Il faut apprendre aux responsables des ressources humaines, ce qu’est un « développeur de talent »

Le problème, en matière de recrutement informatique, c’est que, trop souvent, on résume la compétence d’un développeur informatique, aux langages informatiques qu’il pratique. Las, non seulement ce critère n’est pas le plus pertinent, mais il s’avère que ça serait presque le contraire !

Un bon développeur informatique doit avoir une compétence phare : celui de travailler en équipe ! Il est fini le temps où un développeur pouvait réaliser à lui tout seul des programmes informatiques conséquents et professionnels !

La lourdeur d’un projet informatique est telle que le travail en équipe est devenu une véritable obligation et que les développeurs doivent pouvoir maîtriser les codes écrits par leurs collègues, ce qui implique une communication efficace et sans faille.

Le langage informatique ne fait donc plus la compétence. La preuve : le fameux cycle en V a disparu, pour faire place à la norme de développement ‘Agile’ où les compétences en communication sont essentielles.

Les directions des ressources humaines (DRH) n’ont que très peu conscience de ces problèmes et continuent à vouloir recruter le mouton à 5 pattes qui maîtrisent parfaitement le langage de programmation utilisé au sein de l’entreprise. Il faut que le développeur soit productif immédiatement car il coûte à l’entreprise. Les charges salariales sont en effet telles, que la période de formation est réduite à son strict minimum.

On a donc des problèmes de recrutement car les DRHs ne maîtrisent pas suffisamment les problématiques de ces profils, car les politiques ne font rien pour que les charges salariales baissent pour ces profils, et parce que la technologie évolue bien trop vite pour que les critères de recrutement soient efficaces.

En informatique, comme dans bon nombre de domaines d’activité, il faut savoir laisser du temps au temps et savoir investir dans des profils qui seront être efficaces à terme. L’ingénieur informatique correspond, au contraire de ce qui est dit dans l’article, à l’immense majorité des besoins, mais il faut juste savoir lui laisser le temps de se former, ce que les entreprises ne font que trop rarement car elles sont étranglées financièrement.

Les politiques ont leur rôle à jouer dans ce domaine, mais n’en ont nullement les compétences… Le problème restera donc ce qu’il est et les start-up qui réussissent ne seront pas françaises dans l’avenir, et nous savons donc pourquoi…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 décembre 2015

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Si tu es un jeune développeur de talent, appelle-nous…
L’un des freins au développement des jeunes pousses françaises est leur difficulté à attirer dans leurs filets des ingénieurs informatiques. Les meilleurs de ces as du code sont très courtisés, en faisant une espèce rare
Lorsqu’on trouve l’oiseau rare, on le chouchoute, on tente de ne pas l’effrayer et on essaye de l’attirer avec un message bien clair : on te veut.  » Emmanuel Witvœt, jeune entrepreneur dynamique et grand amateur de voile, ne parle pas du macareux moine, magnifique oiseau au bec bigarré, spécialiste des vols en haute mer. Le jeune homme a une autre obsession : les développeurs informatiques. Une espèce aussi difficile à capturer et à retenir que ce perroquet des mers.

Lorsqu’il s’associe, en 2014, à deux compères pour monter Mojjo, une start-up spécialisée dans la production et l’analyse de données lors de matchs de tennis, l’entrepreneur sait que le recrutement des troupes sera difficile. Il ne sera pas déçu. Six longs mois vont s’écouler avant qu’il ne trouve l’ingénieur informatique capable de faire croître l’entreprise.  » Notre start-up en était à ses balbutiements, nous avions besoin de quelqu’un de compétent mais aussi d’expérimenté et d’autonome. Son recrutement a occupé 70 % de notre temps au début. « 

Des écoles en voie d’adaptation
Embaucher serait donc un calvaire. Nombre de jeunes pousses s’en irritent. Avec des masses salariales amenées à croître de 30 % en un an, les start-up déplorent de ne pas dénicher les bons profils. En premier lieu desquels, des champions du codage informatique, ces ingénieurs détenteurs d’un savoir permettant de créer ou de faire vivre les services et les applications innovantes imaginées par les entrepreneurs. Mais aussi de les adapter à mesure que le nombre des utilisateurs grossit et que les fonds affluent.

 » Notre objectif était d’atteindre les 60 salariés à fin 2015, explique Jean-Daniel Guyot, PDG de Captain Train, un service d’achat de billets, mais il nous manque encore dix personnes. On n’a tout simplement pas trouvé.  » Même son de cloche chez Drivy ou OuiCar, deux applications de location de voitures entre particuliers. Aux deux, il manque, comme à Captain Train, au moins dix personnes pour compléter leurs équipes.  » Et encore, ce n’est que temporaire, étant donné que nos besoins ne cessent de grandir « , s’inquiète Marion Carrette, PDG de OuiCar.

Comment expliquer le phénomène alors que Syntec numérique, le syndicat des métiers digitaux, recense un peu plus de 40 000 chômeurs dans le secteur de l’informatique tricolore ? La  » faute « , sans doute, au rythme soutenu de l’évolution des nouvelles technologies. Les compétences disponibles sur le marché ne sont pas toujours en phase avec celles qui sont requises.  » La complexité réside dans le fait qu’il y a de très nombreuses surspécialisations, avec des langages qui y sont associés à chaque fois, n’importe quel ingénieur ne correspond pas à tous les besoins, lesquels ne cessent de se diversifier « , relève Benoît Feron, cofondateur d’Izberg, une start-up spécialisée dans la conception de places de marché en ligne en marque blanche (c’est-à-dire confié à un prestataire extérieur) pour les sites désireux de se lancer dans le domaine.

Cette explosion de la demande provoque, en outre, mécaniquement une pénurie. D’autant que beaucoup pointent un fait essentiel : la France a beau disposer de certaines des meilleures écoles d’ingénieurs au monde, elle ne produit tout simplement pas assez de développeurs qui maîtrisent le langage informatique. Des initiatives comme la création de l’école 42, une institution axée sur le domaine, par Xavier Niel, le fondateur de Free (et par ailleurs actionnaire à titre personnel du Monde), l’existence de l’Epita ou encore Epitech, sont à ce titre saluées par les  » start-upers « , mais elles sont loin de suffire à combler le vide.

 » Les écoles d’ingénieurs ne se sont pas encore adaptées même si elles s’y mettent de plus en plus, les cours dispensés ne correspondent pas à ce dont les jeunes pousses ont besoin aujourd’hui « , regrette Jean-Daniel Guyot de Captain Train.

Et, contrairement aux grands groupes qui ont le temps et la taille nécessaire, ces entreprises en  » hypercroissance  » ont besoin d’ingénieurs capables de se fondre dans la machine dès le premier jour.  » Nous cherchons tous à recruter dans la frange des 1 % les plus compétents « , affirme sans détour Paulin Dementhon, fondateur de Drivy.

Le jeune entrepreneur de 36 ans relève, en outre, que cette exigence s’applique à tous les profils recherchés. Pour lui, il n’y a d’ailleurs pas que les développeurs qui se font rares :  » Ce qu’on observe, c’est qu’il nous manque aussi certains profils, un peu plus seniors mais résolument “tech”, capables d’encadrer les salariés dans ces structures très spéciales et d’un genre nouveau que sont les start-up. On ne manage pas ici les gens de la même manière que dans une entreprise classique par exemple. « 

à chacun sa méthode
Paulin Dementhon est ainsi en quête d’un DRH depuis bientôt six mois… sans succès.  » Nous n’avons pas encore eu la première génération de vétérans, qui ont déjà connu des start-up à succès et qui peuvent transmettre leur savoir, comme ce qu’ont fait les anciens de PayPal ou de Google aux Etats-Unis « , ajoute-t-il.

Cette culture d’entreprise si particulière, si exigeante (horaires à rallonge, très grosse productivité, forte autonomie exigée) peut aussi rebuter des salariés plus jeunes, sans parler de la nature plus que précaire de ces jeunes entreprises.  » Neuf start-up sur dix échouent, relève Guy Mamou-Mani, président de Syntec numérique. Ça fait peur aux jeunes diplômés. C’est dommage car c’est une expérience à valoriser pour la suite. « 

 » Nous sommes une génération qui a appris à valoriser les postes stables, regrette pour sa part le fondateur de Captain Train, Jean-Daniel Guyot. Du coup, les postes dans les grands groupes qui font souvent suite à des stages sont parfois plus appréciés. « 

Selon Xavier Lorphelin de Serena Capital, un fonds d’investissement dont le portefeuille comprend des jeunes pousses comme LaFourchette ou Lengow, cette pénurie de main-d’œuvre est un  » véritable frein à la croissance « . Résultat, l’investisseur fait tout ce qu’il peut pour aider ses poulains à recruter les bonnes personnes. D’autant que cette activité, cruciale, occupe, selon l’aveu de certains d’entre eux,  » au moins un tiers de leur temps de cerveau disponible « .

Chacun y va de sa méthode. Chez Drivy ou Izberg, par exemple, on compte énormément sur la cooptation : 35 % des embauches chez le premier, et presque autant chez le second. Les deux tentent, en outre, de rédiger les fiches de poste les plus claires possible pour attirer le chaland.  » Tout le monde se pense dynamique et motivé, il faut être le plus précis possible « , commente M. Dementhon.

Si Captain Train a plus ou moins recours aux mêmes méthodes, il tente aussi de présenter aux candidats potentiels le visage d’une entreprise saine, où travailler présente des avantages particuliers.  » Nous sommes pour la transparence et les rapports apaisés, les salaires, par exemple, obéissent à une grille très précise et objective, ce qui enlève pas mal de tensions.  » Les dirigeants de la jeune pousse voient leur tâche comme une fonction de  » support, de soutien et pas forcément d’encadrement, dans la mesure où les salariés sont très autonomes « .

Toutes ou presque disposent d’un autre atout, un outil qui n’existe que dans ce petit milieu : des plates-formes calquées sur les sites de rencontre, mais réservées aux coups de foudre entre start-up et développeurs.

Parmi elles, Talent.io. Fondée début 2015 par trois compères ayant fait un passage par San Francisco, l’application repose sur un principe simple : chaque semaine, la start-up se voit proposer une nouvelle liste d’ingénieurs. Si l’initiative de les contacter lui revient, c’est à eux de décider s’ils souhaitent donner suite ou pas à la sollicitation.  » Au lieu que ce soient, comme d’habitude, des candidats qui postulent à des offres, ce sont les entreprises qui postulent à des candidats « , commente Nicolas Meunier, le cofondateur du site.

Des noms aussi divers que Criteo, BlaBlaCar, Parrot ou encore Deezer et Leboncoin ont eu recours aux services de M. Meunier. Six cents start-up tricolores sont inscrites sur la plate-forme en quête de la perle rare qui fait encore défaut à leur équipe.  » L’idée, c’était de prémunir les développeurs contre le harcèlement qu’ils peuvent subir, et présélectionner les meilleurs profils pour les entreprises « , explique M. Meunier.

Les investisseurs ont bien compris l’importance du sujet. En moins d’un an d’existence, Talent.io a déjà levé 3 millions d’euros. Et aujourd’hui n’a plus de problème de recrutement. Tous les profils les plus prometteurs sont dans sa base de données.

Sarah Belouezzane


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