Une remise en cause du principe de productivité ?

Dernièrement j’entendais M. Kahn affirmer que l’entreprise allait plutôt bien en France car la productivité y était meilleure qu’ailleurs. Rappelons que la productivité représente la vitesse de production d’un bien par rapport au temps nécessaire pour le produire.

Comment peut-on prendre la mesure de productivité comme un bien quand on comprend comment il est calculé ?

De deux choses l’une :
– Ou bien on calcule la productivité d’un salarié soumis à un contrat horaire hebdomadaire. Dans ce cas, il n’est nul besoin d’être devin pour comprendre que si on le pousse à avoir une meilleure productivité, son stress va augmenter. Le stress peut être de deux ordres : physique et psychologique. Physiquement, un risque de Troubles Musculo-Squelettiques (TMS). Psychologiquement, un phénomène de dépression.
– Ou bien on calcule la productivité d’un salarié soumis à un forfait jour. Dans ce cas, la productivité ne veut plus rien dire. Pousser la productivité n’augmente en rien la vitesse de réalisation. Tout ce qu’elle augmente c’est le temps que va passer le salarié sur son lieu de travail. Le point commun avec le cas précédent c’est que le stress augmentera aussi de facto.

La productivité n’est donc pas une notion à prendre en compte pour évaluer la compétitivité d’un pays.

Par contre, le bonheur du salarié est une notion à mettre en avant : un salarié heureux est un salarié efficace… et pas nécessairement plus productif…

On peut produire moins, mais mieux… Il faut donc combattre cette notion de productivité pour la remplacer par la notion de bonheur sur le temps de travail.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 17 Juin 2014

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Des salariés heureux pour une entreprise plus performante
La 11e édition de la Semaine pour la qualité de vie au travail s’ouvre, lundi 16 juin

La 11e édition de la Semaine de la qualité de vie au travail, organisée par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de vie au travail, du 16 au 20 juin, révèle la prise de conscience des entreprises sur le sujet.

La qualité de vie au travail (QVT)  » a comme objectif de concilier les modalités de l’amélioration des conditions de travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise « , selon l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013. Mais tout le monde ne met pas la même chose derrière cette expression : pour certains, cela représentera des locaux agréables, un management plus humain, des missions de qualité, pour d’autres, une juste reconnaissance des compétences, l’écoute et l’entraide, la flexibilité des horaires ou l’équilibre des temps de vie.

Les études de la Dares montrent une dégradation des conditions de travail, une augmentation des troubles musculo-squelettiques (TMS) et du stress chronique.  » Les salariés aiment leur métier et leur entreprise, mais ils n’aiment plus les conditions dans lesquelles ils l’exercent « , estime Florence Bénichoux, directrice générale de Better Human, cabinet de conseil en capital humain. Yves Clot, professeur de psychologie du travail au Centre national des arts et métiers (CNAM), parle, quant à lui, de  » travail empêché  » et de  » qualité abîmée « .  » L’enjeu n’est pas tant la qualité de vie au travail que la qualité du travail tout court « , estime-t-il.

Les entreprises commencent à comprendre les conséquences, en termes de coût, d’une mauvaise qualité de vie au travail. Le sujet est de plus en plus souvent inscrit à l’agenda des directions des ressources humaines et des responsables QVT des grandes entreprises. Poussées également par la législation et la réglementation, les entreprises ont négocié avec les instances représentatives du personnel et les CHSCT sur la prévention des risques psychosociaux (RPS) ou, de façon plus positive, sur la qualité de vie au travail.  » Les entreprises comprennent que la valeur ajoutée naît de l’engagement des salariés et qu’il y a un lien très fort entre qualité du travail rendu et performance économique « , analyse Hervé Lanouzière, directeur de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

Pour sensibiliser les entreprises, l’Anact aborde la question en partant des problèmes auxquels elles sont confrontées : absentéisme, turnover, problème d’attractivité, etc. Des actions sont alors menées afin d’améliorer les conditions de travail à la fois au niveau individuel (espaces de travail, horaires, etc.) et collectif (organisation du travail, management et processus).

C’est le cas, par exemple, de Mondial Assistance, qui a lancé en 2012 un projet  » Qualité de vie au travail « .  » Nous avons pris conscience que les changements se superposaient et bouleversaient les éléments fondateurs du travail, explique Pierre Barkni, directeur de projets chez Mondial Assistance. Notre objectif est de faire converger le bien-être des collaborateurs et l’efficacité professionnelle. « 

Une dizaine d’ambassadeurs ont ainsi été formés pour animer les groupes de travail qui associent des salariés volontaires (manageurs et collaborateurs).  » Les “focus Equipe” se déroulent en quatre étapes, de trois à six mois, indique Pierre Barkni. Une réunion d’information sur la démarche, puis une séance où l’on identifie les “irritants” dans le travail quotidien ; ensuite, nous travaillons à l’élaboration des solutions. Enfin, nous mettons en place un plan d’action. « 

Dix projets  » Focus Equipe  » impliquant 115 participants et bénéficiant à 490 collaborateurs ont été réalisés. Parmi la centaine de plans d’action lancés, on peut citer la mise en place de plannings plus prévisibles au sein des plates-formes opérationnelles, des réunions plus fréquentes, une priorisation des objectifs à atteindre, une présence accrue du manageur de proximité…

 » La qualité de vie au travail doit devenir un sujet de dialogue professionnel et social, estime Hervé Lanouzière. Il est important de pouvoir discuter de façon collective du travail réel. Car souvent il y a un grand décalage entre le travail prescrit et le travail réel. « 

Une démarche de QVT réussie est avant toute chose portée et soutenue par la direction.  » Il est important d’avoir un leadership qui peut peser sur les décisions, indique Pierre Barkni. Car il s’agit de faire évoluer des comportements et des mentalités, souvent au plus haut niveau.  » Pour le directeur de l’Anact, il faut mener des  » démarches participatives et paritaires, en allant au plus près des réalités du travail, car il faut aborder le problème de la qualité de vie au travail au sein de l’entreprise. « 

La filiale française de Pepsico, avec près de 600 salariés, peut s’enorgueillir d’être régulièrement en tête du palmarès  » Great Place to Work « . Céline Brault, responsable développement ressources humaines, livre la recette de leur succès : qualité managériale, respect de l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle (pauses instituées, télétravail…) et enfin la convivialité, sous forme d’événements festifs ou dans les rapports professionnels quotidiens.

La société fait partie de l’association Entreprise et convivialité.  » L’exigence et le plaisir au travail ne sont pas opposés, estime-t-elle. Il y a une attention portée à chacun de nos collaborateurs.  » Cette politique du bien-être semble payante du point de vue économique, puisque Pepsico France a une performance largement supérieure à celle de ses concurrents.  » La qualité de vie au travail ne doit pas être la cerise sur le gâteau, mais sa levure « , confie Florence Bénichoux.

Gaëlle Picut


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