Quand on redécouvre pour la millième fois que l’école est une des causes des inégalités sociales

Cet article redécouvre que la politique éducative française est source d’injustice. Qu’on soit précis : on ne parle pas du fait que l’école ne réduit pas les inégalités, on contraire, qu’elle les aggrave !

Par exemple, la politique des ZEP a échoué et augmente les inégalités : les avantages ne sont pas suffisamment nombreux par rapport aux inconvénients. De quelques élèves supprimés par classe, on en vient à une désertion des élèves favorisés par des gens qui ne veulent pas du tampon ZEP sur leur CV scolaire… De plus, on y envoie pas les professeurs les plus expérimentés et aguerris : plutôt que d’y envoyer les meilleurs profs, on préfère garder ce personnel à donner cours à des élèves favorisés car les meilleurs profs ne veulent pas enseigner en ZEP.

Une part de la responsabilité des professeurs est donc clairement avérée d’autant plus quand on prend en compte le temps d’enseignement utile : si on envoie un prof expérimenté ce temps augmente forcément !

Pour la mixité sociale la règle est la même : si de bons profs sont envoyés en ZEP, la mixité augmentera de facto !

Il ne reste plus à nos hommes politiques qu’à taper sur la table et à montrer qui commande dans l’éducation : un bon prof doit travailler plus que les autres, pas moins… Ainsi, un prof agrégé doit travailler plus d’heures que les autres et doit aller en Zep car il est payé en conséquence ! N’oublions pas que tout travail mérite salaire, mais que tout salaire mérite aussi travail ! Et s’il n’est pas d’accord, on a le droit de lui montrer le chemin de la porte…

Il faut que nos hommes politiques oublient le poids électoral des profs pour favoriser l’intérêt général et l’intérêt général ce n’est pas l’intérêt des meilleurs profs à être payé plus pour glander plus !

Il faudra être courageux pour mener cette réforme alors qui pour la mener ? Tant que l’on n’aura pas trouvé la réponse à cette question, la France sera toujours plus inégalitaire en matière d’éducation…

C’est une question de volonté mais nos hommes politiques ont-ils la volonté de gommer les avantages de certains pour favoriser l’intérêt général ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 28 septembre 2016

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Comment l’école aggrave les inégalités sociales

Pour le Conseil national d’évaluation du système scolaire, la politique éducative française fabrique de l’injustice

Des inégalités sociales à l’école, produites par l’école elle-même… C’est la démonstration que fait le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), en rendant publiques, mardi 27 septembre, les conclusions d’une vingtaine de rapports. Tout un spectre de la recherche – des sociologues aux économistes, des didacticiens aux psychologues, français et étrangers – a été mobilisé deux années durant, pour interroger ce mythe de l’égalité des chances dans notre système éducatif. Et rendre plus transparente la fabrique de l’injustice scolaire.

Ce n’est pas la faute de l’enseignement privé, dont la responsabilité a encore été pointée du doigt, récemment, dans nos colonnes, par l’économiste Thomas Piketty, en tout cas concernant Paris. Pas non plus celle des stratégies familiales ou de la crise économique. Ce vaste travail met en cause trente ans de politiques éducatives qui, au lieu de résorber les inégalités de naissance, n’ont fait que les exacerber.

On le sait maintenant depuis plusieurs années : d’élève moyen dans les années 2000, l’école française est devenue la plus inégalitaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’enquête internationale PISA, dont on attend la prochaine mouture en décembre, vient le rappeler tous les trois ans. Baisse des résultats des élèves défavorisés, amélioration du niveau des élites : le fossé se creuse.

La politique des ZEP en cause

Et c’est là une singularité française : la plupart des pays, à commencer par l’Allemagne, la Suisse ou les Etats-Unis, un temps considérés, eux aussi, comme très inégalitaires, ont su mener, ces quinze dernières années, des politiques volontaristes. Encaisser le  » choc PISA  » et en tirer des conséquences. Pas la France.

La synthèse du Cnesco détaille une  » longue chaîne de processus inégalitaires  » qui se cumulent et se renforcent à chaque étape de la scolarité : inégalités de traitement, inégalités de résultats, inégalités d’orientation, inégalités d’accès au diplôme et même inégalités d’insertion professionnelle. Limités à l’école primaire, les clivages explosent à partir du collège. C’est, par exemple, à ce niveau-là de la scolarité que les élèves des établissements les plus défavorisés, en fin de 3e, ne maîtrisent que 35 % des compétences attendues en français contre 80 % pour les élèves scolarisés dans un contexte privilégié. A même niveau scolaire, les premiers ont deux fois moins de chances d’intégrer le lycée général.

Voilà pour le diagnostic. Mais le Cnesco va au-delà en interrogeant les responsabilités. En premier lieu, la politique des ZEP en prend un coup. Fondée en 1981 sur le principe de la discrimination positive –  » donner plus à ceux qui ont moins  » –, l’éducation prioritaire aboutit, aujourd’hui, à produire de la discrimination négative : on donne moins à ceux qui ont moins.  » Au départ pensé comme temporaire, le dispositif s’est étendu, les moyens se sont dilués, avec des effets de stigmatisation assez forts : dès lors qu’un établissement passe en éducation prioritaire, il y a une désertion des familles pour scolariser leur enfant dans un autre collège « , résume Georges Felouzis, sociologue à l’université de Genève.

Réquisitoire sévère

En éducation prioritaire, la taille des classes n’est pas suffisamment réduite pour avoir un impact : seulement 1,4 élève en moins au primaire ; 2,5 élèves de moins au collège. Les enseignants y sont moins expérimentés : 17 % ont moins de 30 ans dans le secondaire, contre 9 % hors éducation prioritaire. Et beaucoup ne font qu’y passer.

Mais là où un tabou tombe, c’est sur la qualité et le temps d’enseignement dispensés. Ainsi, au collège, les enseignants de ZEP estiment consacrer 21 % du temps de classe à  » l’instauration et au maintien d’un climat favorable « , contre 16 % hors de l’éducation prioritaire et 12 % dans le privé. C’est autant de temps en moins consacré à l’enseignement. Les 4 heures de français par semaine programmées en 3e deviendraient 2 h 30 en ZEP, 2 h 45 hors ZEP et 3 heures dans le privé. Problèmes de discipline mais aussi exclusions, absences d’élèves et d’enseignants pèsent sur les emplois du temps. Qualitativement aussi, le réquisitoire est sévère.  » Les élèves de milieux défavorisés n’ont pas accès aux mêmes méthodes pédagogiques que ceux de milieux favorisés,souligne la sociologue Nathalie Mons, présidente du Cnesco. En mathématiques, par exemple, les tâches sont moins ambitieuses, les attentes plus basses, l’environnement pédagogique moins porteur.  » Et cette différence de traitement est plus importante en France qu’ailleurs.

Pour réduire son noyau dur d’échec scolaire, la France a, au fil du temps, toujours avancé les mêmes recettes par-delà les alternances politiques : plans de relance de l’éducation prioritaire, dispositifs dits de  » compensation « , ou encore formes diverses d’aide individualisée. Peu efficaces, ces aides ont été malgré tout reconduites dans le temps, faute d’évaluation, explique Nathalie Mons.

Pas de mixité sociale

L’organisme qu’elle préside en a dressé une frise chronologique impressionnante : depuis le  » soutien aux élèves  » de 6e et 5e institué en 1977, jusqu’à  » l’aide personnalisée  » instaurée par la réforme du collège de 2016, en passant par  » l’aide individualisée  » dans les années 1990-2000, l’aide au travail personnel, etc. Leur limite est qu’elles  » travaillent à la marge de l’école et des heures de cours, soutient le Cnesco, sans changer le quotidien des élèves ni insuffler une véritable pédagogie différenciée au sein de la classe « . Que penser de ce qui se joue depuis le début du quinquennat, alors que la lutte contre les inégalités a été inscrite au cœur de la loi de refondation de l’école en 2013 ? Si le Conseil reconnaît des orientations  » encourageantes  » (scolarisation des enfants de moins de 3 ans, nouveaux programmes, heures consacrées au travail en petits groupes dans le  » nouveau collège « ), il regrette  » un défaut de mise en œuvre « .

Surtout, toute politique restera peu efficace si  » les écoles et les collèges les plus ségrégués ne font pas l’objet d’une politique volontariste de mixité sociale « , estime le Cnesco. Or, la lutte en faveur de la mixité reste le grand absent des politiques scolaires depuis trente ans. Et ce ne sont pas les expérimentations à petite échelle engagées en fin de quinquennat, dans une vingtaine de territoires volontaires, qui sont de nature à amorcer un virage.

Mattea Battaglia, et Aurélie Collas


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