L’Allemagne n’est pas meilleure que la France car elle n’avait pas de SMIC

L’Allemagne va avoir son SMIC mais ce n’est pas ça qui va lui couper sa croissance. Elle n’a pas mis la charrue avant les boeufs : c’est bien parce qu’elle est en bonne santé qu’elle peut se permettre cette mesure et cette mesure ne va pas entraver sa bonne santé.

En France, les syndicats ont mis le SMIC sur un pied d’estale. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais si on ajoute cette mesure avec des indemnités chômage record, avec un coût du travail bien supérieur à l’Allemagne par des cotisations sociales bien trop hautes, notre compétitivité s’en trouve plombée et notre croissance en berne…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 20 Novembre 2014

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Le  » smic allemand « , une leçon pour la France ?
La création d’un salaire minimun outre-Rhin ne justifie pas que l’on nie les problèmes qu’il continue à poser dans notre pays
Rompant avec la sacro-sainte autonomie des partenaires sociaux en matière de négociation salariale, l’Allemagne va donc se doter d’un salaire minimum interprofessionnel à partir du 1er  janvier  2015. D’un montant de 8,50  euros l’heure, il sera à un niveau relativement élevé en comparaison européenne. Il s’agit sans aucun doute d’une mesure choc, puisqu’elle pourrait relever la rémunération de quelque 3,7  millions de salariés dès 2015.

Cette décision historique vient percuter le débat sur les salaires en France : puisque la vertueuse Allemagne prend le chemin de l’augmentation des bas salaires, pourquoi continuer à entretenir des polémiques sur le smic, à un moment où le pouvoir d’achat des ménages diminue dans notre pays ? Un examen croisé de la situation des marchés du travail allemand et français permet de répondre à cette question.

Contrairement à la France, l’Allemagne connaît le plein-emploi : dans un contexte démographique inquiétant, la première préoccupation des employeurs est de trouver de la main-d’œuvre, et non de pressurer les coûts salariaux. La tendance à la diminution de la couverture conventionnelle des salariés (seuls 60  % sont couverts par des conventions de branche en raison de l’absence d’extension automatique des accords de branche, au contraire de la France) fait que les salaires ont déjà subi de fortes pressions à la baisse ces dernières années.

Ce mouvement, inconnu en France, a été accentué par la flexibilisation accrue du marché du travail au niveau des emplois peu qualifiés. D’un point de vue aussi bien social qu’économique, cette situation facilite et justifie un coup de pouce général aux bas salaires, afin de rééquilibrer la relation salariale. Et si, comme il est possible, cette mesure détruit à terme quelques centaines de milliers d’emplois, le chômage allemand devrait rester encore quelques années bien en dessous du chômage français.

De plus, certaines catégories n’auront pas droit à ce salaire minimum : les stagiaires, certains chômeurs de longue durée, les moins de 18 ans. L’exception la plus notable concerne l’apprentissage, voie beaucoup plus développée qu’en France, dans laquelle s’engagent près de 60  % des jeunes Allemands. Pour les 1,5  million d’apprentis, la rémunération restera en moyenne de 730  euros mensuels, soit à peine 4,50  euros l’heure. En France, quelque 1  million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en scolarité, ni en formation. Pour eux, le smic est bien souvent une barrière à l’embauche infranchissable.

Plus faible que le smic
La troisième et dernière différence a trait au calibrage du salaire minimum. Le coût du travail au niveau du salaire minimum chez nos voisins sera de 10,30  euros, contre 11  euros en France (malgré les allégements de charges), soit un écart non négligeable de 7  %, sans doute de l’ordre de 10  % en  2017 compte tenu de la dynamique du smic. Mais surtout, le niveau retenu correspond à la moitié du salaire médian, tandis que notre smic atteint près des deux tiers du salaire médian. Le salaire minimum allemand sera donc plus faible que le smic, alors même que les salaires outre-Rhin sont globalement plus élevés qu’en France. Et l’on sait pourquoi : la main-d’œuvre y est globalement mieux formée, les entreprises sont plus rentables et les jeunes mieux préparés au marché du travail.

Si, en outre, on considère que la loi allemande ne prévoit aucune revalorisation automatique du salaire minimum et que le gouvernement n’aura pas la possibilité de pratiquer des coups de pouce post-électoraux, comme ce fut le cas en France après chaque élection de 1970 (création du smic) à 2007, on peut penser que l’Allemagne n’a pas pris un risque déraisonnable.

Tirer de l’expérience allemande des conclusions sur nos propres marges de manœuvre en matière salariale serait hasardeux. Que l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne tel qu’il est conçu soit absorbable par l’économie allemande dans l’état où elle est, ne signifie pas que le niveau du coût du travail au niveau du smic en France ne pose plus de problème.

par Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste, et auteur de  » Chômage  : inverser la courbe « , publié par l’Institut Montaigne aux Belles Lettres (192 p., 19 euros)


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