Quand le rôle de l’Europe consiste à sucrer ses commissaires

Après l’affaire de la Commission européenne condamnée pour ne pas avoir voulu donner des documents concernant les pesticides, l’affaire Neelie Kroes qui utilise ses fonctions de commissaire européenne dans un but personnel en oubliant de déclarer ses attributions dans le privé.

Ces situations sont graves, très graves.

Dans le contexte général de défiance de la population envers ses instances représentatives, ces exemples agissent comme la démonstration que l’Europe agit contre le peuple.

Dès lors, comment faire en sorte que les habitants d’Europe deviennent Européens ?

La réponse est claire : il n’y a plus aucune chance que ça le soit tant l’Europe politique est devenue une farce montrant et démontrant qu’elle ne sert à servir que ses élites.

Même si la démocratie n’est pas parfaite en France, au moins, le citoyen a une chance de se faire écouter par ses élites qui sont beaucoup plus proches de lui que les élites Européennes.

A quand une remise à plat générale Européenne mettant véritablement l’intérêt général au coeur de ses prérogatives ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 29 septembre 2016

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Neelie Krœs, rattrapée par sa société offshore

L’ex-commissaire européenne n’avait pas déclaré à Bruxelles ses fonctions de directrice d’une entreprise installée aux Bahamas
L’ancienne commissaire européenne à la concurrence, Neelie Krœs, a été administratrice d’une société offshore aux Bahamas jusqu’en 2009, alors qu’elle était en poste à la Commission européenne (2004-2014). Son nom apparaît dans des documents confidentiels auxquels ont eu accès Le Monde et les médias partenaires du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dans le cadre de l’enquête  » BahamasLeaks « .

Selon nos investigations, l’ex-commissaire néerlandaise de la Commission Barroso a été directrice, entre 2000 et 2009, soit pour une part pendant son mandat à Bruxelles, de Mint Holdings Limited. L’existence de cette société offshore n’a jamais été révélée aux autorités bruxelloises, comme elle aurait pourtant dû l’être dans les déclarations d’intérêt remplies par Mme Krœs.

Neelie Krœs a été associée, au sein de Mint Holdings, à Amin Badr-El-Din, également directeur de cette société. Cet homme d’affaires jordanien, avec qui Mme Krœs fut en contact aux Pays-Bas, est président d’une société d’investissement. Mais surtout -proche conseiller du prince héritier des Emirats arabes unis, cheikh Mohammed Ben Zayed Al-Nayane.

En pleine  » affaire Barroso  » – l’ex-président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, est critiqué pour avoir rejoint, en juillet, la banque d’affaires américaine Goldman Sachs – de telles révélations soulèvent des questions d’ordre éthique et, au-delà, -celles d’éventuels conflits d’intérêts avec les responsabilités publiques de Mme Krœs.

un Long passage dans le privé
D’abord ministre des transports au début des années 1980 aux Pays-Bas, Neelie Krœs a effectué un long passage dans le privé avant d’assumer les fonctions de commissaire européenne à la concurrence (2004-2009), l’un des postes les plus en vue de l’exécutif européen, puis de commissaire à la société numérique (2009-2014). Elle fut alors classée à cinq reprises parmi les femmes les plus puissantes du monde par le magazine Forbes.

Or, selon le registre des directeurs de Mint Holdings issu des  » BahamasLeaks « , Mme Krœs a assumé la codirection de cette société offshore du 4 juillet 2000 au 1er octobre 2009, date à laquelle elle en a démissionné. Moins de deux mois, donc, avant son changement de portefeuille et sa nomination comme vice-présidente de la Commission européenne.

Contactée par Le Monde et les médias partenaires de l’ICIJ, Neelie Krœs a d’abord démenti l’information, avant de confirmer l’existence de Mint Holdings, par l’entremise de ses avocats. Mme Krœs affirme avoir été nommée, en 2000,  » directrice non exécutive  » de la société, qui  » n’a jamais été opérationnelle « . Elle assure n’en avoir reçu aucun avantage financier et ajoute qu’une  » erreur administrative a été commise  » : sa présence en tant que directrice sur le registre de la société aurait dû être supprimée en 2002.

Mme Krœs, précisent ses conseils, n’aurait pas eu connaissance de cette erreur avant notre enquête.  » Nous le découvrons grâce à l’enquête –  » BahamasLeaks  » – , c’est une simple omission « , affirment-ils.

En tout état de cause, les déclarations d’intérêt que Mme Krœs a dû rédiger en 2004, en 2010 puis en 2014, conformément à la -réglementation européenne, ne portent nulle mention de Mint Holdings au titre de ses activités présentes ou passées. Elle y cer-tifie même avoir abandonné tous ses mandats avant son entrée à la Commission, dès l’année 2004.

Or, le code de conduite des commissaires leur interdit  » d’exercer toute autre activité professionnelle, rémunérée ou non  » et les oblige à déclarer toutes fonctions exercées au  » cours des dix dernières années  » dans des  » sociétés ou d’autres entités exerçant des activités commerciales ou économiques « . Aucune sanction n’est prévue en cas de manquement et Mme Krœs perçoit toujours sa retraite de commissaire européenne.

L’ex-commissaire, qui reconnaît sa faute, déclare en avoir informé la semaine dernière l’actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et se dit  » prête à en assumer l’entière responsabilité « .  » M. Juncker vient d’en être informé par e-mail « , a indiqué au Monde, mercredi 21 septembre, le chef des porte-parole de la Commission, Marga-ritis Schinas.

Des questions émergent aussi sur la raison d’être de Mint Holdings. Selon les avocats de Neelie Krœs, elle a été créée afin  » d’étudier la possibilité de lever des fonds pour l’achat, entre autres, de certains actifs de l’entreprise Enron  » – l’ex-géant américain de l’énergie (gaz, électricité…), dont la faillite, en 2001, a secoué la sphère économique. Mint Holdings projetait de faire une énorme opération, en rachetant jusqu’à 6 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros) d’actifs dans l’énergie, dans le cadre du plan  » Project Summer « , financé principalement par des investisseurs émiratis et saoudiens.  » Si la négociation avait abouti (…), Mint -Holdings serait devenue le gestionnaire effectif de ces actifs  » et  » la vision stratégique de Mme Krœs aurait pleinement bénéficié – à la société – « , confirme l’ex-associé de Mme Krœs, M. Badr-El-Din, qui dirigeait le consortium d’acquéreurs.

Les liens entre M. Badr-El-Din et Mme Krœs remontent à 1994, lorsqu’ils se sont retrouvés face à face dans une affaire de vente de corvettes des Pays-Bas aux Emirats arabes unis. M. Badr-El-Din était d’un côté de la négociation ; Mme Krœs, présidente d’un consortium d’armateurs, de l’autre, dans la délégation néerlandaise. Le contrat (900 millions d’euros) a échoué, mais ils sont restés  » amis « .

Doutes sur sa neutralité

Si l’ex-commissaire assure n’avoir joué aucun rôle dans la négociation sur Enron, sa trajectoire professionnelle interroge. Ses fonctions de commissaire à la concurrence l’ont conduite à œuvrer en faveur de la libéralisation du marché de l’énergie, notamment du gaz – justement le marché d’Enron, sur lequel les Emirats occupent une place prépondérante, avec des réserves de gaz naturel parmi les plus importantes du monde. Aurait-elle pu assumer ce portefeuille si son implication dans le rachat avorté des actifs d’Enron avait été connue de Bruxelles ?

Ces révélations sont d’autant plus problématiques que, d’après M. Badr-El-Din, Mint Holdings a ensuite été réactivé pour mener des opérations bien réelles à partir de 2005 – Mme Krœs en était alors, au moins sur le papier, toujours administratrice. M. Badr-El-Din ne précise pas la nature de ces activités, ni celle des flux financiers qui ont circulé sur les comptes de la société offshore.

Figure politique des Pays-Bas, Neelie Krœs a laissé à Bruxelles des souvenirs contrastés. Sa carrière reste émaillée de doutes sur sa neutralité. Les députés européens lui ont reproché sa connivence avec les milieux d’affaires, en raison de ses jetons de présence collectionnés aux conseils d’administration de grandes entreprises européennes (Thales, Volvo…). Mme Krœs avait résisté… tout en réorganisant ses activités et confiant ses avoirs boursiers (évalués alors à 1,6 million d’euros) à des administrateurs indépendants. Elle en était sortie affaiblie.

Parmi les engagements pris alors par Mme Krœs, l’un au moins n’aura pas été respecté : celui de n’accepter aucune responsabilité dans une entreprise, après son expérience bruxelloise… Car la Néerlandaise exerce depuis son retour à la vie civile des fonctions de conseil auprès de Bank of America Merrill Lynch, de Salesforce (entreprise américaine de stockage de données) et d’Uber, dont elle a rejoint le conseil d’administration. Elle explique, par ses avocats, que cette promesse concernait son premier mandat et qu’ » ayant fini un second mandat, elle ne se sentait plus liée à – cet – engagement « .

Jérémie Baruch, Anne Michel, et Maxime Vaudano


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