Encore un dérapage incontrôlé des dépenses de l’Etat

Si les fonctionnaires étaient chargés d’engager des projets avec leur argent, ils le dépenseraient sans doute avec beaucoup moins de désinvolture !

Comment peut-on engager des projets qui coûtent autant, sans que les contrôles indispensables qui les sous-tendent ne soient pas mis en place pour en limiter fortement les impacts ?

Dès lors, comment peut-on justifier près de 350 millions d’Euros de dépense, ce, en pure perte ?

Les responsables de ces pertes doivent être sanctionnés financièrement afin de leur faire comprendre que leur travail a été mal fait ! Quand on est chargé de dépenses au sein de l’Etat, on a des responsabilités et des devoirs. Il ne serait pas inconvenant de mettre en place un intéressement financier pour la réussite de grands projets, inversement, un échec de cet ordre doit pouvoir mener à des sanctions.

Ce n’est pas le cas à ce que je sache et c’est bien dommage car, à l’arrivée, c’est le contribuable qui continue à payer…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 12 Février 2015

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Un fiasco qui s’élève à 350 millions d’euros
Le projet d’informatisation de la paie des fonctionnaires a dû être abandonné

L’Etat a décidément du mal à mener ses grands projets informatiques à leur terme. Et cette carence peut parfois coûter très cher. Ainsi en va-t-il pour l’opérateur national de paye (ONP) dont  » l’échec patent  » est minutieusement analysé par la Cour des comptes.

Préparé à partir de 2006 et lancé au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce programme visait à établir le bulletin de salaire de quelque 2,7 millions de fonctionnaires employés par l’Etat. Les difficultés s’accumulant au fil des années, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a finalement décidé, début mars 2014, d’y renoncer. Au moins 346 millions d’euros ont été engloutis dans ce chantier  » pour des résultats quasi nuls « . Un fiasco  » d’une particulière gravité  » qui s’ajoute à celui de Louvois, le système de rémunération des militaires, abandonné en 2013.

A l’origine, les intentions étaient louables : il s’agissait de remplacer les vieilles applications existant dans les ministères par  » une nouvelle chaîne de paye « . A charge pour l’ONP de la concevoir et de la mettre en service en raccordant un  » calculateur unique  » (le SI-paye) aux divers systèmes d’informations pour les ressources humaines (SIRH). Au passage, l’exécutif espérait améliorer la qualité du service rendu, supprimer les  » pratiques de paie irrégulières  » et réduire de 3 800 le nombre d’agents affectés à ces fonctions.

Mais l’opération comportait de nombreux  » risques  » qui  » ont été ignorés ou gravement sous-estimés « . Par exemple, l’incroyable complexité des règles et des procédures de rémunération dans la fonction publique, l’Etat rétribuant sa main d’œuvre  » sur la base d’environ 1 500 éléments de paie distincts « . Il est  » regrettable « , ajoute la Cour, que  » l’architecture technique et fonctionnelle  » retenue au départ n’ait pas été soumise à un  » audit externe technique approfondi « .

Le projet a donc démarré sur des bases très fragiles et avec des objectifs exagérément optimistes. Une fois engagé, il s’est heurté à de gros problèmes de  » gouvernance « . L’ONP et les ministères ont eu toutes les peines du monde à se coordonner, le premier donnant le sentiment aux seconds de vouloir les commander et les contrôler en permanence, dans  » une posture rigide et prescriptive « . L’opérateur, lui-même, a connu d’importants problèmes en interne, avec  » un turnover élevé de son effectif  » (41,3 % en 2012).

Un pilotage défaillant

Les ministères, de leur côté, n’ont pas toujours témoigné d’un enthousiasme débordant : le branchement au SI-paye  » n’était pas nécessairement considéré comme une urgence « , écrit pudiquement la Cour. Et  » aucune autorité centrale unique n’assurait un pilotage d’ensemble  » : de mai 2007 à octobre 2011, il n’y a pas eu la moindre réunion interministérielle sur le projet. Il existait, certes, un  » comité stratégique  » mais le nombre pléthorique de participants  » ne favorisait pas la tenue de débats qui se concluaient, bien souvent, par une unanimité de façade « . Mis bout à bout, ces  » dysfonctionnements administratifs  » ont provoqué le crash de l’ONP.

La France n’est pas la seule à avoir connu de tels déboires, si l’on en croit le rapport de la Cour : en 2003, le ministère de la défense aux Etats-Unis avait entrepris une démarche similaire à celle de l’ONP pour ses personnels militaires ; elle a été abandonnée en 2010, après avoir absorbé 850 millions de dollars…

Bertrand Bissuel


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