Pour que des gens fassent correctement leur travail, évitons de les faire bouger souvent !

Nulle entreprise de par le monde ne peut se permettre un turnover de 31%… Pour faire son travail correctement, il faut un minimum de stabilité, seule à même de garantir une certaine continuité dans le travail et une certaine maîtrise des dossiers.

Il est donc une faute majeure d’avoir 31% des personnes bougeant dans une entreprise dans une année !

Quand une personne sur 3 bouge dans une entreprise, le travail s’en ressent forcément car on est obligé de passer du temps à faire passer les dossiers d’un magistrat à un autre, ce qui nuit forcément à la productivité et à la qualité du travail d’investigation des affaires judiciaires.

Il est temps de faire cesser ce mode de fonctionnement en devenant véritablement responsable vis à vis de l’intérêt général ce que la situation actuelle ne permet pas !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 7 mai 2016

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L’inquiétant turnover des magistrats

En 2015, 31 % d’entre eux ont été nommés à un nouveau poste. Un phénomène qui nuit au travail des juridictions

Une entreprise ou une administration pourrait-elle fonctionner si près du tiers de ses effectifs changeait de poste chaque année ? La justice le peut ! Ou du moins le pense-t-elle. Selon les chiffres qui devraient être officialisés fin juin par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), 2 251 magistrats ont été nommés à de nouvelles fonctions ou dans une autre juridiction en 2015. Avec les auditeurs de justice (les magistrats sortis d’école) nommés à un premier poste, cela représente 2 576 mouvements dans l’année pour un corps qui comptait 8 215 professionnels en activité.

Ce taux de rotation de 31,4 % des effectifs constitue un record historique, mais pas un accident.  » Ces chiffres sont en augmentation constante depuis une décennie « , affirme Daniel Barlow, le secrétaire général du CSM, l’organe constitutionnel chargé de choisir les plus hauts magistrats du siège (ceux qui jugent), et de donner un avis engageant au gouvernement sur ses propositions de nomination des autres magistrats du siège et des hauts gradés du parquet (ceux qui dirigent l’enquête et engagent les poursuites).

Le nombre de postes vacants dans la justice n’arrange pas les choses.  » Le ministère utilise cette mobilité pour déplacer la pénurie d’une juridiction à l’autre « , explique Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats (majoritaire). Alors qu’il criait famine cet hiver, le tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, devrait se faire plus discret en septembre avec un nombre de juges et de parquetiers plus conforme à sa taille. La rentrée sera plus difficile ailleurs.

Eviter les conflits d’intérêts

Les garanties statutaires des magistrats sont élémentaires pour assurer l’indépendance des juges, mais elles compliquent la gestion des ressources humaines. On ne peut pas déplacer un juge qui n’a pas demandé à changer de fonction ou de tribunal, ni le nommer à un autre poste que celui qu’il sollicite. Ainsi, certains peuvent rester longtemps vacants tandis que de nombreux candidats se pressent à des postes qui ne le sont pas.  » A peine quelques mois après son arrivée dans une nouvelle fonction, un magistrat a le droit de manifester sa candidature pour un ou plusieurs autres postes « , explique le professeur de droit Jean Danet, une des personnalités extérieures membres du CSM.

Le législateur encourage la mobilité, notamment pour éviter les risques de conflit d’intérêts avec les milieux sociaux-économiques locaux. Depuis 2001, les juges spécialisés (instruction, affaires familiales, etc.) doivent changer d’affectation au bout de dix ans et les chefs de cour au bout de sept ans. C’est ce qui est arrivé à Marc Trévidic, qui a dû quitter l’instruction au pôle antiterroriste en août. Cette culture de la mobilité a été promue pendant des décennies par le ministère, l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) et le CSM.

La mobilité est un des facteurs pris en compte dans l’avancement et le passage aux grades supérieurs : plus on bouge, plus on gagne ! Un tourbillon intégré comme un état de fait. Ni les syndicats ni la chancellerie ne s’en plaignent. Pourtant, à ce rythme, le turnover désorganise les juridictions.

A la cour d’appel de Besançon, 60 % des magistrats sont en poste depuis moins de deux ans. Difficile dans ces conditions de mettre en place des actions pluriannuelles.  » Ce turnover pose un problème de qualité « , reconnaît Clarisse -Taron, présidente du Syndicat de la magistrature. Sans compter la déperdition d’informations alors que le recul de la collégialité, avec les audiences à juge unique et les magistrats qui fonctionnent en cabinet, complique le  » tuilage  » entre le sortant et son successeur.

Favoriser la stabilité
A Saint-Etienne ou à Bourg-en-Bresse, il n’y a pas de candidats pour être substitut du procureur. Les jeunes magistrats qui sortent de l’école servent de variable d’ajustement. Ils sont les seuls à ne pas pouvoir choisir librement leur affectation puisqu’elle dépend du classement de sortie. Crise du parquet oblige, plus de 50 % des postes offerts à la sortie de l’ENM cette année sont pour le parquet, alors qu’il ne représente qu’un quart du corps. Très rapidement, et parfois même avant les trois ans minimum imposés pour le premier poste, un grand nombre de jeunes juges demanderont une mutation, souvent pour se rapprocher de la région de leur famille. A l’inverse, si un magistrat choisit de rester vingt ans au même poste, personne ne lui demandera de bouger. La religion de la mobilité serait donc à géométrie variable.

Comble de la situation, ni la -direction des services judiciaires du ministère ni le CSM n’ont d’éléments statistiques précis sur la mobilité.  » Nous n’avons pas d’explication au phénomène, juste des hypothèses « , regrette Evelyne Serverin, directrice de recherche au CNRS, membre du CSM qui a plaidé pour le lancement d’une étude.

Au ministère de la justice, on reconnaît aujourd’hui que les chiffres de la mobilité  » sont importants et nécessitent que des réflexions soient menées « .  » L’importance donnée au critère de mobilité dans l’évolution de la carrière  » et des mesures  » pour favoriser la stabilité  » font partie de ces réflexions  » en lien avec le CSM « .

Une chose est sûre, pour freiner le tourbillon, il suffirait que le garde des sceaux décide de proposer moins de noms sur les listes de mobilité qu’il soumet deux fois par an au CSM.

Jean-Baptiste Jacquin

Isabelle Prévost-Desprez nommée à Paris
Parmi les 865 propositions de nomination de magistrats du ministère de la justice qui devraient être confirméesavant la fin mai pour des entrées en fonction en septembre, figure la prochaine arrivée au tribunal de grande instance de Paris d’Isabelle Prévost-Desprez, au rang de première vice-présidente adjointe. C’est l’épilogue de l’affaire qui a valu à cette magistrate, actuellement vice-présidente à Nanterre, d’être poursuivie pour  » violation du secret professionnel « , au profit d’un journaliste du Monde, durant l’enquête Bettencourt. Elle a été relaxée en juillet 2015 par le tribunal correctionnel de -Bordeaux, dans cet épisode du long conflit avec Philippe Courroye, aujourd’hui avocat général à la cour d’appel de Paris.


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