humaine est à ce prix aussi !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 6 Mai 2016

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EDF : le  » désespoir  » de l’ex-directeur financier

Le témoignage de Thomas Piquemal apporte de l’eau au moulin des opposants à l’EPR d’Hinkley Point

« J’ai démissionné en désespoir de cause. En désespoir tout court. Moi, je n’avais pas envie de quitter EDF, une entreprise que j’ai tant aimé défendre.  » Thomas Piquemal, l’ancien directeur financier de la compagnie d’électricité, est sorti mercredi 4 mai du silence qu’il s’était imposé depuis son départ, le 1er mars. La voix grave, le visage tendu, l’ex-grand argentier du groupe a livré à l’Assemblée nationale un témoignage édifiant, faisant monter d’un cran la pression déjà forte pour qu’EDF reporte d’au moins quelques années son grand projet nucléaire au Royaume-Uni.

Car l’ex-directeur financier a été clair : sa démission est directement liée aux deux réacteurs nucléaires EPR envisagés à Hinkley Point, en Grande-Bretagne. Un investissement évalué à 24 milliards d’euros, et jugé beaucoup trop risqué. Si M. Piquemal a claqué la porte, après avoir passé six ans au sein du groupe, c’est pour ne pas  » cautionner une décision susceptible, en cas de problème, d’amener EDF dans une situation proche de celle d’Areva « , celle d’une grande entreprise publique menacée d’un dépôt de bilan, a-t-il déclaré.

De quoi apporter de l’eau au moulin de tous ceux qui, à l’extérieur et surtout au sein d’EDF, s’opposent au lancement immédiat de cet énorme projet. Devant l’opposition unanime des syndicats et les réserves de plusieurs administrateurs indépendants, le PDG, Jean-Bernard Lévy, a accepté le 22 avril de reporter une nouvelle fois la décision sur le sujet, et de consulter au préalable le comité central d’entreprise (CCE). Celui-ci tiendra une première séance consacrée à ce dossier lundi 9 mai. Il y a toutes les chances qu’il demande une expertise extérieure. Les élus du personnel auraient alors jusqu’au début juillet pour rendre leur avis. En pratique, le choix d’EDF d’investir ou non en Grande-Bretagne sera donc décalé d’au moins quelques mois.

Aux yeux du PDG d’EDF comme du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, ce report ne remet pas en cause le lancement rapide d’un chantier présenté comme décisif pour l’ensemble de la filière nucléaire. Le gouvernement est  » attaché  » à la réalisation d’Hinkley Point, un projet  » essentiel  » sans lequel il y aura  » des centaines de licenciements  » chez Areva, a souligné le ministre le 2 mai lors d’une visite dans l’usine du groupe nucléaire au Creusot (Saône-et-Loire).

 » Le lancement immédiat de ce projet serait mortifère pour EDF et la filière « , affirment au contraire les syndicats d’EDF. Selon eux, la décision doit être reportée d’au moins trois ans. C’est aussi ce qu’avait proposé M. Piquemal à son PDG dès le début 2015, sans être entendu.  » Qu’est-ce que trois ans pour un projet de quatre-vingt-dix ans ? « , argumente aujourd’hui l’ex-directeur financier. Bien sûr, EDF aurait dû renégocier avec son client britannique et avec ses fournisseurs.  » Mais comment penser qu’en signant à la va-vite le contrat ne sera jamais renégocié « , et que les Britanniques accepteront de surpayer leur électricité pendant des années ?

En 2013, lorsque EDF a conclu un accord avec les autorités britanniques pour construire deux réacteurs de nouvelle génération dans le Somerset, les syndicats comme M. Piquemal avaient pourtant applaudi. Mais, depuis, la donne a changé du tout au tout, a expliqué mercredi l’ex-directeur financier. Le gouvernement britannique a renoncé à accorder sa garantie financière au projet, considéré comme une tête de série compte tenu du retard pris par les autres EPR en construction en Finlande et à Flamanville (Manche). Areva a sombré dans la crise, et n’est plus en mesure de financer ses 10 % prévus. La situation du groupe EDF lui-même s’est détériorée, en raison des déboires de Flamanville et surtout de l’effondrement des prix de l’électricité en Europe. Cette chute, jugée durable,  » change tout le modèle économique d’EDF « , selon M. Piquemal.

Trouver des partenaires
Dans ces conditions, enclencher un investissement aussi massif est devenu très audacieux. D’autant qu’EDF, avec la construction des EPR en Finlande et en France, a déjà beaucoup engagé sur ces réacteurs.  » On arrive à fin 2015 à un montant considérable : 14 milliards d’euros ont déjà été investis dans cette technologie, soit 58 % des fonds propres  » du groupe, a souligné M. Piquemal.  » Rajouter un projet d’EPR me paraissait impossible « , a déclaré l’ex-dirigeant, nommé par l’ex-PDG Henri Proglio.  » Qui parierait 60 % ou 70 % de son patrimoine sur une technologie dont on ne sait toujours pas si elle fonctionne ?  » Au-delà des contraintes financières, c’est la stratégie du tout-nucléaire, voire du tout-EPR, qui se trouve mise en cause par les défenseurs mêmes de l’atome, qu’il s’agisse d’un  » nucléocrate  » comme M. Piquemal ou des syndicats d’EDF, très attachés à une production qui a fait la force et la gloire de l’entreprise.

M. Lévy ayant refusé de reporter le projet britannique, M. Piquemal a cherché en 2015 plusieurs solutions pour rendre l’affaire jouable, a-t-il relaté. La première consistait à trouver des partenaires prêts à partager l’investissement. Mais après avoir fait le tour du monde, il est apparu qu’à part les Chinois, partenaires de longue date du groupe,  » personne n’acceptait de prendre le risque EPR « .

M. Piquemal a alors suggéré de faire participer la filière nucléaire française elle-même à Hinkley Point, par exemple au travers d’une société d’investissement qui aurait détenu 10 % à la place d’Areva. Cette piste n’a pas été retenue, pas plus qu’un autre projet de financement envisagé par l’ex-directeur financier.

Restait une dernière solution :  » Un renforcement significatif des fonds propres.  » C’est-à-dire une importante augmentation de capital, du type de celle de 4 milliards d’euros dont le principe vient d’être décidé par l’Etat. Mais, à l’époque, le PDG d’EDF voulait aller vite. Il entendait lancer Hinkley Point dès janvier ou février, sans garantie sur la recapitalisation évoquée. Pour M. Piquemal, ce sujet a constitué le point de rupture.  » Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Me taire ? Y aller ? J’aurais commis une faute professionnelle.  » En son âme et conscience, il a préféré un geste exceptionnel en pareil cas : la démission.

Denis Cosnard

Le contexte
Hinkley Point

La construction deux réacteurs nucléaires EPR envisagés à Hinkley Point, en Grande-Bretagne, est un projet à la rentabilité assurée, affirme EDF. Selon l’accord passé avec Londres, la production sera vendue à un prix garanti de 92,50 livres sterling (soit 116 euros) par mégawattheure durant les trente-cinq premières années de fonctionnement. EDF en attend une rentabilité d’au moins 9 % par an… sous réserve que ce prix ne soit pas remis en cause, et que l’investissement ne dérape pas. Deux conditions assez aléatoires. Il y a  » un risque de construction majeur « , a reconnu l’ex- directeur financier Thomas Piquemal mercredi 4 mai à l’Assemblée nationale.


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