Quand les banquiers perdent la tête

Très clairement, je ne comprends pas cette situation. Comment des banques peuvent-elles prêter à des taux négatifs ? Quand on en vient à atteindre de telles actions, je pense que l’on est en droit de remettre en cause la compétence des organismes financiers en général, des banques en particulier.

La crise n’est donc pas finie, selon moi, elle ne fait que commencer. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, si une banque fait faillite demain à cause d’erreurs d’investissement, ça sera l’économie européenne dans son ensemble qui paiera les pots cassés.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 2 Juin 2012

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Dans le sillage de la dette allemande, les emprunts d’Etat français deviennent une valeur refuge
Jamais Paris n’a payé aussi peu pour emprunter. Même chose pour Berlin, Washington et Londres

Si on m’avait dit que la France emprunterait à de tels taux sous un gouvernement socialiste…  » Dans cette salle de marché d’une banque française, la surprise est difficilement voilée. Car jour après jour, les taux d’intérêt réclamés par les investisseurs pour financer la dette tombent toujours plus bas. Jeudi 31 mai, les rendements des emprunts d’Etat à dix ans sont descendus jusqu’au seuil inédit de 2,32 % : loin des 2,83 % atteints à la veille de l’élection de François Hollande, très loin des 3,75 % programmés dans le projet de loi de finances et à mille lieues des 4,1 % constatés en moyenne depuis la création de la zone euro.

Certes, l’équipe de M. Hollande avait préparé le terrain. Ces derniers mois, l’économiste Karine Berger – aujourd’hui candidate PS aux législatives dans les Hautes-Alpes – a multiplié les rencontres avec des fonds, des hedge funds, des assureurs ou des banquiers de toutes nationalités pour leur exposer le programme de celui qui était alors candidat à l’Elysée.  » A leur demande « , précise-t-elle.  » Les questions étaient assez basiques. Ils voulaient connaître nos priorités, nos mesures pour revenir à l’équilibre budgétaire et réduire la dette, la vision européenne de M. Hollande… Pour certains investisseurs anglo-saxons, le terme « socialiste » pouvait générer de réels a priori négatifs… « 

Mais Mme Berger ne masque pas sa surprise devant la situation actuelle :  » J’étais persuadée que les taux français n’allaient pas monter, mais je ne m’attendais pas du tout à ce qu’ils baissent. « 

De fait, les tourments de la zone euro ont fait passer au second plan l’alternance politique française.  » Les élections en Grèce et la question de la sortie du pays de la zone euro ont occulté la situation en France « , juge Jean-François Robin, analyste de la banque Natixis. Les alertes de Bruxelles sur les réformes structurelles à mener sont passées inaperçues, les investisseurs ayant les yeux rivés sur Athènes et les nouvelles élections du 17 juin, sur Madrid encalminée dans sa crise bancaire et sur Rome. Résultat : les marchés fuient les emprunts espagnols et italiens, qui voient leurs taux flamber : la part de la dette publique espagnole détenue par des étrangers est tombée à 38,11 %, contre 55,46 % en novembre 2011.

Actifs jugés plus sûrs

Ces liquidités se reportent du coup vers d’autres actifs jugés plus sûrs, dans un mouvement classique qualifié – selon le vocabulaire consacré – de  » fuite vers la valeur refuge  » ou de quête de  » valeurs refuges « .  » La nouveauté, c’est que la France bénéficie à plein de ce statut « , juge M. Robin.

Les investisseurs en quête d’actifs sans risques se reportent déjà depuis longtemps vers l’Allemagne, sa rigueur, sa réputation de bastion orthodoxe. Les obligations de Berlin à dix ans ont d’ailleurs encore battu, jeudi, un nouveau record, tombant jusqu’à 1,19 %. Soit bien en deçà de l’inflation, qui a atteint 1,9 % en mai outre-Rhin. En clair, les investisseurs sont prêts à perdre de l’argent pour le prêter à l’Allemagne… Quant aux emprunts allemands à deux ans, ils ont atteint, jeudi soir, un rendement… négatif de – 0,002 % : une situation si ubuesque que les écrans Bloomberg des salles de marché n’étaient pas configurés pour afficher ce taux négatif dans les graphiques retraçant l’évolution de ces emprunts.

Vu l’extrême faiblesse des taux allemands, des investisseurs traquent des titres de dette jugés un peu moins sûrs mais leur permettant de gagner un peu d’argent. Et se reportent du coup sur la France… Ils pourraient se ruer sur les emprunts finlandais, luxembourgeois ou néerlandais, mais la taille imposante de la dette française lui permet d’être très  » liquide  » : en clair, quelques secondes suffisent pour trouver un acheteur ou un vendeur intéressé par plusieurs centaines de millions d’euros d’emprunts français…

L’attrait de la dette française est d’autant plus marqué que les emprunts des autres grands Etats développés hors de la zone euro affichent également des taux d’intérêt historiquement bas et bien inférieurs à ceux de Paris, là aussi en raison d’un phénomène de fuite vers la qualité… Jeudi, les bons du Trésor américains ont ainsi encore battu leurs plus bas historiques. Mêmes records ce jour-là pour les emprunts britanniques (1,56 % pour les titres à dix ans), malgré une dette attendue à 91,2 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2012 ou un déficit de 6,9 %.

Cette ruée mondiale sur les obligations d’Etat ne doit cependant pas être accueillie avec trop d’enthousiasme à Paris. Certes, la baisse des taux permettra de diminuer la charge de la dette de l’Etat, prévue à 48,1 milliards (735 euros par Français) et déjà revue à la baisse en février après une première estimation de 48,8 milliards. Mais ces économies seront totalement gommées par les moindres rentrées fiscales causées par la crise. Surtout, cette discrimination jamais vue entre les différentes dettes de la zone euro est révélateur de l’extrême nervosité des marchés, toujours prompts à changer de pied brutalement.

Clément Lacombe


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