Même en Droit, on n’est pas bon !

Il est quand même surprenant qu’avec l’omniprésence du Droit dans la formation de nos politiques, on soit aussi mauvais dans le domaine juridique !

Comment se fait-ce que ça soit la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui donne le La en matière d’adoption d’enfants nés par procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger ? L’intérêt supérieur de l’enfant est-il à ce point ignoré par nos juristes ?

Alors, oui, bien sûr, aujourd’hui la Cour de cassation emboite le pas à la CEDH, mais elle en a un peu l’obligation.

Bref, la médiocrité de nos politiques et de nos juristes est encore bien démontrée aujourd’hui. C’est lassant et affligeant.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 25 Septembre 2014

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Pourquoi l’adoption d’enfants nés par PMA à l’étranger est validée
L’avis de la Cour de cassation, qui reconnaît le droit d’adopter à l’épouse d’une mère biologique, devrait mettre un terme à la cacophonie judiciaire

L’adoption est  » clairement ouverte, sous toutes ses formes, à tous les couples mariés, conformément à la loi du 17 mai 2013 « . La satisfaction point entre les lignes du communiqué du ministère de la justice, publié mardi 23 septembre dans la foulée des avis de la Cour de cassation sur les enfants nés par procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger. La cour a tranché : les enfants conçus au sein de couples de femmes par PMA à l’étranger peuvent être adoptés par l’épouse de leur mère biologique, et les mères ne doivent pas être considérées comme des fraudeuses.

La haute juridiction va dans le sens voulu par le législateur. Tout en n’ouvrant pas la PMA aux couples de lesbiennes en France, le gouvernement entendait, avec la loi sur le mariage pour tous,  » sécuriser  » l’avenir des enfants (de plus en plus nombreux) ainsi conçus. L’adoption de l’enfant du conjoint, ouverte aux couples mariés, permet l’établissement d’une deuxième filiation en plus de celle de la mère biologique. L’idée que cette adoption intrafamiliale allait servir à  » régulariser  » la situation de ces enfants avait été exprimée pendant le débat parlementaire de février 2013, par des ministres et des parlementaires de la majorité.

L’avis de la cour devrait faire jurisprudence et mettre un terme à une cacophonie judiciaire. Les couples de femmes confrontées à des décisions négatives réclamaient  » la même justice pour tous « . La plupart des tribunaux saisis depuis mai 2013 ont accordé l’adoption. Mais neuf demandes ont été refusées. Et deux tribunaux ont saisi la Cour de cassation. Avec comme principales questions : la PMA n’étant pas ouverte aux couples de femmes en France, celles qui vont en Belgique ou en Espagne sont-elles en fraude ? Si oui, cette fraude fait-elle obstacle à l’adoption ?

Les juges opposés à l’adoption s’appuyaient sur un arrêt du Conseil constitutionnel du 17 mai 2013 qui rappelait que la PMA n’est pas ouverte aux couples de femmes en France, et sur le devoir des juges de vérifier que la situation juridique qui leur est soumise ne cautionne pas une fraude à la loi.

La Cour de cassation prend le contre-pied de ce raisonnement. Elle distingue le recours à la gestation pour autrui, qui est prohibée par le code civil, de l’insémination artificielle avec donneur, qui est autorisée en France pour les couples hétérosexuels infertiles, à laquelle les couples de femmes ont recours à l’étranger.  » En France, certes sous condition, cette pratique médicale est autorisée : dès lors, le fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français « , détaille la cour.

Dans ses conclusions, l’avocat général Jean-Dominique Sarcelet va plus loin.  » S’est-on jamais préoccupé des circonstances de la conception d’un enfant né à l’étranger et adopté par un couple hétérosexuel en France ? « , interroge-t-il. La portée de  » l’invitation  » faite aux juges par le Conseil constitutionnel  » doit être nuancée « , ajoute-t-il. Selon M. Sarcelet, ce dernier n’a pas voulu  » imposer aux juges  » de priver d’effet le recours à la PMA à l’étranger mais leur a simplement  » rappelé de manière exhaustive les pouvoirs qui leur sont dévolus « .

 » C’est un avis de bon sens, commente Hugues Fulchiron, professeur de droit international à l’université Jean-Moulin de Lyon. L’idée de la fraude était juridiquement contestable. Elle implique que l’on a créé artificiellement une situation pour asservir la loi à ses fins. Dans le cas d’une gestation pour autrui, on comprend que la sanction soit radicale, car son interdiction repose sur des principes d’une force particulière comme l’indisponibilité du corps humain. Ce n’est pas le cas pour l’insémination artificielle avec donneur. « 

Par ailleurs, même en cas de fraude des parents, l’enfant ne doit pas être privé de ses droits. C’est ce qu’a dit la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 26 juin, à propos d’enfants nés par gestation pour autrui. Leur filiation doit être reconnue par l’Etat au nom du respect de leur vie privée, selon la CEDH. Cet arrêt s’impose à la France.  » Il a sans doute influencé l’avis de la Cour de cassation « , estime M. Fulchiron. C’est également l’avis de Laurence Brunet, chercheuse associée au centre Droit, sciences et techniques de l’université Paris-I.  » Du point de vue de la sécurité de l’enfant, il s’est passé beaucoup de choses en trois mois « , relève la juriste.

Si l’avis a été accueilli avec soulagement par les associations qui représentent les familles homoparentales, ces dernières continuent à réclamer l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Les militants de la famille traditionnelle ont, en revanche, dénoncé  » la conception d’enfants délibérément privés de pères  » et un  » encouragement à contourner la loi française « .

Le calendrier les sert : l’avis de la cour fournira certainement de nouveaux slogans à la  » Manif pour tous « , prévue le 5 octobre. Hervé Mariton, candidat à la présidence de l’UMP, a estimé nécessaire un  » retour sur la loi Taubira « , alors que l’ex-président Nicolas Sarkozy n’a pas tranché la question.

Gaëlle Dupont

    Neuf refus devant les tribunaux

    PMA La procréation médicalement assistée est réservée, en France, aux couples hétérosexuels dont l’infertilité est médicalement prouvée. Les couples de femmes qui désirent avoir des enfants se rendent à l’étranger pour avoir recours à une insémination artificielle avec donneur (connu ou anonyme). Elle n’est pas ouverte aux couples de femmes en France mais n’est pas ouvertement proscrite, contrairement à la gestation pour autrui, interdite pour tous les couples.

    Adoption La loi permet à tous les couples mariés l’adoption intrafamiliale : la conjointe peut adopter l’enfant conçu par la mère biologique et faire ainsi reconnaître un deuxième lien de filiation.

    Tribunaux Sur près de 300 décisions référencées, dans la quasi-totalité des cas, l’adoption a été accordée. Dans neuf cas, la demande a fait l’objet d’un refus.


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