Vive la mallette de 3e !

A priori, la mallette de 3e est efficace. Il faut donc la reprendre et continuer son évaluation en étendant son critère systématique. Si cette simple mesure permet aux décrocheurs de récupérer leurs études, tout le monde est gagnant, les décrocheurs comme la société.

Il faut donc poursuivre dans cette voie, mais on est sur le bon chemin si les évaluations sont correctes sur ce dispositif.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 4 Juillet 2013

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ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE | CHRONIQUE
La mallette de 3e, ça marche

Deux réunions avec les parents des collégiens les plus faibles en début de 3e suffisent pour diminuer de 36 % les abandons scolaires et de 34 % les redoublements ! Un mois après publication des résultats spectaculaires de l’expérimentation appelée  » la mallette des parents de 3e « , silence radio. Le ministre de l’éducation officiellement en lutte contre le décrochage ne s’est toujours pas saisi de ce travail.

La  » mallette  » serait-elle  » suspecte  » pour avoir été lancée pendant le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy ? Est-ce d’ailleurs un argument valable quand il s’agit de sauver des destins scolaires, en étant en phase avec les priorités de l’Elysée ? Le président François Hollande s’est, quant à lui, engagé à diviser par deux le nombre des 120 000 décrocheurs annuels d’ici à 2017, et la  » mallette  » peut permettre de réduire ce fléau d’un tiers. Le chef de l’Etat veut relancer l’apprentissage et promet 500 000 apprentis en 2017. Si la  » mallette  » était mise en place dans tous les collèges du pays, cela amènerait 11 500 inscrits de plus à la préparation d’un CAP en apprentissage…

On peut se demander si ce n’est pas parce que ce dispositif est trop simple qu’il effraie autant ! Eric Maurin (Normale-Sup), Marc Gurgand (Ecole d’économie de Paris) et Dominique Goux (Centre de recherche en économie et statistique) ont testé ce qui devrait déjà exister partout. L’adopter serait reconnaître que l’orientation des élèves est peu prise en charge.

L’expérimentation a eu lieu à Versailles, où le recteur voulait agir sur les 8 % d’élèves qui s’évanouissent dans la nature à la fin du collège. Le cas typique, c’est le jeune qui rêve d’aller en seconde générale, n’a pas le niveau, mais ne construit pas de projet d’études professionnelles. Il se retrouve à la rentrée dans une section qu’il n’avait pas envie de rejoindre et la quitte rapidement, si tant est qu’il y mette les pieds.

A la rentrée 2010, le recteur propose donc à une cinquantaine de collèges de participer à une expérimentation montée par l’Ecole d’économie de Paris, dont l’intervenant essentiel est le chef d’établissement. Trente-sept collèges sont partants, amenant 4 300 collégiens de 179 classes dans le protocole. Dans chaque établissement, le principal identifie les élèves les plus exposés au risque de décrochage et, en décembre 2010, les chercheurs ont en main leur liste de 1 131 élèves à risque, soit environ 6 jeunes par classe. Une grosse moitié a déjà un an de retard et 33 % sont boursiers (contre 23 % en moyenne sur les 37 collèges).

Pour que les résultats soient scientifiquement prouvés, un tirage au sort désigne les 97 classes qui testeront la  » mallette  » et les 82 qui serviront de groupe témoin. Les deux groupes présentent les mêmes caractéristiques – nombre de garçons et de filles, mêmes moyennes, même nombre d’élèves… – de façon que toute différence mesurée en fin d’année soit bien imputable à l’opération.

 » Des voeux plus réalistes « 

Au coeur de l’hiver 2010-2011, les parents d’élèves potentiellement décrocheurs des 97 classes tests sont personnellement invités par leur chef d’établissement à une réunion d’information sur l’avenir de leur enfant. Les principaux ont au préalable été aidés par le rectorat, qui leur a fourni un guide et deux vidéos montrant des lycéens et des apprentis heureux dans une filière professionnelle alors qu’ils étaient malheureux au collège. Le guide d’entretien fournit au principal des éléments pour l’aider.  » Le chef d’établissement est chargé d’impliquer les familles dans l’orientation de leurs enfants, d’évaluer si leurs rêves sont en adéquation avec les résultats scolaires et si nécessaire de les aider à avancer vers des voeux plus réalistes « , précisent les chercheurs.

La moitié de ces parents, qui traditionnellement boudent l’école, sont présents à la première réunion, 21 % à la deuxième. Peu à peu, les familles mesurent ce que leur enfant peut réellement faire compte tenu de ses notes, et s’intéressent aux formations professionnelles.  » Dans le groupe traité, ils font des voeux plus réalistes et les obtiennent donc plus souvent. Ils sont par exemple 34 % de plus à demander un CAP en premier choix, et 30 % de moins à redoubler « , expliquent les chercheurs, qui ont montré au passage que c’est justement le type d’élèves à qui un redoublement ne profite pas. Pour preuve, ceux qui dans le groupe témoin ont refait une 3e n’entrent toujours pas en seconde générale un an après.

En prime, l’étude fait ressortir deux autres points forts. D’une part, il y a un effet de contagion du choix des élèves du panel sur leurs copains, qui font eux aussi des voeux plus réalistes. D’autre part, et c’est, essentiel,  » deux ans après leur sortie du collège, les élèves du groupe bénéficiaire du programme sont toujours plus nombreux en formation que dans le groupe témoin « . Il n’y a donc pas eu de décrochage différé.

Lorsqu’on dit que la  » mallette  » ne coûte rien, ce n’est pas tout à fait vrai. Il faut fabriquer les films, y ajouter le temps et l’énergie investis par les chefs d’établissement. Mais c’est quand même moins onéreux que de tenter de raccrocher un non-diplômé au wagon de l’emploi une fois qu’il a disparu dans la nature. D’autant que l’enquête emploi rappelle qu’un jeune sorti sans diplôme a 42 % de risques d’être au chômage cinq ans après sa sortie, contre 24 % s’il sort avec un CAP et 4 % avec un bac professionnel.

Mais, en éducation comme ailleurs, la France n’a pas la culture de la prévention. On en est encore à penser qu’il faut guérir une fois qu’on a oublié de prévenir !

par Maryline baumard

Le rapport des économistes est disponible

sur http://www.experimentation.jeunes.gouv.fr/


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