Un petit courrier à l’Association Dauphinoise des Usagers du Train

J’ai envoyé un petit (?) message à l’Association Dauphinoise des Usagers du Train (ADUT). C’est daté du 12 Octobre 2014 et ça se passe de commentaires.

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Bonjour à tous,

Suite aux différents courriers envoyés, je décide, moi aussi, d’apporter ma petite pierre à l’édifice de la pensée de l’ADUT.

Je vais être un peu long, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

Tout d’abord, je n’ai rejoint l’ADUT que récemment. Je l’ai rejointe pour différentes raisons malheureusement connues de tous : retards et annulations régulières, écoutes jamais entendues par la direction aux remarques des voyageurs, remboursements des billets de grève très limitées, voire inexistantes, manières de cowboys du personnel SNCF à bord des trains, et j’en passe…

Ce que j’ai découvert, à l’ADUT, dépasse la situation que j’en savais. Je découvre en effet bon nombre de lignes qui manquent cruellement d’entretien et qui mettent la vie du voyageur que nous sommes en danger. Brétigny n’est pas une exception, elle est la norme et je pense que si nous continuons comme cela, les drames de Pau vont se succéder sur le territoire Français. En effet, lors du dernier comité de ligne qui a eu lieu en juin, j’ai entendu avec effarement que des travaux indispensables allaient être repoussés, pour permettre à des spécialistes de faire leur travail sur Paris. Le personnel serait trop peu nombreux et les moyens trop conséquents pour pouvoir faire autrement. J’ai poussé une colère monumentale en disant que je ne tolèrerais pas un Brétigny local. Las, le drame de Pau est survenu deux semaines plus tard avalisant mes prévisions funestes. L’excuse des rongeurs Palois est une large fumisterie : les rongeurs existaient bien avant la SNCF ! Le risque aurait dû être pris en compte 1000 fois, il ne l’a pas été une seule fois… Pau : 17 blessés dont 3 grave. Brétigny : 7 morts.

VA-T-ON CONTINUER L’HECATOMBE SANS RIEN FAIRE ?

Je pense que la priorité des priorités de nos actions doit résider dans la défense de l’intégrité physique de nos concitoyens, de tous nos concitoyens, personnel de la SNCF y compris.

Tout le monde sait que le service donné aux voyageurs (sommes-nous considérés comme des clients ?) est déplorable, lamentable et médiocre. Quand on pose des questions, on nous balade d’un interlocuteur à un autre. Le responsable n’est jamais celui à qui on s’adresse et la SNCF est spécialiste toutes catégories du « passage de patate chaude ». J’ai déjà eu à faire à ce genre d’entreprise. C’était il y a 15 ans et cette entreprise s’appelait France Télécom. Le client était un pion, c’était l’emmerdeur de service, celui qui empêchait l’agent de faire son travail. La privatisation est passée par là, la mise en concurrence a pris ses droits et les conséquences ont été sévères : baisse générale des prix (et oui, quand il y a concurrence, les prix baissent), et un service offert par les nouveaux entrants au niveau des attentes. Un personnel compétent, aux petits soins vis à vis des clients a été proposé par les nouveaux. Pendant ce temps, France Télécom a vu partir bon nombre d’abonnés, moi le premier, trop content de quitter une boîte qui me prenait pour un imbécile. Résultat : une ambiance au sein de la boîte délétère, soutenue par une direction qui voyait ses profits fondre comme neige au soleil. Les conclusions, tout le monde les connaît : suicides en pagaille, généralisation du mal-être au sein de l’entreprise, recours massif aux contrats courts, eux-mêmes source de drame comme cette mère de famille, organisant son pot de départ de l’entreprise le matin et regagnant sa voiture en constatant que sa gosse de 18 mois avait été oubliée dans sa bagnole en plein soleil. Un mort de plus…

Vous l’aurez compris : les retards, je m’en fous un peu. Les remboursements des grèves, je m’en fous un peu aussi. Ma priorité est de deux ordres :

– Contraindre le personnel de la SNCF à écouter ses clients afin qu’ils ne partent pas à la concurrence le moment venu. Professionnaliser le personnel de la SNCF en leur montrant qu’ils ont des clients, est le seul moyen de limiter les dégâts sociaux qui vont résulter de la privatisation et de la mise en concurrence. Je ne veux pas d’un France Télécom 2 au sein de la SNCF.

– Contraindre la SNCF à améliorer ses lignes, toutes ses lignes. Ce, afin d’éviter les drames et les morts inutiles. Cette amélioration passera forcément par plus de moyens. Il faut donc, qu’à la SNCF, on bosse plus, mieux et plus efficacement. Le travail doit être fait, par tous, y compris par le personnel contrôleur de la SNCF qui a un rôle essentiel de lutte contre la fraude. Elle coûte près de 300 Millions d’Euros par an. Cet argent serait plus que bienvenu pour la rénovation des voies et le respect de l’intégrité physique du voyageur ET du personnel !

Il est peu dire que d’affirmer que le personnel de la SNCF n’est pas un modèle de productivité. A tous les niveaux, et les prétextes des grèves le démontrent largement, le personnel est plus attaché à sauvegarder ses avantages sociaux que de participer au bien être des voyageurs trop peu souvent considérés comme des clients. La SNCF est une entreprise monopolistique et comme toute entreprise monopolistique, le client passe après la défense des avantages acquis. Et comme le personnel n’est pas formé à la relation clientèle, le voyageur paie les pots cassés.

J’exagère ? Posez-vous la question : combien de grèves ont été organisées par le personnel pour défendre leur propre sécurité à bord des trains suite aux drames de Brétigny et Pau ? Pas une seule… La dernière grève d’ampleur que nous avons subie, celle de juin, avait comme motifs la crainte que la fusion RFF-SNCF fasse des dégâts en termes d’avantages sociaux. On a aussi eu droit à des oppositions fermes quant à la suppression du contrôleur à bord des trains…

Alors que faire ? Quels sont nos moyens d’action ?

J’en ai testés quelques-uns, et j’en teste actuellement d’autres.

D’abord, le refus de présentation du billet. Sauf, si vous arrivez à retourner tout un wagon, ce mode d’action est voué à l’échec car le droit est du côté de la SNCF. Un refus d’obtempérer peut vous emmener au tribunal (j’en ai fait l’expérience). Et bien que je sois allé jusqu’en Cours de cassation, je n’ai pas eu gain de cause. La SNCF a dit que j’avais bloqué le train par mon comportement et j’en ai eu pour 1600Euros de frais (avocat compris). Les gendarmes ont eu beau louer mon courage, le Procureur de la République a eu beau m’avouer, quelques mois plus tard, que j’avais raison, le mal était fait… Quand on refuse d’obtempérer, on est en tort et on n’a pas les voyageurs avec soi qui ne pensent qu’à rentrer chez eux le soir et n’ont rien à faire d’un gars qui veut jouer les justiciers, même si c’est pour eux. Je reviendrai sur la mentalité du voyageur moyen…

Bref, si vous refusez de présenter votre billet et si vous tombez sur un imbécile, il est en droit de bloquer le train et de vous envoyer devant les Tribunaux qui vous donneront tort.

Un autre mode d’action consiste à porter systématiquement plainte contre la SNCF pour remboursement des retards et des grèves. Cette pratique est particulièrement énergivore et ne change en rien les mentalités. En effet, c’est le service juridique de la SNCF qui traite les dossiers. Vis à vis du personnel, ça ne change rien. De plus, on ne gagne que rarement car il faut apporter preuve sur preuve de la présence du préjudice et les tribunaux ont tendance à renvoyer chacun de son côté. C’est jouissif de faire payer un avocat à la SNCF mais ça ne dure qu’un temps. L’avocat, c’est le client qui le paie in fine, et combien même vous ne prendriez pas d’avocat vous-même, que vous êtes contraint de poser des jours de congés pour aller plaider votre cause à un Tribunal civil déjà lourdement encombré.

Depuis quelques temps, j’utilise donc un autre moyen. Le harcèlement poli, mais ferme… Quand je suis contrôlé, je demande systématiquement sa carte au contrôleur et en profite pour lui présenter mes griefs sur le non-remboursement des titres face aux grèves. Comme il me dit qu’il n’y est pour rien (il faut savoir que le personnel qui fait grève n’est jamais celui qui se retrouve devant vous quand vous lui faites les remarques), il se dédouane. A ce moment-là, je demande à ce qu’il me fasse un rapport qu’il donnera à sa hiérarchie concernant mes griefs. Ca peut se passer plus ou moins bien, mais force est de constater que, généralement, le personnel passe à la personne suivante et s’en fout. Preuve que le professionnalisme à la SNCF est une notion toute relative.

Vous l’aurez compris, le maître mot, à bord du train, est de m’efforcer de signifier que je suis un client et qu’il faut me considérer comme tel.

D’ailleurs, il m’est arrivé, pas plus tard que le vendredi 10 Octobre à 7h32 une petite mésaventure en Gare de Moirans qui peut éclairer votre point de vue sur le comportement des voyageurs de temps à autre.

Sur la ligne Valence-Chambéry, direction Grenoble, je monte donc dans le train. Comme je suis en vélo, je le mets dans un local prévu à cet effet, en bout de train. Dans ce compartiment, il y a un siège unique dont rien n’indique la finalité. J’ai déjà posé la question à différents agents qui m’ont assuré que j’avais le droit d’utiliser ce siège. Je l’utilise donc pour pouvoir surveiller mon vélo.

Là-dessus, l’agent de contrôle, qui était descendu faire l’arrêt, remonte dans le train et veut récupérer ‘sa place’. Je m’étonne et lui dit que rien indique que c’est sa place. Il me dit : « C’est ma place, mes affaires sont là », en désignant son sac qui était dans le local. Je lui réponds que cette place me convient parce qu’elle me permet de surveiller mon vélo et que je suis un client de l’entreprise et qu’en tant que client, je m’assois où bon me semble à partir du moment où rien ne l’interdit.
Il hausse le ton et je lui demande de garder son calme. Il ne veut rien entendre et me signifie que je suis un gamin, qu’il était là avant moi et qu’il veut récupérer sa place. Il s’énerve tellement que les voyageurs présents sont rapidement au courant de la situation. Il me dit que mon vélo gêne les voyageurs et qu’il va falloir que je le mette de côté. Le temps de me lever et de mieux ranger mon vélo, l’agent a récupéré son siège : bien joué…

Cependant, je n’en reste pas là et attaque sur le fond du problème :
« Dites-moi, vous n’avez pas un métier ? Je n’ai pas idée que votre travail, que je paie avec mes impôts et mon billet, est de voyager tranquillement sur votre siège. Vous pouvez me contrôler s’il vous plait ? ».
Je lui présente ma carte Oura.
« Pas la peine, me rétorque-t-il, les opérations de contrôle, je les ai déjà faites juste avant que vous ne montiez, et je ne peux pas contrôler tout le monde ».
– Je ne vous demande pas de contrôler tout le monde, mais de me contrôler moi.
– Non, non, n’insistez pas et arrêtez de jouer au gamin.
– Si, si, j’insiste ! Vous êtes payés avec mon argent et je veux que vous fassiez votre métier en me contrôlant ! La fraude coûte 300 Millions d’Euros à la SNCF, cet argent manque pour rénover des lignes, je vous demande donc de faire votre métier.
– Lâchez-moi ! Vous n’avez rien d’autre à foutre que d’emmerder le monde le matin ! » dit-il d’un ton très fort car le Monsieur est très agacé.

Et là, le top du top : l’arrivée des voyageurs ! Une dame se pointe et m’interpelle : « Mais vous n’en avez pas marre ? Vous emmerdez tout le monde avec vos bêtises ! On n’entend que vous dans la rame ! Monsieur était là avant vous alors arrêtez d’embêter tout le monde ! »
Je me défends :
« Vous plaisantez ? C’est lui qui s’énerve et qui râle !
– C’est vous qui l’avez provoqué ! Il était assis là avant vous ! Trouvez une autre place ! »
La dame a fait des émules et je me retrouve rapidement avec 5 ou 6 personnes du même avis qu’elle. Je me tais, attends que la dame rejoigne sa place et ferme la porte séparant le local du reste du wagon en disant :
« Excusez-moi pour la gêne occasionnée, c’est une histoire entre l’agent et moi ! »
Etant du genre opiniâtre, je retourne voir le contrôleur et lui parle du remboursement des dernières grèves :
« Vous savez, si, aujourd’hui, j’agis comme cela, c’est parce que je suis agacé. Agacé car, malgré de multiples courriers et de multiples relances, je n’ai toujours pas été remboursé de mes journées de grève de juin dernier.
– Vous avez décidé de me faire chier en fait ! Lâchez-moi la grappe ! J’en ai rien à foutre de vos histoires ! Les voyageurs vous l’ont dit : vous emmerdez tout le monde alors lâchez-moi ! », dit-il sur un ton très énervé et particulièrement agacé.
Je reprends mon ton calme : »Non, je ne vous lâcherai pas. Vous savez que celui qui s’énerve, c’est vous. Je n’ai pas élevé la voix, c’est vous qui l’avez élevée. Pour la dame, on n’entend que moi, mais c’est par vous qu’elle a été mise au courant de la situation. Je le dis et le répète, j’exige que vous me répondiez sur mon remboursement des grèves de juin dernier. »
– J’en ai rien à foutre ! Vous êtes bouché ? Hurle-t-il. On ne rembourse pas les billets sur le TER. Et maintenant, vous arrêtez de m’emmerder avec vos histoires ! Là, j’ai une casquette mais si vous voulez jouer au con, on peut se retrouver sur Grenoble.
– C’est une menace ?
– Non, ce n’est pas une menace, mais maintenant je dis « ça suffit », n’insistez-pas. Je me fous des jours de grève. Maintenant, vous vous taisez ou j’appelle les flics et je bloque le train. Il y a des voyageurs témoins que vous emmerdez tout le monde, alors, arrêtez ! ».

Là, et je vous jure que c’est vrai, la porte qui sépare le wagon des voyageurs s’ouvre ! Je la referme, une dame s’interpose :
« On veut savoir ce qu’il se passe car votre comportement est intolérable, on entend que vous depuis tout-à-l’heure !
– C’est lui qui s’énerve !
– Vous lui avez pris sa place.
– Je ne parle plus de cela, je lui demande d’agir pour me rembourser des jours de grèves de juin dernier.
– Mais on s’en fout des jours de grève ! Vous n’avez que ça à faire de foutre le bordel dans le train ? Qu’est-ce qu’il peut, lui, avec vos grèves ? Il n’est pas responsable de toute la SNCF ! Foutez-lui la paix ! ».

Le train arrive en Gare de Grenoble, l’agent fait une annonce. Je lui dicte : « …nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour le comportement de ce voyageur récalcitrant… ». L’agent répète ce que je lui dis.

Les gens s’apprêtent à sortir, j’ai en face de moi, 5 personnes remontées : « Vous êtes puéril, vous êtes un gamin !
– Tout ce que j’ai fait c’est de lui rappeler que je n’étais pas satisfait du non-remboursement des jours de grève.
– Mais il n’y peut rien, lui ! »
Un homme prend la parole : « Ecrivez un courrier et ne le prenez pas à partie lui ! »
– J’ai déjà écrit courriers sur courriers et je n’ai même pas reçu une seule réponse !
– Ben vous vous y êtes mal pris car moi, j’ai été remboursé ! »
Je reste bouche bée !
« Quoi ? Vous avez été remboursé des dernières grèves de juin ?
– Oui, intégralement !
– Vous avez un titre mensuel ou hebdomadaire ?
– Hebdomadaire ! ».
Là-dessus, le conducteur, qui avait ouvert la porte s’esclaffe !
« La honte ! Tu t’es foutu à dos tout le wagon et avec une lettre tu aurais pu être remboursé ! Gamin ! ».
Je m’adresse de nouveau au Monsieur :
« Ca vous dérange de me filer vos coordonnées à la descente du train ? Faut que vous me disiez comment vous avez fait car ça m’intéresse. »
– Oui, oui, pas de problème.

On descend du train, les cinq voyageurs du train vont serrer la main de l’agent de contrôle et le félicitent de travailler dans des conditions aussi ignobles que celles que j’ai initiées. « Ah ben, vous pouvez être content, vous vous êtes fait des copains grâce à moi !
– Je ne vous parle pas à vous.
– Et bien moi, je suis content. Vous vous êtes fait des amis et c’est une bonne chose ! Je vous souhaite une bonne journée !
– Moi, je ne vous souhaite pas une bonne journée. »

On se sépare et l’homme au remboursement m’interpelle : « Vous avez votre titre au moins ?
– Ben ouais, vous vous imaginez que je voyage gratos et que je fais chier le monde par plaisir ?
– Ca ne m’étonnerait pas ! Présentez-moi le s’il vous plaît ! »
Je lui présente ma carte Oura… Je dis :
« On pourrait demander à l’agent de la lire, mais il a déjà refusé de le faire tout à l’heure… ». Je lui présente donc la preuve Carte Bleue. J’enchaine :
« Vous pouvez me donner vos coordonnées ?
– Oh, je vous les fournirai la semaine prochaine, je vous ai déjà vu dans le train.
– Ca m’arrangerait que vous me les donniez maintenant.
– C’est pas comme ça qu’il faut que vous vous comportiez. Je comprends vos aspirations mais ce n’est pas la bonne méthode.
– Ca, j’ai vu ! Je me suis mis tout le wagon à dos ! Mais comment vous avez fait pour vous faire rembourser ?
– Ben c’est simple, y’a un train qui ne s’est pas arrêté en Gare de Saint Marcellin, alors j’ai fait un gros courrier car j’étais énervé, et on m’a remboursé.
– Je vous parle des grèves ! Vous n’avez pas été remboursé suite aux grèves !
– Non, non, moi, c’était parce que le train ne s’est pas arrêté ! »

Là, j’ai revu le visage de l’autre pignouf de conducteur qui m’avait pris pour un con. J’ai eu du mal à déglutir la couleuvre.

Je continue : « Donc vous n’avez pas été remboursé suite aux grèves.
– Non. Mais ce n’est pas comme cela qu’il faut agir.
– Ca je sais et m’en rend compte. Mais comment voulez-vous agir ? Par exemple, on a quand même un agent de contrôle qui a refusé de m’écouter et de faire un rapport. Il a même refusé de me contrôler ! ». Là, j’ai un éclair de génie et pose la question qui tue :
« Au fait, vous avez été contrôlé ce matin ?
– Non !
– Il m’a dit qu’il avait fait les opérations de contrôle juste avant Moirans !
– Je suis monté à St Marcellin et je n’ai pas été contrôlé.
– Vous avez donc défendu un menteur car il m’a assuré avoir contrôlé les gens avant ma montée. La fraude coûte 300 Millions d’Euros et on a des types qui ne font pas leur boulot et en attendant, il y a des rénovations qui ne se font pas et les remboursements des grèves sont inexistants.
– Moi, quand je ne suis pas content, quand il y a des contrôles, je dis au contrôleur de repasser me contrôler plus tard.
– Vous êtes libre de réagir comme vous voulez mais je doute que cette tactique soit efficace. Au pire ça peut le dégoûter de faire son boulot et il restera assis dans le local vélo… et la fraude causera toujours autant de trou à la SNCF.
– Ou bien, on peut prendre son temps avant de lui présenter son billet en lui disant que la SNCF fait perdre du temps au voyageur alors on lui fait perdre son temps aussi.
– Là non plus, je ne suis pas fan de la mesure. ».

En tout, on discute et on parle pendant près d’un quart d’heure.

A la fin de la discussion, il me lâche :
« En fait, vous avez raison. Mais il faudrait agir autrement.
– Je vous écoute
– Il faudrait que tous les voyageurs se révoltent et refusent de présenter leur billet !
– Vous plaisantez ! Tous les voyageurs ? On va se compter. On est… deux ! Parmi tous les râleurs de tout à l’heure, combien ont pris la peine de discuter ? Vous… et c’est tout… C’est simple : quand il va y avoir 5 voyageurs qui vont refuser de présenter leur billet, l’agent leur intimera l’ordre d’obtempérer ou il bloquera le train. Les 5 vont se mettre à dos tout le wagon et l’incendie sera éteint !
Le problème c’est que la SNCF a tellement abusé de son pouvoir, elle a tellement pris les usagers en otage, qu’ils se conduisent comme des otages : on est dans le syndrome de Stockholm !
Les gens sont tellement contents quand le train arrive à l’heure et roule normalement, qu’ils ne tolèrent aucun grain de sable où ils se diront que le train arrivera, encore une fois, avec du retard ! Ce mode de pensée est favorisé avec les heures d’utilisation du train : le matin, les gens sont fatigués et ne réfléchissent pas. Ils continuent leur nuit et aspirent à la tranquillité. Le soir, ils sont rincés. Les gens râlent quand il y a des problèmes. L’ennui, c’est que quand il y a des problèmes, il n’y a pas d’interlocuteur… Le problème, c’est celui-là ! On râle quand ça ne sert à rien et on ne râle pas quand ça servirait à quelque chose, trop content que le train roule et que tout se déroule bien le jour-là… Pour ma part, je continuerai à râler de cette manière, même s’il faut que je me mette un wagon à dos, car, parmi le wagon, il y a peut-être une personne, comme vous, qui se rend compte que j’ai raison…
– Vous avez raison
– On est donc deux… »

On s’est donc séparés, très contents l’un et l’autre. Plus que 50 jours et 50 personnes à retourner et on pourra commencer à penser à la révolution… à moins que je finisse sous un train avant…

Ce petit épisode montre bien que le courage n’est pas une faculté partagée par tous et qu’agir n’est pas chose facile. J’aimerais rebondir sur les propos de Denis qui a déploré l’omniprésence de la politique parmi notre action. La politique est noble et elle doit servir l’intérêt général. Ceci dit, quand on voit certains comportements de nos concitoyens, je ne peux m’empêcher de penser que l’on a parfois les politiques que l’on mérite. A Meylan, Madame La Maire, mise en examen pour corruption a été reconduite. M. Copé, M. Woerth, ont aussi vu leur mandat renouvelé. Le maire de ‘La Faute sur Mer’, village sinistré après Xynthia, a été reconduit alors même qu’il avait été prévenu à de multiples reprises par la préfecture que les permis de construire qu’il délivrait pouvaient mener à des morts. Résultat, 29 personnes, dont des gosses, des grands-mères, piégés dans des baraques construites de plain-pied grâce à un permis de construire pouvant permettre à M. René Marratier de continuer à être élu… Après tout, il a raison : les gosses et les grand-mères, ça peut plus voter quand ils ont deux litres d’eau dans les poumons… La politique est belle mais ce qu’en font certains de nos politiques ne l’est pas, ce, parce que certains de nos concitoyens sont prêts à voter pour les plus démagogiques au moment de glisser leur bulletin…

Mener une action de grande ampleur ne sera pas facile car une partie des voyageurs râlent souvent mais se taisent au moment venu. C’est comme ça.

En tout cas, moi, je continue à faire chier le monde quand je le juge nécessaire car je préfère voir des voyageurs mécontents après moi, des agents de contrôle excédés, que des voyageurs écrasés sur les voies suite à un accident style Brétigny, ou des agents de contrôle pendre au bout d’une corde…

Désolé.

Pardon pour la longueur de la lettre.

Un gros bisous à tous (y’a pas assez de bisous en ce bas monde 😉 ) et un gros en particulier à mon agent de contrôle fainéant favori, à l’homme qui a daigné avoir une conversation avec moi et aux dames qui m’ont gueulé dessus… peut-être à raison.

Philippe NOVIANT.


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