Quand un magistrat confond « pourquoi » et « commment »…

Ce qui doit faire Loi dans une démocratie c’est la défense de l’intérêt général. Le comment appartient aux textes de Loi en oubliant jamais que la finalité ultime de tout acte est cette défense.

Les lois ne doivent pas être gravées dans le marbre : elles sont un moyen, pas un but. Si les lois vont à l’encontre de l’intérêt général, elles doivent être changées. Nul ne peut profiter d’un vide juridique pour intenter une action contre l’intérêt général : dans ce cas, la loi doit être changée et dotée d’un moyen rétroactif.

Le principe d’une démocratie, ce sont ces fondements, qui eux, doivent être gravés dans le marbre.

Aujourd’hui, M. Estoup nous explique donc que faire rembourser M. Tapie sera très compliqué car il y a des textes de loi qui le protègent. Quand une loi est mauvaise, ou quand sa procédure l’est, elle doit être changée, point. Nos politiques ont profité d’une collusion avec le pouvoir judiciaire pour faire effacer les délais de prescriptions. Ce faisant, ils ont méconnu le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Cela s’est fait avec l’assentiment de M. Sarkozy. M. Sarkozy est donc dans ce dossier passible de poursuites pour haute trahison pour avoir méconnu les principes de séparation des pouvoirs.

La réalité brute et réelle, c’est celle-là, tout le reste est accessoire. Comment peut-on protéger M. Tapie sous principes d’application de textes de loi alors que la Constitution a été violée ?

C’est la question centrale de ce dossier.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 31 Mai 2013

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Arbitrage : Tapie pourrait-il être contraint de rembourser ?
Le Monde.fr | 31.05.2013 à 20h30

Propos recueillis par François Béguin

L’ancien haut magistrat, Pierre Estoup, l’un des trois juges du tribunal arbitral de « l’affaire Tapie » en 2008, a été mis en examen le 29 mai pour escroquerie en bande organisée. L’entourage du ministre de l’économie, Pierre Moscovici, a annoncé, le même jour, que l’Etat allait se porter partie civile dans le volet non-ministériel de cette affaire afin de « veiller à ce que les intérêts patrimoniaux de l’Etat ne soient pas lésés » et « avoir accès au dossier ». L’entourage du ministre a par ailleurs affirmé qu’un recours contre l’arbitrage rendu en 2008 en faveur de l’homme d’affaires n’était « pas exclu, mais pas en cours ».

Bernard Tapie avait obtenu la somme de 285 millions d’euros – 403 millions avec les intérêts –, et avait touché effectivement entre 200 et 220 millions d’euros après déduction des créances et des arriérés fiscaux. Pourrait-il un jour être contraint de rembourser tout ou partie de ces sommes ?

Christophe Seraglini, professeur à l’université Paris-Sud (université Paris-XI), avocat spécialisé en contentieux et arbitrage international, et auteur de Droit de l’arbitrage (Domat Montchrestien, 2013), analyse la « course d’obstacle » que représenterait un recours contre l’arbitrage rendu en 2008.

Est-il juridiquement possible que Bernard Tapie soit un jour contraint de rembourser les 403 millions d’indemnités touchés en 2008 ?

Rappelons tout d’abord que le droit français est très protecteur par rapport aux décisions prises par un tribunal arbitral. Une grande autorité est en principe reconnue aux sentences arbitrales et les possibilités de les remettre en cause sont très limitées. Dans « l’affaire Tapie », la sentence rendue en 2008 par le tribunal arbitral a autorité de chose jugée en France ; elle y est l’équivalent d’une décision de justice. A l’époque, elle n’a pas fait l’objet de voies de recours.

Pour que Bernard Tapie ait éventuellement quelque chose à rembourser, il faudrait que cette sentence soit remise en cause et annulée, puis que le litige soit à nouveau jugé, au fond cette fois, dans un sens favorable au Crédit lyonnais. De façon générale, seules deux procédures le permettent : le recours en annulation devant la cour d’appel, qui est le recours de droit commun, et le recours en révision, qui est une voie de recours extraordinaire.

Tout d’abord, le recours en annulation. Est-il possible ?

En principe non, puisque le délai pour exercer ce recours, qui était d’un mois à compter de la signification de la sentence déclarée exécutoire, est largement expiré s’agissant d’une sentence rendue en 2008.

Et l’autre possibilité de recours ?

On doit d’abord dire que les solutions applicables sont celles qui étaient en vigueur avant la réforme du droit français de l’arbitrage intervenue en janvier 2011. Ensuite, une distinction fondamentale est à opérer selon que l’on considère que la sentence rendue en 2008 concerne un arbitrage interne ou un arbitrage international. Si l’arbitrage est interne, avant le décret de 2011, le recours en révision devait se faire devant la cour d’appel. S’il est international, la jurisprudence avait renommé le recours en révision en recours en « rétractation », qui devait être porté devant le tribunal arbitral lui-même.

Ce dossier relève-t-il de l’arbitrage interne ou international ?

Un arbitrage interne est celui qui porte sur un litige qui ne concerne que la France. Or, dans cette affaire, il est question du mandat de vente d’une société de droit allemand [Adidas], par un vendeur allemand (Bernard Tapie Finance GmbH) et d’un acheteur [Robert Louis-Dreyfus] qui est passé par une série d’intermédiaires et sociétés off-shores.

Au regard de la définition donnée par les textes de l’arbitrage international et de l’interprétation qu’en fait la jurisprudence, même si Bernard Tapie est français, que le Consortium de réalisation (CDR) qui a succédé aux filiales du Crédit lyonnais en cause dans ce litige (SDBO et Clinvest) l’est également, le cœur du litige me paraît bien relever d’un arbitrage international. En ce cas, il n’y aurait donc pas de recours en révision possible devant la cour d’appel comme on a pu le lire ici ou là.

Qui va trancher ?

Si l’Etat français, via le CDR, introduit un recours en révision devant la cour d’appel de Paris, les défendeurs invoqueront probablement le caractère international de l’arbitrage pour justifier l’incompétence de la cour. Il appartiendra alors à la cour d’appel de dire si cet arbitrage est interne ou international.

Si c’est international, comme je le pense, elle devrait se déclarer incompétente. Si c’est interne, la cour d’appel réexaminera aussi le dossier sur le fond. Cette qualification est donc fondamentale. En fonction de la réponse, vous prenez deux routes totalement différentes.

La seule contestation possible de la sentence de 2008 devrait avoir lieu devant le même tribunal arbitral ?

Dans le cadre du recours en révision envisagé par l’Etat, ce serait effectivement la voie normale, même si tout cela est un peu novateur. Il y a peu de jurisprudence sur le sujet.

Par ailleurs, je ne sais pas si ce recours serait lui-même jugé recevable pour des raisons de délai. Le recours en révision doit en effet être exercé dans un délai de deux mois à compter de la découverte des faits sur lesquels se fonde le recours.

Quand dater la découverte de ces éventuels faits ?

Le juge va regarder à quel moment les parties ont eu connaissance des faits invoqués à l’appui du recours, qui seraient constitutifs d’une fraude à la sentence. Or, les liens éventuels entre le juge arbitre Pierre Estoup et Me Maurice Lantourme, l’avocat de Bernard Tapie, avaient été révélés au CDR en novembre 2008, juste après la sentence qui a tranché le fond du litige, et dans le cadre de la sentence qui devait trancher la question des frais d’arbitrage.

Bercy avait décidé à l’époque de ne pas exercer de recours en annulation contre la sentence qui avait tranché le fond. Donc sauf élément nouveau, on peut considérer que ces éléments étaient connus à l’époque. Pour que le recours soit recevable, il faudrait établir l’existence de faits nouveaux, non connus à l’époque, et découverts récemment.

N’est-ce pas paradoxal de solliciter le tribunal arbitral dont la composition est précisément contestée ?

On pourrait imaginer que le tribunal soit reconstitué et qu’une des parties demande alors la révocation de l’arbitre dont elle met en cause l’indépendance. Tout cela est assez novateur, compte tenu de la rareté des situations où un recours en révision est opéré et des particularités de l’affaire ici en cause. Mais la révocation est la voie normale par laquelle une partie qui doute de la neutralité d’un arbitre peut contraindre cet arbitre à quitter le tribunal arbitral et à être remplacé par un nouvel arbitre.

En résumé, quelles sont les probabilités que Bernard Tapie ait à rembourser l’argent qu’il a touché ?

Cela ressemble à une course d’obstacles. Pour que Bernard Tapie ait à rendre l’argent, il faudrait qu’un recours soit déposé, que ce recours soit jugé recevable, qu’il aboutisse, c’est-à-dire que le juge considère qu’il y a bien eu une fraude qui a affecté le sens de la décision des arbitres, et enfin que ce contentieux soit rejugé au fond, cette fois dans un sens favorable au CDR.

Or, il n’est pas exclu qu’à l’issue de ce nouveau jugement, il soit décidé que la CDR doit bien de l’argent à Bernard Tapie. Rappelons qu’avant la décision en 2008, une décision de la cour d’appel de Paris avait déjà condamné le CDR à payer près de 135 millions d’euros à Bernard Tapie. S’il y avait annulation de la sentence, ce ne serait que le début d’une nouvelle histoire.

François Béguin


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