Les 35h ne sont pas une bonne chose pour la compétitivité de la France

Les 35h n’ont pas été une bonne chose pour la compétitivité de la France. C’est comme si l’on obligeait un coureur de 100m à courir avec un poids de 10kg en plus par rapport à ses adversaires.

On a souvent mis en exergue que la France pouvait se permettre de travailler moins car elle travaillait plus vite. Cet argument est faux pour deux raisons :
– La production reste inférieure aux concurrents internationaux malgré une productivité plus grande
– Le gain de productivité ne se fait pas sans heurts et implique forcément un plus grand mal-être au travail.

On connaît ces choses là quand on a déjà travaillé en entreprise. Le fait que nos économistes n’aient jamais mis les pieds en entreprise les fait parler sans savoir, mal typiquement Français. Ce mal engendre le fait de mettre l’idéologie avant les faits.

De plus, la réduction du chômage ne doit pas être le but ultime : il vaut mieux rechercher la compétitivité de nos travailleurs par rapport à la concurrence que de chercher à tout prix à ce que tout le monde travaille ! Quand on recherche la compétitivité, la réduction du chômage en devient une conséquence évidente. Mais vouloir réduire le chômage à tout prix ne peut qu’être temporaire si on ne forme pas suffisamment son personnel en le cantonnant à du travail non qualifié. En d’autres termes : la réduction du chômage doit être une conséquence de la compétitivité, non l’inverse ! N’oublions pas que l’URSS a ses belles années n’avait pas de chômage ! Etait-ce le modèle idéal ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 18 août 2016

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Seize ans après, les 35 heures font encore polémique

Selon plusieurs économistes, la réduction du temps de travail n’a pas fait baisser le nombre de chômeurs

Seize ans après leur entrée en vigueur, les 35 heures restent au cœur de controverses acharnées, dans le monde politique tout comme parmi les chercheurs en sciences sociales. La moindre tentative pour dresser un bilan de cette réforme, introduite par les lois Aubry de 1998 et de 2000, dégénère presque immanquablement en pugilat, les protagonistes s’accusant mutuellement de partis pris idéologiques.

Dernière illustration en date de ces embrasements : la polémique déclenchée par un projet de rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Les auteurs de ce document, révélé par Le Monde et par Mediapart, concluent que les politiques d’aménagement et de réduction du temps de travail contribuent, sous certaines conditions, à résorber le chômage.

Citant des études réalisées par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et par la Dares (le service recherches du ministère du travail), ils ajoutent que les lois Aubry ont permis de créer 350 000 postes dans le secteur marchand, sur la période allant de 1998 à 2002. Au passage, ils désapprouvent les analyses de plusieurs économistes connus – Pierre Cahuc, Francis Kramarz, Stéphane Carcillo, entre autres – qui ont mis en doute les effets sur l’emploi des 35 heures. Laurent Bigorgne, le directeur de l’Institut Montaigne – un think tank libéral – est également épinglé dans une note de bas de page pour avoir prétendu que  » les Français ne travaillent pas assez « .

Sitôt révélé, ce projet de rapport a soulevé une déferlante de critiques. A cause de son contenu mais aussi du profil de ses signataires.  » Je trouve curieux que dans un pays comme la France, on fasse évaluer les politiques publiques par des instances administratives ou politiques « , a déclaré André Zylberberg, directeur de recherche au CNRS, dans un entretien au quotidien L’Opinion, du 20 juillet.  » Sur le principe, cela me choque « , a-t-il poursuivi en évoquant à la fois l’expertise de l’IGAS mais aussi un rapport de commission d’enquête, remis fin 2014, par la députée Barbara Romagnan (PS, Doubs). Quant aux créations d’emplois attribuées aux lois Aubry, elles devraient, selon André Zylberberg,  » plutôt être portées au crédit de la baisse du coût du travail  » que ces textes ont induite.

Créations d’emplois

Francis Kramarz défend également cet avis :  » Je suis désolé de voir que le message, assez simple, sur le sujet soit continuellement brouillé, dit-il au Monde. Le passage aux 35 heures n’a pas créé d’emplois mais la réduction des cotisations qui lui a été associée, elle, en a créé. « 

Beaucoup plus virulent, Laurent Bigorgne a estimé, dans un entretien à L’Opinion, que les inspecteurs de l’IGAS ayant écrit ce rapport sont soit  » partisans « , soit  » obscurantistes « ,  » soit un peu des deux « . Rappelant que la France a  » la chance d’avoir les meilleurs économistes du travail, Stéphane Carcillo, André Zylberberg, Pierre Cahuc « , il a assuré que ces derniers posaient  » le même diagnostic sur le lien entre réduction du temps de travail et chômage  » : il n’y en a aucun.

Mais cette affirmation ne fait pas l’unanimité.  » Les recherches conduites depuis près de cinquante ans sur la réduction du temps de travail aboutissent à des résultats qui sont loin d’être univoques, avance Eric Heyer, de l’OFCE. Sur la quarantaine d’articles publiés à ce sujet dans des revues internationales, plus nombreux sont ceux qui admettent que la diminution de la durée du travail crée de l’emploi. Là où il y a un doute, c’est sur le point de savoir si cet effet-là, de création d’emplois, joue encore sur le long terme, c’est-à-dire sept à dix ans après. « 

Quant à l’argument selon lequel ce sont les réductions de cotisations et non pas le passage aux 35 heures qui ont créé de l’emploi, il  » n’est pas recevable « , juge Eric Heyer, car  » les deux mesures forment un tout dans les lois Aubry « .

S’y ajoutent des gains de productivité, engendrés par la réorganisation de l’organisation du travail dans les entreprises, grâce, par exemple, à l’annualisation du temps de travail et la réduction des temps de pause.  » C’est pour cette raison que les coûts salariaux unitaires n’ont pas augmenté, après la promulgation des lois Aubry « , conclut Eric Heyer. Le projet de rapport de l’IGAS  » ne dit rien d’extraordinaire « , enchaîne Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille et membre du cabinet de Martine Aubry (1998-1999) lorsque celle-ci était ministre du travail. Mais  » en même temps, il passe à côté de l’essentiel « , observe-t-il.

 » Réactions extrêmes « 

Première omission :  » La fonction publique, où la mise en œuvre des 35 heures s’est effectuée un peu en catastrophe, sans vraiment rechercher de nouvelles organisations du travail, plus flexibles.  » L’autre dimension négligée par l’IGAS, d’après Gilbert Cette,  » concerne le smic, qui a connu une forte accélération avec la diminution du temps de travail « . Accélération  » qu’il a fallu compenser par de considérables allégements de charges octroyés aux employeurs « , précise-t-il. De plus,  » l’élévation du salaire minimum a pénalisé l’emploi des moins qualifiés « .

Mais cette réforme comporte aussi des  » aspects formidables « , nuance Gilbert Cette, tels que la relance de la négociation collective dans les entreprises, l’instauration d’un seul système de modulation des horaires ou encore le forfait-jour (un système dans lequel le temps de travail est comptabilisé en jours et non pas en heures). Pour lui,  » il est incroyable de constater que le passage aux 35 heures soit un tel sujet de passions et suscite des réactions extrêmes « .  » C’est une mesure étiquetée de gauche, un marqueur idéologique, dont on ne peut discuter sereinement, ce qui est dommage « , regrette-t-il.

Bertrand Bissuel

Les dates
juin 1996

Loi Robien

Elle prévoit une diminution des charges sur les bas salaires au profit des entreprises qui s’engagent à augmenter leurs effectifs de 10 % en réduisant d’autant la durée du travail.

Juin 1998

Loi Aubry 1

Ce texte ramène de 39 à 35 heures la durée hebdomadaire légale du travail, à compter du 1er janvier 2000 dans les entreprises de plus de vingt personnes et du 1er janvier 2002 pour les autres.

Janvier 2000

Loi Aubry 2

Elle pérennise les aides pour les entreprises passées à 35 heures sans les conditionner à des promesses d’embauches.


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