La médiocrité de certains de nos professeurs de maths

D’habitude, dans les écrits des éditorialistes, chroniqueurs, professeurs et politiques, on a une description de l’existant qui est plutôt juste. La tentative de résolution est par contre, la plupart du temps, simpliste, démagogique et idéologique.

Ce qui est bien dans cet article, signé par un certain Martin Andler, Professeur à l’université de Versailles- Saint-Quentin, président d’Animath, c’est que même la description de l’existant est fausse ! En fait, elle n’est pas entièrement fausse, elle est juste que la problématique de base est beaucoup plus basique ! Ces dires manquent de concret. Il déplore l’absence de structures, mais se garde bien de dire comment elles peuvent faire en sorte d’inverser la tendance concernant l’appropriation par tous des mathématiques.

En clair, on croit que les problèmes ont une cause compliquée alors qu’ils sont beaucoup plus primaires !

De quoi souffre l’enseignement des mathématiques ? Tout simplement de leur élitisme ! Dans notre pays, où se côtoient les meilleurs de nos mathématiciens, on a oublié d’enseigner au plus grand nombre pour se concentrer sur les meilleurs. On ne donne pas envie, au contraire, on cherche à dégoûter pour garder les plus motivés.

Je donne de temps en temps des cours de maths et ce que je vois me sidère, à tous les niveaux d’enseignement de la matière, en collège comme en Lycée.

Voici les problèmes que je rencontre le plus :

– La notation donne l’impression que le prof est payé inversement proportionnellement aux notes qu’il donne. Plus il enlève de points, plus il doit avoir de salaire. Je ne vois que ça comme explication tant la notation est un véritable défouloir pour certains de nos professeurs. Ils ont oublié qu’ils devaient donner envie et motiver leurs élèves. Récemment, j’ai vu un prof enlever des points car l’élève a utilisé le théorème des gendarmes pour démontrer le caractère d’une suite tendant vers plus l’infini. Le professeur lui a enlevé des points parce qu’il avait abusivement, selon lui, démontré le résultat de la suite se trouvait entre plus l’infini et plus l’infini. Or, le professeur ne voulait une démonstration que pour prouver que la suite était supérieure à plus l’infini. La démonstration que le professeur voulait était une conséquence de la démonstration de l’élève. La démonstration de l’élève était donc juste mais ne collait pas parfaitement au cours. La beauté des maths est aussi dans la faculté de raisonnement de l’élève. Or, dans ce cas, on lui a enlevé des points car il avait trop raisonné et se détachant trop du cours. C’est honteux car cela bride le raisonnement, in fine, démotive l’élève le plus doué. Je passerai aussi sur les erreurs de correction que le professeur n’accepte pas de corriger car, dixit « il a noté pareil pour tout le monde » : incompétence, quand tu nous tiens…

– Trop souvent les programmes sont très mal conçus car écrits en langage mathématique. C’est comme si l’on enseignait l’Allemand en Espagnol ! Les mathématiques doivent être enseignées en Français, pas dans un simili langage mathématique qui bride l’élève, car, en plus de devoir comprendre une nouvelle notion, il se doit d’être doué de parler un langage qui n’est pas le sien !

– En quatrième, on voit la notion de cosinus et de sinus sans savoir ce qu’est un cercle trigonométrique ! On voit l’utilisation du cosinus dans le triangle rectangle alors qu’elle n’est que la conséquence de la définition donnée dans le cercle trigonométrique ! En clair, on transforme une définition en propriété et une propriété en définition ! C’est une erreur omni-présente dans les programmes de collège et lycée car elle touche aussi Thalès.

– On a oublié royalement que Pythagore se démontre et se démontre aisément ! Le problème c’est que sa démonstration la plus facile se fait grâce aux identités remarquables. Problème : on voit Pythagore en 4e alors que l’on continue à voir les identités remarquables en 3e… Donc, on est obligé de travailler avec Pythagore, sans l’avoir démontré ! Cherchez l’erreur !

– Plus fort : on voit Pythagore avant de voir la propriété sur les carrés ! Oui, vous avez bien lu ! L’élève est obligé de maitriser l’élévation d’un nombre au carré, alors qu’il ne connaît pas encore toutes ses propriétés ! Comment peut-on étudier Pythagore quand on ne sait pas que (a x b)² = a² x b² ? Et que l’on sait encore moins que (a + b)² est différent de a²+b² ?

– En première, j’ai vu des cours sur les dérivées alors que l’on n’avait pas vu la notion de limite ! La notion de limite est à la base du calcul différentiel car la dérivée est basée sur la définition de limite ! Je rappelle que la dérivée d’un nombre est défini par la limite quand h tend vers zéro de la fonction de x plus h moins la fonction de x, le tout divisé par h… On utilise donc une notion de limite qui doit être expliquée AVANT d’aborder la notion de la dérivée.

– On oublie trop souvent qu’une puissance élevée à 1/2 représente la racine carrée d’un nombre. Cette définition permet de faciliter les calculs de limite dans un polynôme et dans une fraction et permet, en plus, de dériver facilement une fonction.

Bref, on le voit, il y a beaucoup d’erreurs dans nos programmes. Ces erreurs seront facilement contournées par les meilleurs mais bloqueront les moins bons, cela de la même façon que la lecture globale a engendré des milliers de lecteurs problématiques dans notre pays. Les mathématiques ont ceci de particulier qu’elles s’enseignent très difficilement par les seuls livres. Essayer de relire certaines des phrases écrites ci-dessus concernant la notion de dérivée, et vous serez convaincu. Le professeur est donc déterminant. Il se doit donc d’être humain et de donner envie. Trop souvent son élitisme le ferme vis à vis du plus grand nombre.

La priorité de l’enseignement des maths réside dans les simples faits que je viens de rappeler, non dans les explications absurdes et absconses d’un simili prof de maths président d’une structure aussi idéologique qu’inefficace.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 13 décembre 2013

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Apprendre les mathématiques autrement
Stimulons les élèves par le questionnement

Si un changement radical s’impose d’urgence, et que la priorité doit être mise sur ce qui pourra rétablir l’égalité républicaine dans notre système scolaire et lutter contre la ghettoïsation, il ne faudrait pas perdre de vue que c’est en sciences et en mathématiques que le problème est le plus aigu. Oui, il faut que l’égalité des chances redevienne une réalité, et c’est dans les domaines où le problème est le plus grave qu’il faut faire le plus d’efforts.

Mais il faut aussi modifier profondément les approches pédagogiques (ce qui suppose d’agir sur la formation des professeurs), diminuer la part du magistral, mettre les élèves en situation de questionnement par rapport aux savoirs transmis. On sait bien que les mathématiques souffrent d’un enseignement trop tourné vers l’acquisition d’un catalogue de techniques dont le sens échappe le plus souvent aux élèves. Il faut que le lien avec les autres disciplines devienne plus apparent, que les connaissances transmises soient mises en perspective, que les élèves soient en situation de relier ce qui est enseigné dans le cadre scolaire et les activités économiques et sociales.

Parmi les initiatives les plus intéressantes figurent celles qui s’inscrivent dans le cadre périscolaire, entendu non comme l’industrie des petits cours payants et du soutien scolaire, mais un ensemble très diversifié d’activités qui complètent et revitalisent la pratique des mathématiques et améliorent la perception qu’on en a dans le grand public :

– réalisation d’expositions fixes et itinérantes, de documents et brochures sur des thèmes mathématiques ;

– conférences dans les établissements faites par des chercheurs en mathématique et des ingénieurs ;

– clubs et ateliers mathématiques dans les établissements, permettant de pratiquer les mathématiques de manière différente, dans des logiques collectives, par la réalisation de projets et par une initiation à la recherche pour les plus grands et des pratiques liant jeux et mathématiques pour les plus jeunes ;

– participation à des compétitions mathématiques individuelles et par équipes ;

– tutorats et stages, notamment à l’intention des jeunes issus des milieux défavorisés sur le plan géographique ou social ;

– actions ciblées à l’intention des filles pour les aider à surmonter la barrière des stéréotypes et des préjugés…

De nombreuses expériences sont menées un peu partout, et avec succès, dans les villes, les banlieues et les zones rurales ; elles s’adressent aussi bien aux jeunes très motivés qu’à ceux qui le sont moins et que seules des pédagogies différentes peuvent remettre sur la bonne voie. Elles donnent une chance de réussite à celles et à ceux que leur origine sociale, leur provenance géographique ou leur sexe pouvaient empêcher de réaliser leur potentiel. Elles montrent qu’il n’y a ni fatalité du déterminisme social ni fatalité de l’échec.

C’est dans le cadre du consortium Cap’Maths que les mathématiciens se sont regroupés en 2011 pour promouvoir le goût de cette discipline et la pratique de telles activités et leur assurer une plus grande visibilité. La priorité étant de les développer auprès des publics qui ont tendance à s’en éloigner. Cap’Maths, qui rassemble l’ensemble des acteurs des mathématiques en France, et est porté par l’association Animath, a été sélectionné au titre des  » Investissements d’avenir  » dans le cadre de l’appel  » Culture scientifique et technique et égalité des chances « . Les fonds ainsi obtenus permettent de financer des dizaines d’actions un peu partout en France.

Les constats faits aujourd’hui à propos du système éducatif et de la situation des mathématiques montrent à quel point cette démarche était pertinente et correspondait à un besoin urgent. Sans être la panacée, ces activités ouvrent des portes ; elles doivent pouvoir se développer un peu partout, selon des modalités adaptées, dans nos écoles, collèges et lycées.

Martin Andler

Professeur à l’université de Versailles- Saint-Quentin, président d’Animath


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