Le clientélisme peut mener à la faillite !

Cet article est très intéressant. Car il montre que les politiciens incompétents peuvent ruiner tout un pays. Il faut des contraintes de concurrence et de compétitivité. Tant l’extrême gauche que l’extrême droite, en France, rejettent ces idées, tant elles sont pourtant indispensable si on ne veut pas ruiner une Nation.

Contrairement aux dires de Mme Marine Le Pen, garder une économie fermée est néfaste pour un pays. Si on y ajoute un clientélisme social et structurel, on y met de l’huile sur le feu.

Bref, l’histoire économique de l’Argentine est intéressante car elle jette un regard cru sur les dires de nos extrêmes politiques.

A méditer.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 26 Août 2014

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L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE
Leçons argentines

L’Argentine vient de connaître son sixième défaut extérieur depuis l’après-guerre. Les crises financières qui se sont succédé dans ce pays au cours des dernières décennies (défauts et/ou crises bancaires et/ou hyper-inflation) n’ont fait que refléter l’une des plus fortes phases de déclin économique du temps de paix de l’histoire contemporaine. Et le mode de spoliation à intervalles réguliers de ses créanciers a constitué l’une des issues les plus  » naturelles  » pour les différents gouvernements argentins, incapables de forger les conditions d’un développement durable.

Rappelons qu’à son apogée l’Argentine était l’un des pays les plus riches du monde. Pays très ouvert, puissance agricole de premier plan, elle figurait parmi les grandes  » stars  » de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. C’est le pays qui attirait alors le plus de capitaux et de migrants (plus de la moitié des habitants de Buenos Aires étaient d’origine étrangère en 1914). Elle était la neuvième puissance économique mondiale, tant en 1920 qu’en 1950. En 2014, elle n’est plus que 27e. L’Argentine avait le même niveau de vie que la France, en 1900 comme en 1950. Son produit intérieur brut (PIB) par habitant la hissait au 12e rang mondial, juste devant la France. Sa position actuelle se situe entre la 62e place (en dollars courants) et la 69e (en parité de pouvoir d’achat).

Si l’on devait mentionner une cause unique au déclin argentin, on indiquerait le péronisme. Non pas que Juan Peron (1895-1974) ait toujours gouverné l’Argentine (seulement de 1946 à 1955 et, avec son épouse, de 1973 à 1976). Mais le péronisme a façonné la vie politique et sociale du pays. La plupart des gouvernements s’en sont inspirés, directement ou indirectement.

Le péronisme représente l’illusion d’un modèle de développement autonome animé par l’Etat et affranchi des contraintes de la concurrence et de la compétitivité. La stratégie protectionniste de substitution de la production manufacturière nationale aux importations, inspirée par l’économiste Raul Prebisch (1901-1986), a rendu le secteur manufacturier toujours plus dépendant des aides et des protections publiques et jamais réellement compétitif, subissant souvent par ailleurs un taux de change déterminé par les considérables surplus agricoles.

L’Argentine est ainsi restée, depuis 1945, une économie le plus souvent assez fermée. Confronté au déclin économique, l’Etat est tombé dans un clientélisme social quasi structurel. Au-delà des transferts financiers publics, l’économie argentine a toujours été marquée par une forte interférence de l’Etat dans les activités privées et un faible respect des droits de propriété. Cela s’est particulièrement manifesté depuis l’arrivée des Kirchner aux affaires en 2003 (expropriation de Repsol en 2008, nationalisation des fonds de pension privés en 2008, manipulation des chiffres de l’inflation, limitation aux exportations de capitaux…).

De temps en temps, le pays fait illusion

Plus généralement, les gouvernements argentins n’ont jamais réussi à sortir de préoccupations court-termistes et ont toujours été gangrenés par la corruption. D’où le recours systématique aux expédients et une instabilité politique chronique.

Le pays a été marqué par une multitude de coups d’Etat (1943, 1955, 1962 et 1976) qui ont plutôt accentué les pratiques clientélistes. Aujourd’hui encore, l’Argentine figure au 106e rang à l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International. En termes de compétitivité, les classements de l’Argentine sont également exécrables : 104e dans le classement de compétitivité du Forum économique mondial et 126e dans l’enquête  » Doing Business  » de la Banque mondiale.

De temps en temps, l’Argentine fait illusion, à la faveur de vagues de hausse des prix des matières premières : cela a été le cas après la grande dépression de 1998-2002, avec près de 9 % de croissance moyenne annuelle entre 2003 et 2007 (et de nouveau en 2010 et 2011) grâce à la hausse des prix des matières premières agricoles, en particulier du soja.

Avec le retournement des prix des matières premières depuis 2011, les illusions se dissipent. L’Argentine renoue progressivement avec la récession (en 2014), la disparition de l’excédent commercial, un déficit budgétaire structurel élevé, des fuites massives de capitaux…

La descente progressive aux enfers de l’Argentine depuis environ soixante-dix ans rappelle que les écarts de performances entre les nations sont dus pour l’essentiel aux différences de gouvernance plutôt qu’aux dotations en richesses naturelles. Elle rappelle aussi qu’en cas de fermeture progressive il peut subsister au sein des pays des secteurs productifs et compétitifs, coexistant avec un appauvrissement économique du reste de la société. Elle enseigne aussi que la dynamique du déclin s’auto-entretient : il est en effet très difficile d’amorcer dans ce contexte une stratégie de redressement durable en raison des obstacles sociologiques, politiques et même économiques (l’ajustement a un coût économique de court terme) que le déclin génère en lui-même.

L’Argentine montre de plus le caractère illusoire des discours des élites politiques assis sur des mythes et le déni de la réalité. Elle montre enfin le caractère suicidaire, à terme, du refus de l’adaptation au monde extérieur.

Aujourd’hui, la performance macroéconomique argentine se rapproche de celle du Venezuela et contraste singulièrement avec les réussites d’autres voisins latino-américains, qu’elles soient traditionnelles, comme au Chili, ou plus récentes, comme en Colombie ou au Mexique.

par Jean-Pierre Petit

    Jean-Pierre Petit est économiste et président de la société de conseil Les Cahiers verts de l’économie


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