Après tout, il a raison : les morts ne votent pas !

Cynique et pourri. Tel pourrait être le parfait portrait de René Marratier qui a mis l’intérêt général après son statut d’élu. On l’avait prévenu, on lui avait dit que son comportement était assassin. Il n’a rien voulu savoir, rien voulu entendre. Ce Monsieur est assurément une pourriture de première.

Mais que dire de tous ces habitants qui ont voté pour lui ? Que ce sont de purs pourris eux aussi.

L’incompétence de nos politiques, en France, est souvent réelle. Mais parfois on n’a que les politiques que l’on mérite. A force de voter pour des pourris, il ne faut pas s’étonner qu’ils se conduisent comme tels.

M. René Marratier avait donc raison : après tout, les morts ne votent pas…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 09 Octobre 2014

*****************

Procès Xynthia : René Marratier et le déni du risque
L’ex-maire de La Faute-sur-Mer (Vendée) a fait valoir, à la barre, que son rôle était de développer sa commune

C’est le préfet Thierry Lataste qui a le mieux résumé René Marratier. Cité comme témoin à la barre du tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne, l’ex-représentant de l’Etat en Vendée dit de celui auquel il s’est beaucoup opposé :  » Le comportement de déni du risque du maire de La Faute-sur-Mer était tout à fait caractérisé. De toute ma carrière, c’est ce que j’ai rencontré de plus difficile à faire bouger. « 

Les deux journées consacrées à l’interrogatoire du principal prévenu du procès Xynthia, lundi  6 et mardi 7  octobre, ont illustré la justesse du propos. Quatre ans après que la tempête a dévasté sa commune, René Marratier ne comprend toujours pas que l’on puisse lui reprocher, à lui,  » humble petit maire  » d’avoir mis en danger la population et involontairement causé la mort des 29 personnes restées prisonnières de leur pavillon lors de la brutale montée des eaux qui a submergé la presqu’île de La Faute, dans la nuit du 27 au 28  octobre  2010.

 » La Lune, les astres et le Soleil qui s’assemblent, comment voulez-vous que moi, qui n’ai pas l’intelligence requise, je puisse avoir la connaissance de tout cela ? « , répète-t-il invariablement à la barre.  » On ne vous reproche pas de ne pas avoir su utiliser la boule de cristal, M.  Marratier ! Mais l’enquête a démontré que cette tempête n’aurait pas eu des conséquences aussi dramatiques si des mesures de précaution avaient été prises « , s’agace le président du tribunal, Pascal Almy.

 » Tous les signaux d’alerte étaient activés : un cœfficient de forte marée, un avis de forte tempête, il y avait quand même matière à être inquiet ! Avez-vous pris ces avertissements au sérieux ? « , insiste-t-il.  » Sérieux, je pense que j’ai toujours été sérieux « , répond René Marratier, qui ajoute, un ton plus bas dans son phrasé approximatif :  » Maintenant, on voit après, mais on voit pas avant, alors… « 

Avant que  » la Lune, les astres et le Soleil  » ne s’assemblent, René Marratier était un de ces hommes comme il en existe des centaines à la tête des petites communes de France. Un maire élu et triomphalement réélu parce qu’à chaque fin de mandat, il pouvait s’enorgueillir du dynamisme touristique de sa petite cité vendéenne.

Entre 1989 et 2010, plus de 2 500 pavillons ont été construits à La Faute-sur-Mer. C’est justement cette course au lotissement qui avait incité les services de la préfecture à accélérer la mise en place d’un plan de prévention des risques d’inondation sur la commune. Une première proposition, draconienne, prévoyait alors de classer en zone  » rouge « , donc inconstructible, une large partie de la presqu’île de La Faute-sur-Mer, bande de terre située entre l’océan et un relais de mer  submergée lors de la tempête Xynthia.

Mais lors d’une réunion avec les fonctionnaires de la direction départementale de l’équipement, le 11  mars  2003, René Marratier avait obtenu que cette zone  » rouge  » se teinte de  » bleu  » et que la phrase couperet qui interdisait de lotir soit supprimée, en échange de quelques engagements pris par la commune pour sécuriser le site.

Quatre ans plus tard, en  2007, un arrêté préfectoral avait fixé des conditions de sécurité très strictes selon lesquelles toute nouvelle construction devait respecter une cote de plancher minimale, dite  » cote de référence « , qui interdisait de facto l’usage des rez-de-chaussée habitables dans cette partie du territoire communal. Quinze permis de pavillons de plain-pied ont toutefois été accordés par la mairie dans la  » cuvette  » de La Faute-sur-Mer.

Cités à la barre des témoins, les fonctionnaires des services instructeurs des permis de construire de la direction départementale, ont admis ne pas avoir vérifié le respect de cette  » cote de référence  » dans les documents qui leur étaient soumis avant de donner un avis favorable aux lotissements. Mais seule la responsabilité pénale du maire, signataire des permis, est engagée.

 » Qu’aviez-vous compris à cette cote de référence ? demande le président à René Marratier.

– Ben, pas grand-chose, répond le prévenu. Comment voulez-vous que moi, qui suis transporteur et garagiste, je comprenne des choses que les ingénieurs eux-mêmes ne comprennent pas ! Je leur faisais confiance. « 

C’est le même maire qui, avec le soutien de son conseil municipal, persistait à retarder la mise en place d’un nouveau plan de prévention des risques d’inondation et d’un plan de sauvegarde communal pour l’évacuation de la population. Un attentisme qui avait valu à René Marratier une sérieuse altercation avec la sous-préfète des Sables-d’Olonne, Béatrice Lagarde.
Vision  » technocratique « 

Lors d’une réunion publique en octobre  2009, au cours de laquelle le maire de La Faute-sur-Mer avait opposé la vision  » technocratique  » des fonctionnaires qui  » méconnaissent la réalité du terrain  » à celle des  » nés  natifs qui souhaitent développer leur territoire « , elle avait lancé :  » Je vous souhaite qu’il n’y ait pas d’inondation grave, sinon, on vous traitera d’assassins ! « 

Au tribunal qui lui rappelle cette phrase terrible et la quarantaine de courriers et d’injonctions à agir restés sans réponse, René Marratier répond :  » Nous, les petits maires, on trouvait que ces dossiers étaient compliqués à gérer. Vous savez, il y a tellement de textes qui régissent l’administratif ! Et on n’avait pas la culture du risque. Cela n’entrait pas dans notre philosophie intellectuelle. « 

Quatre ans et un drame ont passé et René Marratier n’a pas changé de conviction.  » Le rôle d’un maire, c’est de développer sa commune « , dit-il. C’est pour cette qualité-là que les habitants de La Faute-sur-Mer le reconduisaient à chaque mandat. Et qu’après Xynthia, il s’est trouvé une majorité d’entre eux pour le réélire dès le premier tour au conseil municipal, échouant de peu à lui faire retrouver pour la cinquième fois  son fauteuil de maire bâtisseur.

Pascale Robert-Diard


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *