La Lorraine, une nouvelle source énergétique ?

On ne peut qu’être circonspect face à cette annonce : celle consistant à dire que l’on peut extraire du gaz sans fracturation hydraulique. Cela m’a l’air trop beau pour être vrai. De toutes façons, il faut cesser de maltraiter notre planète à aller chercher toujours plus de sources énergétiques. Il faut maintenant se concentrer à utiliser des sources véritablement renouvelables.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 29 Janvier 2013

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Le gaz de houille, nouvel eldorado fossile ?
En Lorraine, une société estime possible d’extraire des ressources  » gigantesques  » sans fracturation hydraulique

Après le gaz de schiste, le gaz de houille… Jeudi 24 janvier, invité de l’émission  » Des paroles et des actes « , sur France 2, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a annoncé, enthousiaste, que la France disposait d’une ressource énergétique importante, qui serait bientôt exploitée en Lorraine : le gaz de houille. Cet hydrocarbure non conventionnel, communément appelé  » grisou « , est le gaz naturel  » adsorbé  » sur les charbons (c’est-à-dire fixé à leur surface). Du méthane essentiellement.

Son exploitation, a pu se réjouir le ministre, ne donnerait lieu à aucune polémique, contrairement au gaz de schiste, puisque la production serait réalisée – compte tenu d’un charbon lorrain naturellement cassant – sans fracturation hydraulique, interdite par la loi du 13 juillet 2011.

La Lorraine, nouvel eldorado énergétique ? Dix ans après la fermeture de ses dernières mines et alors que le démantèlement des hauts-fourneaux de Florange alimente depuis des mois la chronique sociale, le gaz de houille suscite chez certains les espoirs les plus fous.

 » Ce qui se joue ici pourrait bouleverser le panorama énergétique du pays « , s’enflamme le Républicain lorrain, tandis que Jean-Pierre Masseret, président (PS) du conseil régional, croit en  » une opportunité extraordinaire pour la réindustrialisation de la Lorraine « .

Spécialisée dans l’exploration des hydrocarbures non conventionnels, la compagnie d’origine australienne European Gas Limited (EGL), dont les capitaux sont aujourd’hui majoritairement français, belges et anglais, sonde depuis quatre ans le sous-sol lorrain sur un puits expérimental à Folschviller, à quelques encablures de la frontière allemande. Une petite équipe d’une dizaine d’ingénieurs et de géologues s’emploie à évaluer les ressources du grisou, dont les mineurs de fond redoutaient jadis les mauvais coups.

EGL dispose dans la région de deux permis exclusifs de recherche – Bleue Lorraine et Bleue Lorraine Sud – et a été autorisé par la préfecture à lancer quatre forages.

La petite entreprise s’apprêterait, selon son directeur exécutif, Frédéric Briens, à engager 33 millions d’euros pour réaliser ce programme. Les ressources sont  » gigantesques « , annonce-t-il, avançant les chiffres de la société d’étude Beicip-Franlab, filiale de l’Institut français du pétrole-Energies nouvelles.  » On parle de 371 milliards de mètres cubes de ressources « , soit sept à neuf années de consommation de gaz en France.

En réalité, la présence importante de gaz de houille dans le sous-sol lorrain est connue depuis longtemps. Il y a vingt ans déjà, la compagnie américaine Conoco l’avait évaluée au moyen de trois puits verticaux. Mais cette technique n’offrait pas de perspectives de rentabilité suffisantes pour une exploitation industrielle.

 » Avec les forages horizontaux que nous utilisons aujourd’hui, les débits espérés sont prometteurs, estime M. Briens, pour qui les conditions sont réunies pour une exploitation à grande échelle. Nous voulons en apporter la démonstration avec les quatre forages que nous allons réaliser d’ici deux ans. Il s’agira de montrer que les débits obtenus sont suffisants pour escompter une production rentable.  » A terme, EGL devrait revendre ses concessions à des industriels dont la production est le métier.

Le projet ne fait pas que des heureux. Président de l’Association de défense de l’environnement et de lutte contre la pollution en Moselle Est, Michel Kaspar s’inquiète de l’incidence que l’exploitation du gaz de houille pourrait avoir sur la ressource en eau mais aussi, en surface, sur les infrastructures terrestres et le paysage urbain.  » On nous a assuré qu’aucun produit ne serait injecté, qu’il n’y aurait pas de fracturation comme pour le gaz de schiste, et que les nappes phréatiques seraient préservées. On veut bien le croire, mais nous n’avons obtenu pour l’instant aucune garantie « , relate ce militant, qui réclame qu’EGL soit entendu dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux.

EGL sait jouer gros sur le terrain de la communication et souhaite éviter à tout prix l’amalgame entre gaz de schiste et gaz de houille.  » Nous n’utilisons pas, dans notre activité, la technique de la fracturation hydraulique interdite en France « , répète à l’envi Frédéric Briens.

Le forage de puits horizontaux à branches multiples que sa société met en oeuvre est adapté, selon lui, aux exigences de développement durable.  » Très perméable, le charbon lorrain est une roche naturellement fracturée, qui présente un réseau propre dans lequel peut circuler le grisou, explique-t-il. Nul besoin d’y injecter de l’eau, du CO2 ou tout autre produit pour faire remonter le gaz. La captation se fait naturellement, avec des drains latéraux installés dans la couche veineuse. « 

Responsable du département prévention et sécurité au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Karim Ben Slimane est plus circonspect :  » Il y a un potentiel de réserves que nul ne conteste, admet-il. Néanmoins, la faisabilité d’une production industrielle est loin d’être démontrée.  » Et d’interroger :  » Cette activité pourra-t-elle être économiquement rentable sans qu’il soit utile d’envoyer des produits et sans avoir besoin de multiplier le nombre de forages ? Est-on sûr que l’eau qui remontera ne sera pas chargée en métaux lourds ? Toutes les évaluations ont-elles été faites pour mesurer l’impact d’une telle exploitation sur l’environnement ? « 

Le chercheur réclame une  » évaluation du processus sous l’égide d’une instance indépendante « .

Nicolas Bastuck (à Metz) et Marie-Béatrice Baudet


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