La France n’a pas les moyens de financer un tel régime

L’équité entre salariés impose que l’on ait un régime unique d’indemnisation concernant le chômage. D’autant plus que le régime de l’intermittence crée lui même de la précarité : en échange du statut, l’employeur impose de la précarité à son personnel, indemnisé avec l’argent du contribuable.

On ne peut pas susciter de l’intérêt à quelqu’un pour rester au chômage ! C’est honteux pour l’ouvrier qui se lève tôt et qui aurait pu choisir de faire le beau sur les planches pour bénéficier d’un régime chômage sur le dos de la collectivité ! On peut avoir des artistes sans avoir ce régime. Si la culture participe à ce point au PIB, elle doit être viable. On peut lui accorder des prêts à 0% pour qu’elle puisse vivre, mais il ne faut pas la verser dans l’assistanat, car on n’en a plus les moyens !

Je préfère voir 320 Millions à financer la construction de deux hôpitaux qu’à payer des gus à danser sur une scène : a bon entendeur !

Cette situation ne peut pas durée car elle brise l’obligation d’équité entre les salariés et elle accroit de facto le déficit de l’Etat qui n’a pas besoin de cela pour être abyssal !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 1er Mars 2014

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CULTURE | CHRONIQUE
Les intermittents et l’eau du bain

C’est reparti pour un tour. On veut parler de la bataille des intermittents du spectacle. Dix ans qu’elle dure… D’un côté, des techniciens ou artistes qui répètent que leur emploi est précaire, flexible, spécifique, ce qui justifie des indemnisations-chômage plus avantageuses que celles du salarié classique. De l’autre, le Medef qui n’entend rien à ces  » privilèges « . Au point que, le 12 février, il a demandé la suppression pure et simple du régime spécial des intermittents au motif qu’il coûte trop cher à la collectivité et que les comptes de l’Unedic, donc de l’Etat, sont en péril.

Quand on se souvient de 2003, on se dit que 2014 sera chaude. Cette année-là, un accord a fait perdre quelques plumes aux intermittents, ce qui provoqua de leur part un sacré bazar : grèves, longues AG, spectacles annulés, locaux occupés, débats passionnés, insultes, festivals perturbés dont celui d’Avignon. Le ministre de la culture d’alors, Jean-Jacques Aillagon, fit les frais de ce tourbillon. Qui servit au moins à une chose : les Français ont découvert ce qu’était un intermittent du spectacle, son statut, ses liens complexes entre travail et chômage.

On découvrit le profil utile de l’intermittent, mais aussi sa face un peu agaçante. Par son intransigeance, son comportement de citadelle assiégée, le refus de voir les abus commis par une petite partie, l’intérêt qu’il a parfois à rester au chômage. A écouter certains aussi, un pays sans intermittents ne pourrait offrir une culture digne de ce nom. Faux. Un rapport du Sénat vient justement de montrer que l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni ou l’Italie, n’ont pas d’intermittents, ce qui ne les empêche pas de bénéficier d’artistes et de spectacles dynamiques (Etude de législation comparée n° 241, décembre 2013).

Certains intermittents vont même jusqu’à nier que leur régime chômage pèse sur les caisses de l’Etat. Bien sûr qu’il pèse. Un milliard d’euros, a-t-on dit. Sans doute le bon chiffre est celui de 320 millions. Si les intermittents rejoignent le régime général, comme le rêve le Medef, on arrive à cette somme. Qu’il faut également nuancer. Car si tous les intermittents entraient dans le  » droit chemin « , on peut parier qu’un paquet n’arriveraient plus à vivre de leur métier du spectacle, et devraient en trouver un autre.

Il se dit que le Medef est prêt à lâcher du lest. Qu’il souhaite en tout cas discuter avec l’Etat. Ce qui n’est pas vraiment un cadeau pour le ministre de la culture. On l’a vu avec Jean-Jacques Aillagon. Avant de quitter ce même poste, en mai 2012, Frédéric Mitterrand, avait eu cette formule sur France Inter  à propos d’un dossier sur lequel il était resté transparent :  » Je laisse le bébé à mon successeur, qui sera très heureux de s’en occuper.  » Aurélie Filippetti, au contraire, se démène beaucoup sur ce dossier. Il est vrai qu’après avoir dû accepter un budget en baisse – inédit pour une ministre de gauche – elle ne peut abandonner les intermittents. Elle n’a du reste pas fait dans la nuance dans un entretien au Parisien, le 16 février, accusant le Medef de vouloir  » tuer la culture  » et de présenter les intermittents  » comme des parasites « .

 » Dérive massive « 

C’est à se demander qui aura la formule la plus assassine. Dans les deux camps. Ainsi la Cour des comptes, dans son rapport 2012, épinglait une  » dérive massive  » des intermittents. Et maintenant c’est Jean-François Pilliard, du Medef, qui déclarait le 17 janvier, qu’ » un régime d’assurance chômage n’a pas vocation à financer la politique culturelle de la France « . Sur ces bases-là, il n’y a en effet plus que deux solutions : tirer un trait sur le système, ou demander au ministère de la culture de payer le  » surcoût de ce traitement plus favorable « .

Ce qui frappe, au-delà des effets de manche, c’est que la question des intermittents du spectacle semble désormais analysée uniquement en fonction des chiffres, des coûts, des courbes. Par exemple, Mme Filippetti salue des travailleurs qui  » contribuent à un secteur représentant 3,2 % du produit intérieur brut « . Approche louable mais fragile. D’abord parce que les économistes divergent fortement sur l’apport réel de la culture au PIB. Et puis les millions de touristes viennent à Paris plus pour le Louvre, Versailles ou Chambord, où il n’y a pas d’intermittents, que pour une adaptation du Soulier de Satin, de Claudel à Avignon.

Et comme l’époque est dure, il est légitime de se demander pourquoi, alors qu’il n’y a jamais eu autant de chômeurs en France, un musicien bénéficierait-il d’un chômage plus avantageux que le salarié lambda. La meilleure réponse est venue de Laurence Parisot, dans Les Echos, le 24 février. L’ancienne patronne du Medef est allée sur un terrain où on ne l’attendait pas :  » La question des intermittents du spectacle est loin d’être un simple problème comptable (…). Parce qu’elle est mystérieuse, imprévisible, fragile et puissante à la fois, l’offre culturelle n’est pas une offre économique comme les autres. Elle a cela de spécifique qu’elle est notre bien commun. Elle parle de nous. « 

Le débat est bien là. Nous pouvons très bien nous détourner des intermittents. A condition de savoir quel modèle de société nous voulons, avec quelle place pour la culture. On sait par exemple que l’offre en concerts, pièces ou ballets a été multipliée par quinze en France depuis trente ans, ce qui explique aussi la croissance exponentielle des intermittents. lls étaient 9 060 allocataires en 1984, 41 038 en 1991, ils sont aujourd’hui 106 000. On peut estimer qu’il y a trop de spectacles, donc trop d’intermittents et trop de déficits. On peut penser le contraire et qu’une société comme la nôtre doit faire cet effort. A chacun de se déterminer.

par Michel Guerrin

guerrin@lemonde.fr


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