Il faut savoir condamner les vrais auteurs et ne pas utiliser la justice comme une arme de vengeance aveugle !

Je ne comprends pas cette décision de justice : sous principe d’avoir voulu dénoncer un acte, on se retrouve condamné ! En matière de racisme, la pensée compte plus que les actes ! Nous condamnons les propos racistes car ce sont les pensées qui sont puantes, non les propos en tant que tels ! Quand un humoriste reprend les propos d’un raciste pour les condamner sous les traits de l’humour, on ne le condamne pas car les propos ne sont pas pensés, ils sont même dénoncés !

Alors à quoi a joué ce tribunal quand l’esprit de l’artiste, en maintenant son oeuvre en place, voulait dénoncer les agissements d’une partie de décérébrés ?

L’artiste n’est pas responsable de racisme car il a maintenu des propos racistes à son encontre ! Et le Château de Versailles a choisi délibérément de suivre les choix de l’artiste en voulant laisser les propos sur son oeuvre pour mieux les dénoncer… A quoi rime donc ce jugement ridicule qui condamne le Château de Versailles pour avoir laissé des inscriptions antisémites sur une oeuvre d’art, oeuvre qui se voulait dénoncer de tels propos ?

Cette décision est grotesque et grand-guignolesque ! En aucun cas elle ne grandit l’institution judiciaire administrative, bien au contraire ! Une honte pour ceux qui prétendent servir le Droit et l’intérêt général !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 1er Octobre 2015

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Affaire Kapoor : le Château de Versailles condamné, c’est le monde à l’envers !
La direction du monument n’est pas responsable des propos racistes sur l’œuvre de l’artiste. La condamner pour les avoir maintenus visibles est une grave erreur
Anish Kapoor est l’auteur d’une sculpture miroir intitulée Turning the World Upside Down ( » Le monde à l’envers « ). Le paysage s’y reflète à l’envers du fait de la surface concave réfléchissante, selon un principe développé par l’artiste à de nombreuses reprises. C’est aussi le monde à l’envers qui me semble la formule la mieux adaptée aux tristes événements récents à Versailles.

Il y a un an, Kapoor a été invité par Catherine Pégard – présidente de l’Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles – à exposer au château de Versailles. L’artiste a conçu un parcours original qui apporte sa vision de l’histoire riche et mouvementée de Versailles. Il a choisi d’intervenir dans la salle du Jeu de paume, ce qui ne s’était jusqu’alors jamais produit, et d’installer dans les jardins un ensemble de sculptures diverses formant un commentaire sur l’architecture et l’histoire des lieux. A qui sait voir, les thèmes principaux de son intervention rejoignent ceux qui ont alimenté l’imaginaire des siècles qui s’y sont écoulés : la force symbolique du soleil, la magie des ruines, l’énergie des eaux mouvantes, le secret des bosquets, la conquête de la liberté.

Dès l’inauguration de l’exposition, certaines voix se sont élevées contre la présence de ces œuvres dans les jardins. Elles émanaient des opposants acharnés à une présence contemporaine dans un espace historique comme celui-ci. Certains élus de Versailles ont jugé opportun de distribuer des tracts appelant au démontage de l’exposition et d’aller porter plainte contre cette présence qu’ils jugeaient incongrue. Les médias se sont jetés sur une formule attribuée à l’artiste qui aurait qualifié l’installation Dirty Corner, présente sur le tapis vert, de  » Vagin de la reine « . Dès lors, il n’y en avait plus que pour commenter cette appellation, sans doute malheureuse.  » Vagin or Not Vagin  » est devenu le leitmotiv exclusif des commentaires. Et d’oublier au passage de réfléchir au projet de l’artiste, au parcours qu’il a conçu, à la diversité des œuvres exposées et à la réflexion dont elles témoignent.

L’art contemporain en a vu d’autres. Ses adversaires sont légion, depuis les milieux les plus réactionnaires jusqu’à des intellectuels. Il en est ainsi comme pour toute création non encore reconnue par l’histoire. Elle suscite des débats, des adhésions comme des oppositions. Rien d’étonnant à cela. Plus radicaux ceux qui s’approprient le territoire patrimonial de Versailles et rejettent toute intrusion contemporaine, même si elle permet une relecture du site.

Vandalisée à trois reprises
Les mêmes reprochent au Louvre de s’ouvrir aux artistes d’aujourd’hui, ou, hier, de commander une œuvre contemporaine dans la cour du Palais-Royal. Il y a heureusement des ministres, des présidents et directeurs d’établissements culturels, ainsi que des mécènes, assez courageux pour passer outre ces esprits chagrins, voire ces menaces. Même lorsque l’installation de ces œuvres s’accompagne de déclarations ou de slogans révélateurs du pire, sans d’ailleurs susciter la même émotion qu’aujourd’hui à Versailles : des graffitis antisémites figuraient sur les palissades érigées pendant le chantier du Palais-Royal. Même cause, mêmes effets.

Car des paroles aux actes il y a une distance que l’on espérait infranchissable. Et pourtant la sculpture de Kapoor a été vandalisée à trois reprises : une première fois en y déversant de larges coulures de peinture, la deuxième pour y inscrire des propos infâmes, antisémites et néonazis, insistant sur les origines juives de l’artiste, se référant tout à la fois à la SS du IIIe Reich et au nationalisme intégriste. Un troisième graffiti, en langue anglaise, faisait allusion au blasphème de la religion que représenterait la sculpture.

Kapoor a bien entendu été bouleversé par ces inscriptions racistes, comme artiste attaqué dans son travail comme dans ses origines, et nous tous, comme citoyens attachés aux principes républicains. C’est là que commence le malentendu : choqué par cet acte d’une violence inimaginable, il a demandé à réfléchir. Fallait-il laisser visibles ces inscriptions et ne pas voiler l’agression, comme si ces mots infamants faisaient désormais partie de son œuvre ? Soutenu en cela par la ministre de la culture et de la communication, encouragé par le président de la République, et par de nombreuses personnalités, il a, dans un premier temps, choisi de maintenir l’œuvre en l’état, maculée de ces graffitis ignobles, avant de décider d’une intervention répondant à son souci d’artiste de garder la maîtrise de son œuvre, en recouvrant de feuilles d’or les inscriptions. Un  » geste royal « , selon ses mots.

Quant à l’opinion publique, a-t-on entendu des voix s’exprimer pour dénoncer ces horreurs ? Certes les plus hautes autorités de l’Etat ont publié des communiqués pour s’indigner. Mais les intellectuels, les artistes, les leaders politiques, les responsables culturels ? Qui a publiquement pris la parole ?

Alors que la décision de cette occultation était décidée et annoncée, le tribunal administratif de Versailles a condamné le Château de Versailles pour avoir maintenu visibles des inscriptions de nature antisémite  » portant atteinte à l’ordre public, dont la dignité de la personne humaine est une composante consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine, et constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale « .

Le Château de Versailles et sa présidente ont donc été condamnés, sans d’ailleurs que les auteurs de ces actes soient à ce jour inquiétés. Qui peut croire que quiconque, respectueux des droits fondamentaux de notre République, ait pu souhaiter le maintien de ces inscriptions honteuses, témoignant du mal-être d’individus que l’on souhaite les plus isolés possible. En tant que commissaire de cette exposition, je me sens blessé par cet amalgame. En l’occurrence, c’est oublier que l’artiste a aussi des droits sur son œuvre, et le moins que l’on pouvait faire si l’on respecte la création, c’était de l’accompagner dans sa réflexion avant qu’il ne décide lui-même de dissimuler les inscriptions. Mais c’est le Château de Versailles qui a été condamné et tout le monde semble applaudir cette décision de justice. Le monde à l’envers, disais-je.

Par Alfred Pacquement


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