Quand le gaz de schiste n’est qu’un leurre

On le voit à cet article : le gaz de schiste n’offre pas une réponse à tous les problèmes. D’une part, les majors n’y gagnent pas nécessairement beaucoup d’argent, mais, en plus, la technologie d’extraction de cette source d’énergie est très ouvertement critiquable… et critiquée.

Bref, il faut repenser le modèle de dépense énergétique en le rendant plus vert et non pas en tendant vers une exploitation irraisonnée de la planète car ses ressources ne sont pas inépuisables.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 1er Février 2013

*******************

Le gaz de schiste coûte cher aux pétroliers
L’industrie américaine profite de cette énergie abondante et bon marché, qui n’est pas rentable pour les majors

Le miracle des gaz de schiste aux Etats-Unis tourne un peu vinaigre pour les grands pétroliers. Pas de quoi envoyer par terre leurs résultats dont la publication au titre de 2012 vient de commencer avec ConocoPhillips et Shell, mais assez tout de même pour déplaire aux directeurs financiers de ces mastodontes.

En cause, la chute des prix du gaz naturel aux Etats-Unis. A 2,8 dollars par million de BTU (British Thermal Unit), le prix moyen du gaz, en 2012, sur le marché américain est très en deçà de ce qu’il était quand les majors du secteur ont investi. Résultat : ils doivent revoir la valorisation de leurs gisements.

AlphaValue tient la chronique de ces dépréciations qui, selon ses calculs, se sont montées à 10 milliards de dollars en 2012 (7,4 milliards d’euros) pour les acteurs européens du secteur (leurs concurrents américains ne sont pas soumis aux mêmes contraintes comptables).

L’anglo-australien BHP Billiton, premier groupe minier mondial, a passé une charge exceptionnelle de 2,8 milliards de dollars sur des champs situés dans l’Arkansas. BP a enregistré des dépréciations estimées à 2,1 milliards de dollars.

Total n’est pas épargné. Le groupe a passé au troisième trimestre une dépréciation de près de 800 millions de dollars pour réduire la valorisation de ses actifs américains dans le gaz de schiste.  » Notre acquisition au Texas se traduit par une perte sérieuse qui ne remet en cause ni les résultats de Total ni son développement « , déclarait, dans Le Monde du 10 janvier, Christophe de Margerie, le PDG, rappelant que le groupe a fait ses études de rentabilité sur un prix qui était à plus de 6 dollars le million de BTU.

Avec ces dépréciations en 2012, les groupes européens sont-ils arrivés au bout de leurs opérations vérité quant à la valeur de leurs champs de gaz de schiste américains ? Pas sûr.  » Les prix du gaz aux Etats-Unis se maintiennent à un niveau très bas malgré une reprise de la demande. On peut s’attendre à une nouvelle vague : 10 milliards de dollars de dépréciations sont à venir pour les groupes européens « , pronostique Alexandre Andlauer, d’AlphaValue.

 » Les groupes pétroliers européens ne vont pas sortir du jour au lendemain des gaz de schiste aux Etats-Unis. Cette présence leur permet d’acquérir une expérience technologique qu’ils pourront ensuite rebasculer en Asie ou en Grande-Bretagne, par exemple « , tempère Denis Florin, associé de Lavoisier Conseil.

Les géants américains, pourtant très exposés sur le gaz de schiste – comme ExxonMobil qui a racheté pour 35 milliards de dollars XTO, spécialiste de l’exploration et de la production de gisement de gaz non conventionnel -, ne doivent pas revaloriser leurs actifs. Mais leurs résultats financiers sont aussi affectés par la faiblesse des prix du gaz.

En juillet 2012, Rex Tillerson, le patron d’ExxonMobil, affirmait que les groupes du secteur  » allaient tous perdre leurs chemises  » à cause de la faiblesse des prix du gaz.

Certains en perdent même leur job. Mardi, Chesapeake annonçait le départ de son patron et fondateur, Aubrey McClendon. Le groupe a investi massivement dans le gaz de schiste : la rentabilité n’étant pas au niveau attendu, les dettes s’envolent. A ses difficultés stratégiques se sont ajoutées, pour M. McClendon, des accusations quant à sa gestion personnelle de l’entreprise.

Pour autant, tout le monde ne perd pas de l’argent dans le gaz de schiste aux Etats-Unis. Les plus mal lotis sont ceux qui exploitent des bassins de gaz sec mais, dès  » qu’il y a aussi des condensats ou du pétrole de schiste dans ces gisements, alors les groupes gagnent de l’argent « , souligne M. Florin.

Dans ce contexte, les pétroliers cherchent à s’adapter. Certains réduisent la voilure en attendant des jours meilleurs. D’autres font des économies pour abaisser les coûts de production. Ou, comme Shell, abattent de nouvelles cartes.

Le groupe anglo-néerlandais va ainsi construire une usine pétrochimique au nord-est de Pittsburgh (Pennsylvanie), afin de profiter de la réindustrialisation à l’oeuvre aux Etats-Unis grâce au… faible coût du gaz depuis l’entrée en scène des gaz et pétrole de schiste.

L’export est une autre option. Celle-ci permet de monétiser ce gaz trop bon marché. Shell veut créer, en association avec Kinder Morgan, une unité de liquéfaction de gaz naturel d’une capacité de 2,5 millions de tonnes par an avec pour objectif d’exporter ce gaz hors des Etats-Unis : même avec le transport, il serait compétitif avec celui produit en Europe et en Asie.

Pour l’instant, les autorités américaines n’ont donné leur feu vert qu’à un seul site, situé en Louisiane, pour qu’il exporte du gaz à compter de 2016, mais une quinzaine de projets sont sur la table.

L’administration Obama hésite à ouvrir davantage les vannes, tant sont primordiales la question de l’autonomie énergétique du pays, les gains en pouvoir d’achat et la réindustrialisation à l’oeuvre aux Etats-Unis dans le sillage des bas prix énergétiques. La Maison Blanche va arbitrer un match entre Houston et Detroit – pétroliers et industriels -, en somme, résume un expert.

Anne Eveno

    Shell prévoit d’investir 33 milliards de dollars en 2013

    Shell a annoncé, jeudi 31 janvier, un recul, en 2012, de 14 % de son bénéfice, à 26,6 milliards de dollars (19,6 milliards d’euros). Au 4e trimestre de l’exercice, Shell a enregistré une hausse de 3 % de son résultat trimestriel, à 6,7 milliards de dollars, à la faveur, notamment, d’un retour à meilleure fortune de son activité raffinage qui était dans le rouge à la même période de 2011.

    Toujours au 4e trimestre, Shell affiche une croissance de sa production de 3 %, à 3,41 millions de barils équivalents pétrole par jour. Malgré des perspectives incertaines dans certaines parties du monde, le groupe veut augmenter sa production d’hydrocarbures et prévoit d’investir 33 milliards en 2013, avec des projets au Nigeria, au Kazakhstan, en Irak et dans l’Arctique.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *